Dès son entrée dans le monde de l’entreprise, l’informatique a participé, plus ou moins directement à l’amélioration des performances de l’organisation. En quelques dizaines d’années, les DSI sont passées par une logique d’informatisation des activités de l’entreprise puis de gestion d’une fonction spécifique (RH, commerciale…) à la nécessité actuelle de supporter un système complexe où l’ensemble des interactions entre les fonctions de l’entreprise, les clients et les fournisseurs doivent être gérés. Pendant ce laps de temps très court à l’échelle de l’entreprise industrielle, le DSI a dû adapter le fonctionnement et l’organisation de son équipe, afin de ne jamais être « un frein à la croissance de l’entreprise ».

 

Ainsi, en quelques décennies et en parallèle des évolutions technologiques, plusieurs modes de positionnement se sont superposés ou succédés

·      Le fonctionnement par projet,

·      L’organisation des activités par processus,

·      L’orientation service

Souvent cité en référence ou cible, le positionnement de la DSI en tant que « partenaire stratégique » des métiers implique plus que la garantie d’un service. Pour les directions clientes, il n’est pas seulement nécessaire de rendre le service, il devient indispensable que le service participe de manière optimale à la performance des processus métiers.

La DSI doit alors intégrer dans ses principes de gouvernance, la mise en place d’une logique de « création de valeur » et 

ainsi organiser la réponse à la question : « comment est ce que je participe à la performance de l’entreprise ? », à travers des questions simples et pragmatiques : « Quel est le niveau de valeur que j’apporte à mes clients ?», « Comment l’augmenter ?», «Les efforts que j’ai fournis sont-ils perceptibles ? »

La valeur, ça ressemble à quoi ?

Fort de ces constats et afin de pouvoir lancer des actions concrètes de création de valeur à travers les services IT, il est important de comprendre les éléments qui entrent dans l’équation à savoir le « service » et la « valeur »

 

Le 1er élément à définir est l’objet lui-même, à savoir le service IT. ITIL V3, référentiel de gestion des services IT le définit comme : « Un moyen de délivrer une valeur à des clients en facilitant les aboutissements que les clients veulent obtenir sans avoir la propriété des coûts ou des risques». Le service représente alors le résultat du travail de la DSI, auxquels les bénéficiaires, les clients, grâce à un engagement avec la DSI n’ont pas à supporter les risques et les coûts associés à leur fourniture. Peu importe le nombre d’antennes relais nécessaires, l’utilisateur d’un service de téléphonie mobile doit pouvoir capter un signal suffisant permettant une communication. En contrepartie d’un montant forfaitaire, l’opérateur s’engage alors à assurer la gestion (coût, risques…) de ses antennes relais.

 

Le 2ème élément est le terme de « valeur », qui comme on l’a vu est quelque peu « galvaudé » dans son utilisation quotidienne. La norme NX 50 -150[1] apporte quelques précisions sur ce concept avec la définition suivante : « Jugement porté sur le produit sur la base des attentes et des motivations de l’utilisateur, exprimé par une grandeur qui croît lorsque la satisfaction du besoin de l’utilisateur augmente et/ou que la dépense afférente au produit diminue ». Outre le fait d’éclaircir ce terme, cette norme montre surtout qu’il existe deux leviers à la création de valeur : la qualité de la réponse au besoin de l’utilisateur et le coût associé.

 

Par ailleurs le concept de service fait entrer trois acteurs dans le jeu des relations, le client, l’utilisateur, et le fournisseur du service (la DSI). Pour avoir une vue exhaustive de la situation, il est donc indispensable d’analyser la valeur des services sous l’angle de chacune de ces parties prenantes :

·      La valeur d’usage du service, qui peut être représentée par les réponses aux questions posées par l’utilisateur au quotidien. Mon besoin est-il toujours couvert par le service ? Le coût demandé pour l’accès à ce service est-il raisonnable ? La valeur d’usage couvre ainsi les vues du client et des utilisateurs.

·      La valeur produite pour le fournisseur du service, représenté par l’intérêt du fournisseur à mettre ce service à son catalogue. Le service est-il rentable ? N’ai-je pas intérêt à regrouper dans un seul service la multitude des petites solutions que je mets à disposition ?

L’analyse de la Valeur : la remise en cause source de l’amélioration

L’Analyse de la Valeur est une méthode pluridisciplinaire (à la fois technique et économique) qui cherche à concentrer l’ensemble des efforts sur l’amélioration de l’un et/ou l’autre des leviers de la valeur à savoir :

·      Améliorer la réponse au besoin du client par la mise à disposition de fonctions supportées par des solutions optimales. Par exemple, pour un besoin tel que « transmettre de l’information à quelqu’un», plusieurs fonctions peuvent intervenir, communication directe et indirecte. Elles sont elles-mêmes supportées par des solutions comme la téléphonie fixe et mobile, la messagerie instantanée, qui assure la perception de valeur.

·      Optimiser les coûts associés à la mise à disposition des solutions répondant aux besoins. Afin de vérifier l’efficacité des projets de création de valeur, l’évaluation préalable de la valeur actuelle du service est un pré-requis indispensable. En fonction du périmètre de l’étude, la valeur d’usage et/ ou la valeur produite est ainsi mesurée.

 

La première étape d’une démarche d’analyse de la valeur consiste à mettre en place des évaluations régulières de la valeur du service afin de permettre des comparaisons futures.

·      La mesure de la valeur d’usage, du point de vue de client, s’effectue par la mise en évidence de la couverture fonctionnelle du service en rapport avec le coût ou l’effort demandé. La mise en place d’enquêtes de satisfaction utilisateurs et clients permet l’évaluation régulière de la valeur du service.

·      La mesure de la valeur produite, pour le producteur, va se définir à l’aide d’un regard internet externe à l’organisation. De manière externe, les benchmarking, les études de positionnement par rapport au marché et aux profils des utilisateurs permettront de qualifier et comparer le service fournis. Une évaluation interne du  service, notamment dans son impact dans l’offre globale et la répartition du chiffre d’affaires (ou les bénéfices) du producteur, permet également de juger la valeur du service.

 

Après l’évaluation, la méthode « analyse de la valeur » rend possible la création de valeur en organisant la remise en cause des éléments supports à la réponse au besoin : remise en cause des fonctions et des solutions. Des études d’opportunité de projets de modifications fonctionnelles (est-ce que la fonction répond bien au besoin ?), techniques (la solution est-elle la mieux adaptée pour supporter la fonction ?) et organisationnelles (processus, plan de formation supportant la gestion du service dans son cycle de vie) sont lancées. Ces différentes remises en cause proposées tendent, dans tous les cas, à approcher le service de la notion de juste-nécessaire. Cette notion implique que l’ensemble des éléments constituant et supportant un service ont une justification dans la valeur perçue du producteur et/ou de l’utilisateur. Sur un besoin de gestion, comme par exemple une maîtrise des risques techniques lors d’une évolution d’un service, la fonction communément utilisée et préconisée[2] est l’analyse d’impact. L’organisation met alors à disposition une ou plusieurs solutions : Formulaire d’analyse d’impact, comité technique, modèle de configuration, connaissance des collaborateurs etc. S’il n’y pas de remise en cause de la fonction, la création de valeur s’effectuera par l’optimisation des solutions mises en pratique. Y a-t-il un intérêt à faire des comités techniques si l’organisation est capable d’assurer la fiabilité les modèles de configuration ? Le coût associé à la tenue de ce comité est-il raisonnable par rapport à la levée de risques qui s’y effectue ?...

 

L’existence de lien entre les services de la DSI avec la performance de l’entreprise impose au DSI une réflexion sur la matérialisation de la valeur et les leviers associés. Contrairement aux autres méthodes existantes, généralement très ciblée sur la qualité ou les coûts, l’analyse de la valeur par son approche technico-fonctionnelle, met la satisfaction client au centre de toutes améliorations. Un ensemble de changements plus ou moins structurant (du besoin jusqu’à la solution) sont organisés dans l’optique d’augmenter la réponse au besoin et/ou de diminuer les coûts, les deux leviers de la création de valeur.

 

Ainsi cette méthode, basée sur la remise en cause, implique que sans changement aucune création de valeur n’est possible. Au cours dans la mise en œuvre de modifications proposées, qu’elles soient techniques ou organisationnels, la DSI doit se préparer, et non renoncer, à rencontrer des situations parfois difficiles. Ce n’est qu’en surmontant ces difficultés et de ce fait, par la réussite des améliorations prévues, que chacune des parties prenantes (DSI et clients) percevront la création de valeur.

 


[1] NX 50 – 150 : « Analyse de la valeur : Analyse fonctionnelle – Vocabulaire ». Il a noté que cette norme a été complétée par la norme « NF EN 12973 »

[2] ITIL V3 : Transition des services – Processus de gestion des changements