Les organisations doivent exploiterles compétences adjacentes de leurs employés pour combler les lacunes en matière de compétences et renforcer leur résilience en raison du gel des embauches provoqué par la pandémie.

Le monde du travail était déjà en train de changer avec la transformation numérique d’avant la pandémie. À présent, il change à une vitesse encore plus rapide sous les contraintes induites par la pandémie et ses conséquences sur le recrutement. Certaines entreprises qui, lors du premier confinement, ont fait appel à leurs employés qui avaient une expérience de la communication en ligne, en est une illustration. Ces employés, qui animaient des blogs ou des comptes personnels dans les réseaux sociaux, ont été mis à contribution pour alimenter les réseaux de communication en ligne de leur entreprise et maintenir le contact avec les consommateurs. Un exemple parmi tant d’autres de l’exploitation des compétences adjacentes ou contigües de collaborateurs.

Au-delà de ces usages opportunistes ou dans l’urgence, la tendance de fond vient d’avant la crise. Comme l’explique un article de Gartner : « Même avant la pandémie, il y a eu des changements dans la main-d’œuvre et dans la planification des effectifs. De nouvelles tâches et responsabilités sont apparues soudainement, dépassant les titres et définitions des rôles. Les tendances du travail induites par le Covid-19, telles que le travail à distance, la transformation numérique rapide et le travail sur le terrain, exacerbent ces changements ».

L’évolution des modes de collaboration et les qualitésnécessairespour faire face à cette situation, en plus des compétences professionnelles de base, nécessitent des services RH une plus grande prise en compte des capacités globales des collaborateurs.« L’adaptation des compétences et des rôles des employés aux méthodes de travail post-pandémique sera cruciale pour renforcer la résilience des modèles d’exploitation », expliquaient des analystes de McKinsey dans un article datant de mai 2020. En identifiant ces « contiguïtés de compétences », les organisations peuvent améliorer ou requalifier les employés afin de combler les lacunes.

Le champ des compétences requises augmente

Mais faire face à cette évolution à un moment où la formation ne peut se faire qu’en ligne est une gageure.Selon Gartner HR Research, 58 % de la main-d’œuvre aura besoin de nouvelles compétences pour faire son travail avec succès. Les données de Gartner TalentNeuron montrent que le nombre total de compétences requises pour un seul emploi a augmenté de 10 % d’une année sur l’autre depuis 2017. En outre, une compétence sur trois dans un emploi moyen de 2017 dans les domaines de l’informatique, de la finance ou de la vente est déjà obsolète. De fait, « les nouveaux déficits de compétences, dus à la perturbation continue des activités et à l’évolution rapide des besoins, se sont accélérés à la suite de la pandémie ».

Ceci dans un environnement où les embauches ont été, au mieux, ralenties et, au pire, abruptement gelées. Une enquête de Gartner de 2020 a révélé que 74 % des organisations ont gelé l’embauche en réponse au Covid-19.« Dans le contexte actuel, l’embauche n’est pas possible pour de nombreuses organisations.Les entreprises peuvent plutôt se tourner vers les employés actuels qui ont des compétences correspondant étroitement à celles qui sont demandées et utiliser la formation pour combler les lacunes », a déclaré Alison Smith, directrice du département RH de Gartner.

Cartographier les compétences voisines des employés

Considérer les talents ayant des compétences voisines de celles requises et aider les employés à étendre leurs compétences nécessitent toutefois une approche en trois étapes, estime Gartner : accroître la transparence des compétences des employés actuels, identifier et mobiliser les compétences adjacentes non évidentes, et adapter les stratégies d’évolution de carrière pour encourager une progression de carrière flexible.

La première consiste, pour les responsables des RH, à recueillir des informations sur les aptitudesdes employés, ce qui leur permet de dresser la carte des compétences secondaires et tertiaires. « Plutôt que de dresser un tableau complet des compétences actuelles des employés, de nombreuses organisations de premier plan se concentrent sur la collecte de données sur les compétences clés qui sont juste assez complètes pour leur permettre de les tenir facilement à jour », explique Gartner. Les employés et leurs responsables doivent être habilités et encouragés à gérer un portefeuille de compétences visible par les RH, ce qui leur permettra ensuite de garder une vue d’ensemble des compétences de l’organisation.

Comprendre et hiérarchiser les compétences adjacentes

Pour répondre aux besoins critiques en matière de compétences en mettant à contribution des compétences adjacentes, les RH doivent déterminer quelles compétences secondaires ou tertiaires doivent être mises à profit. Les grandes organisations utilisent l’apprentissage automatique et le big data pour identifier et débloquer la puissance des compétences adjacentes à l’échelle. « Certains dirigeants progressistes des RH ont établi des partenariats avec leurs propres équipes internes de science des données afin d’ancrer les efforts de perfectionnement dans la connaissance actuelle des capacités des employés et de donner la priorité à l’application immédiate des compétences », affirme Gartner.

Encourager une progression de carrière flexible

Les parcours de carrière traditionnels reposent sur l’hypothèse que les rôles resteront relativement inchangés pendant des années et évolueront selon une trajectoire en paliers, en forme d’échelle. À mesure que les RH commencent à découvrir les compétences adjacentes, de nouveaux liens et de nouvelles options de carrière apparaissent. « Les parcours professionnels devront être plus fluides et non limités par les rôles traditionnels et les exigences en matière de compétences », conseille Gartner.

« Les parcours de carrière doivent être suffisamment souples pour permettre aux employés de se déplacer de manière — souvent non conventionnelle — afin que l’organisation puisse mettre à profit le meilleur des compétences adjacentes des employés », a déclaré Alison Smith. Dans ces circonstances, il s’avère nécessaire de « découpler le concept de “progression” des employés des seuls rôles et titres. Ce qui leur permet d’être dynamiques et prêts à changer de cap selon les besoins de l’organisation », a-t-elle ajouté.