Les Intelligences artificielles génératives ont-elles bientôt fini de faire parler d’elles ? Elles culminent au sommet du cycle de la hype, font le buzz, habillent le pape pour l’hiver, nettoient les rues avec Emmanuel Macron et accompagnent Donald Trump en prison. Si elles amusent, fascinent, questionnent, peuvent-elles devenir de solides partenaires business pour les marques ?  

ChatGTP dressé au Deep Learning

Savant mélange de Deep Learning, LLM (Large Langage Model) et de langage naturel (NLP), les IA génératives (ChatGPT en tête de rang), sont des bijoux de technologie. Là où nombre de chatbots montraient rapidement des limites, ChatGPT parvient non seulement à comprendre une requête humaine parfaitement imparfaite (orthographe, syntaxe, disfluence verbale, langage oral, etc.) mais également à restituer une réponse qui donne l’illusion d’une authenticité humaine : d’avoir été écrite, créée ou photographiée par un individu en seulement quelques secondes.

A lui seul, ChatGPT s’entraînerait sur une base de 300 milliards de mots issus d’internet dont la pertinence n’est pas réellement quantifiable. Aujourd’hui, on peut parfois détecter une image construite de toute pièce par une intelligence déshumanisée, il est toutefois plus fréquent de se laisser berner. Nul doute qu’il ne faudra pas bien longtemps à ces IA pour assimiler par exemple qu’une main comporte en général 5 doigts bien distincts. Qu’en sera-t-il après des mois, des années, d’entraînement intensif de ces machines infatigables ?  

De Lavoisier à ChatGPT…

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », la célèbre maxime aurait pu être celle de ChatGPT si elle n’avait pas été du chimiste Antoine-Laurent de Lavoisier… vraiment ? Si on demande à l’IA générative d’où provient cette célèbre citation, sans hésitation, c’est Lavoisier ! En fouillant très peu, il s’agit d’une approximation, une citation apocryphe, qui serait à l’origine bien plus proche de celle de Anaxagore de Clazomènes. ChatGPT, tu m’as trompé.

Les marques s’emparent du phénomène pour rivaliser d’inventivité et marquer les esprits (Masterpiece, de Coca-Cola s’appuie sur Stable Diffusion, Nestlé voit en dehors du cadre de sa légendaire Laitière alors que Cartier rajeunit Catherine Deneuve grâce au Deepfake dans sa pub Tank Française). Les productions des IA génératives sont impressionnantes de réalisme et peuvent être générées par n’importe qui sans aucune connaissance spécifique. Elles dupent notre crédulité et altèrent les frontières de la réalité tandis que leurs usages semblent difficilement contrôlables et facilement corruptibles.

ChatGPT a le RGPD aux trousses

Incontestablement puissantes, les IA génératives fascinent autant qu’elles questionnent. La France, l’Espagne et le Canada ouvrent des enquêtes alors que l’Italie a déjà pris des mesures restrictives. Plus encore, le Comité Européen de la Protection des Données (EDPB), a monté un groupe de travail sur le sujet.

Le moteur des IA génératives, c’est la donnée. Tout naturellement, elle pose question. Quelles sont les sources ? quel traitement des données personnelles ? quelle politique de confidentialité et sécurité des données ?Autant de sujets qui taraudent les utilisateurs consciencieux et sur lesquels les réponses sont encore floues.

A ces questions, s’ajoutent des enjeux connexes comme :
  • La désinformation et l’accès aux sources : les fakenews circulent à une vitesse folle avant d’être décriées,
  • L’usage à des fins frauduleuses ou malveillantes,
  • Le droit à l’image l’utilisation sans restriction apparente d’un faciès identifiable dans un contexte imaginaire mais crédible (comme par exemple les photomontages d’Emmanuel Macron, Donald Trump et du Pape François),
  • Le droit à l’oubli qui, s’il semble être possible comme pour Google, ne promet pas d’être effectif,
  • Le droit d’auteur et la paternité d’une œuvre ainsi qu’à sa dimension unique et artistique. On pourra notamment citer la photographie « The Electrician » de Boris Eldagsen (prix Open du Sony World Photography Awards) créée grâce à une IA,
  • Le « coût » humain : juridique, marketing, création de contenu, développement des métiers qui pourraient être en péril avec le déploiement des IA génératives.
Par Yves Colinet, Managing Partner de Databoost'R, programme d'innovation et accélérateur de startups chez Groupe Micropole