1.       La chasse aux économies : une idée mal appliquée dans la gestion des fournisseurs

Je suis consultant indépendant depuis près de 20 ans et, à ce titre, j’ai réalisé pas mal de contrats de prestations en informatique tant avec des SSII que directement chez des clients et j’ai vu une évolution dans la gestion des fournisseurs chez ce que l’on appelle les « grands comptes ».

 Au début des années 1990 en France, ces grands comptes ont entamé une démarche de réduction du nombre de fournisseurs afin de diminuer les coûts de gestion des fournisseurs.

Le principe était qu’avec un nombre réduit de fournisseurs proposant une grande variété de prestations informatiques, la gestion allait être moins onéreuse et les coûts des prestations allaient baisser en raison des volumes confiés à chacun des fournisseurs.

Le fournisseur se faisait alors référencer auprès de la direction des achats et il reçoit ensuite tous les appels d’offres du client dans son domaine. A lui de trouver ensuite les ressources internes à proposer en réponse à l’appel d’offres.

Dès lors, il arrive souvent qu’un appel d’offres ne puisse être satisfait car il n’y a plus de ressources internes disponibles. Et le recrutement de nouveaux collaborateurs coûte cher et prend du temps. Or, il est inconcevable pour un commercial classique de ne pas pouvoir satisfaire un appel d’offres. Cela est même inscrit dans les gènes de la culture commerciale. Il faut trouver une solution qui rapporte de l’argent.

Le fournisseur a trouvé il y a longtemps une solution simple : se transformer en intermédiaire entre des clients chez qui il est référencé et des intervenants externes qui vont faire le travail, en n’oubliant pas de prendre de la marge au passage. Ceci se fait souvent au détriment du client qui lui fait confiance et parfois au mépris des termes du contrat entre le client et le fournisseur qui lui interdit de faire appel à de la sous-traitance.

Ce référencement se transforme alors en une valeur commerciale qu’il faut faire payer à ceux qui vont travailler chez le client par leur intermédiaire.

Dans les années 1990, la marge pratiquée habituellement était de 20% pour les fournisseurs décents.

Depuis, cette marge a été jugée insuffisante à la fois pour les dirigeants et les actionnaires de ces sociétés et a été augmentée considérablement avec un argument massivement utilisé : c’est la crise. La vraie raison est plutôt qu’ils sont maintenant en situation d’oligopole pour distribuer le travail à effectuer dans les grands comptes et qu’ils peuvent donc faire du dumping tarifaire afin de faire plier les petites structures et les indépendants.

Aujourd’hui, d’après ce que je constate, la marge habituelle est de 30 à 35% dans le meilleur des cas. A ajouter à la baisse réelle des tarifs du marché, l’informaticien au final peut voir son tarif divisé par deux par rapport à il y a quelques années.

2.     La situation actuelle : une chaîne de valeur avec un élément de gaspillage au milieu

En se déchargeant de leurs activités de gestion des fournisseurs afin de réduire les coûts, les « grands comptes » se sont tirés une balle dans le pied.

En effet, les critères de sélection des fournisseurs sont devenus de plus en plus stricts et notamment sur le chiffre d’affaires qui doit être très important (plusieurs millions d’euros par an), ce qui ferme de fait l’accès aux prestataires indépendants et aux petites structures.

Il existe même des situations pas si rares que cela où il y a deux intermédiaires : un gros et un petit qui fait appel lui-même à de la sous-traitance. J’ai vu des cas ou plus de 50 % du prix payé par le client s’évaporait dans les circuits avant l’intervenant final.

Aujourd’hui, le système est biaisé et il y a deux perdants : les intervenants informatiques et les grands comptes.

L’intervenant informatique n’est pas payé à sa juste valeur (ceci en considérant les prix du marché) mais le client final est doublement perdant : il paye un prix surévalué (même s’il a baissé ces derières années) et il a un intervenant mal payé donc pas satisfait par sa rémunération et, par conséquent, pas très motivé à travailler.

Ne comptons pas les cas où le CV présenté au client par l’intermédiaire a été « complété » par ce dernier afin d’y mettre plus de compétences par rapport au CV réel de l’intervenant, d’où son immense surprise lorsqu’il découvre son CV chez le client. La présentation d’intervenants pas suffisamment qualifiés pour la mission fait aussi partie de l’arsenal des intermédiaires pour augmenter la marge.

Tout ceci fait que le client final est largement lésé par ces pratiques.

3.     Un exemple à suivre en informatique : l’agriculture et les circuits courts

Tout consommateur râle quand il voit les prix pratiqués par la grande distribution dans le commerce des produits frais. Et les agriculteurs qui produisent sont de moins en moins rémunérés.

Que s’y passe-t-il ? Les agriculteurs sont de plus en plus victimes de coopératives agricoles et d’intermédiaires avant la grande distribution qui se sont glissés dans le circuit afin de profiter de ces flux financiers au détriment des deux bouts de la chaîne.

Aujourd’hui en agriculture réémergent d’anciens circuits de distribution : ce sont les circuits courts et la vente directe.

Un circuit court est, d’après la définition du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire.

Ces circuits permettent de rémunérer les agriculteurs à un tarif décent et permettent au client final d’avoir des prix raisonnables.

Le secret tient dans une seule explication : la suppression de tous les intermédiaires inutiles lorsqu’ils n’apportent pas suffisamment de valeur dans le processus de mise en adéquation des besoins d’un client final par rapport à l’offre des intervenants (ceux qui réalisent la prestation, il ne faut pas l’oublier).

Cela permettrait pour le client final de continuer à baisser les tarifs de manière raisonnable et pour les intervenants d’avoir une rémunération correspondant aux prix du marché. La marge à partager est énorme : entre 30 et 50 % du prix de la prestation !

L’adoption pour un grand compte de la vente directe (ou de l’achat direct à un intervenant) est économiquement impossible. Cependant, le circuit court avec un seul intermédiaire est maintenant possible avec des intermédiaires ne prenant pas les mêmes marges que les intermédiaires classiques.

4.     Internet et des réseaux sociaux : une alternative crédible aux intermédiaires

De nos jours, avec le développement d’internet et une branche qui n’a certainement pas été prévue par ses concepteurs, il existe des moyens de compenser la faible activité des intermédiaires à moindre coût : les sites internet spécialisés dans la mise en relation des clients et des informaticiens et, surtout, les réseaux sociaux.

Un informaticien isolé ou une petite structure de prestataires informatiques est maintenant connecté à un ou plusieurs réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn, Viadeo et maintenant IT Social. Ces réseaux sociaux sont fortement consultés par les clients finaux en recherche de profils pour réaliser des prestations.

Ainsi, pour des prestations répandues, y compris des prestations de consultants, les clients finaux contactent de plus en plus directement les informaticiens sans passer par des intermédiaires.

Le phénomène est amplifié aujourd’hui en France car il existe beaucoup d’informaticiens travaillant seuls (statut d’indépendant ou d’autres statuts permis maintenant dans le droit français) et l’offre de services disponible sur les réseaux sociaux est très importante.

Il est tout de même à constater que les grandes entreprises ne s’y sont pas encore mis puisqu’elles continuent à déléguer pour un prix hors de raison cette recherche alors que les CVs sur les réseaux sociaux sont accessibles en quelques clics depuis le poste de travail de l’acheteur chez le client.

Ce sont plutôt les petites et moyennes entreprises qui sont actives sur les circuits courts car elles sont plus réactives et s’adaptent plus rapidement aux évolutions d’écosystème.

5.     Le système Lean conforte cette approche

D’ailleurs, avec l’arrivée de nouveaux concepts permettant de faire mieux avec moins de ressources, telles que l’approche Lean, la remise en question des éléments intermédiaires (activités, intervenants, etc.) dans une chaîne de valeur reliant un client et un fournisseur est la base de la démarche.

Il faut faire la chasse aux éléments intermédiaires qui coûtent plus que ce qu’il n’apportent dans la création de valeur pour le client au final. Cela améliore le processus, la qualité finale et les coûts pour les éléments qui apportent réellement de la valeur pour le client.

C’est peut-être pour cela que je travaille depuis quelques années uniquement avec des petites et moyennes entreprises et de moins en moins avec des intermédiaires. Certes mon site internet amène pas mal de fréquentations mais les réseaux sociaux y sont aussi pour quelque chose.

Clients de prestations informatiques, je vous encourage à passer un peu de temps sur les réseaux sociaux pour trouver ce que vous cherchez : vous verrez que les informaticiens ne sont pas si chers que cela.