60 % des budgets IT des entreprises échappent à la DSI. La direction marketing est à l’origine d’une bonne partie de cette pratique. Mais malgré le discours ambiant, il serait erroné de considérer le DSI et le directeur marketing comme des adversaires. Il leur manque simplement de l’aide pour en prendre conscience et développer un plus grand sens de la collaboration, au profit de leur entreprise. Mais, y a-t-il un véritable conflit, ou s’agit-il d’une tempête dans un verre d’eau ?

Direction informatique et direction marketing, rarement deux métiers indispensables à l’entreprise se sont montrés si antagonistes. Pour des raisons culturelles mais aussi d’histoire et de géographie. La DSI vit souvent sur ses acquis, le legacy (héritage) comme on le nomme : l’infrastructure vieillissante de son informatique. Sa priorité d’en garantir la sécurité et la longévité, le rendrait presque réfractaire  à l’innovation. La direction marketing, quant à elle, est avide de nouvelles technologies qui lui permettront de prendre de l’avance et d’améliorer le service client.

Le client, interne ou externe, doit aujourd’hui être la priorité de tous. Mais lorsqu’il constitue le talon d’Achille de la DSI, il est pour le marketing sa passion et la source de toute valeur. Pourtant, DSI et directeur marketing sont en accord sur ce point : le client est le cœur de tout projet et doit être l’objet de toutes les attentions.

De l’image d’Épinal à la réalité

À côtoyer les deux parties, il y a pourtant une chose qui me surprend : ils s’apprécient et s’intéressent à l’autre bien plus qu’on ne l’imagine ! Certes, les entités informatique et marketing des grands comptes disposent de moyens qui leur permettraient presque d’évoluer en ignorant l’autre. Le ‘presque’ est important ici, nous y reviendrons. Mais elles ne sont pas des entreprises dans l’entreprise, et elles disposent d’intérêts réciproques bien que pas toujours pour les mêmes raisons et surtout sans synchronisation.

En réalité, la plupart des services et leurs patrons s’apprécient, et reconnaissent qu’ils ont beaucoup à prendre et à apprendre l’un de l’autre. Si les priorités sont différentes, les moyens pour les réaliser sont finalement assez proches. C’est une chose qui est d’ailleurs trop souvent mal comprise : la transformation digitale qui s’impose aux organisations doit reposer sur une base solide et l’infrastructure, qu’elle soit physique ou dans le cloud, en constitue le coeur. À ce titre, le marketing ne peut se passer des IT, de l’ERP, du CRM, du Big Data et des analytiques. Dans le même temps, pour être à la hauteur des enjeux actuels, la DSI doit prendre en compte et accueillir les multiples canaux clients requis par le marketing. De même, quel que soit sa direction métier, les risques sécuritaires qui pèsent sur l’entreprise sont partagés. Mais tout le monde ne dispose pas du même niveau de conscience et ni de la même maîtrise des bonnes pratiques pour résister aux menaces.

Une seule stratégie...

La stratégie de l’entreprise est unique : si elle peut prendre des formes multiples, ses enjeux et objectifs sont communs, les ressources doivent être partagées, et aucun service ne survivra si l’un d’entre eux dévisse. Prenons l’exemple du CRM, impossible de l’imaginer sans lien avec l’ERP, ni d’imaginer une solution marketing sans lien avec le CRM. Là encore, c’est l’infrastructure, dont la DSI est le garant, qui assure ce lien et soutient par là-même l’activité du marketing. Par ailleurs, le DSI comme le directeur marketing en sont conscients, aucun des deux ne peut prendre le contrôle de l’ensemble. Il en est de même pour le DAF, le DRH, ou même le CDO lorsque ce poste existe.

La vraie différence qui rend la relation entre DSI et marketing parfois si difficile ne résulte donc pas d’intérêts profondément divergents, mais bien dans une différence de culture.

… pour une culture commune à construire

C’est bien évidemment la culture métier que nous évoquons ici. J’entends par culture, un langage, des pratiques, un écosystème et des hommes. Quoi qu’il arrive, deux personnes qui parlent deux langages différents entraînent inévitablement un dysfonctionnement dans la communication. Chacun dispose de ses outils, et il n’est pas nécessaire de maîtriser les outils de l’autre. En revanche, l’absence de langage commun entraîne l’incompréhension et le risque d’échec de l’entreprise.

L’écosystème favorise ce climat en jouant la carte de la différence. On le voit dans le discours de certains fournisseurs, qui mettent à l’index l’un ou l’autre. « On fait mieux sans la DSI », entend-on parfois. C’est oublier que si le marketing détient les clés de la relation client, la DSI détient celles de l’interopérabilité. La transformation digitale est transverse et tous sont impliqués.

L’exemple DevOps

C’est une des choses que nous apprend la philosophie DevOps : deux métiers pour se comprendre et coopérer doivent disposer d’un langage, de méthodes, d’une plateforme et d’outils communs, mais surtout de la volonté de travailler ensemble. L’exemple de DevOps est intéressant, car c’est une vraie réussite, développeurs et opérationnels unis produisent plus, plus rapidement, avec une plus grande fiabilité, un plus grand respect de la sécurité, et tous apportent de la valeur...

Dans cette vision, la transformation digitale doit s’accompagner du renforcement de la culture non des métiers, mais de l’entreprise dans sa globalité. Les outils du marketing doivent s’intégrer dans le système d’information. Il revient à la DSI de développer efficacement et dans le respect des règles de sécurité les services qui profiteront à l’ensemble de l’entreprise. Les démarches récentes de marketing de la DSI viennent d’ailleurs rappeler que le marketing n’est pas réservé au seul marketing, et que c’est toute l’entreprise qui éprouve le besoin de communiquer, en interne comme en externe, et d’acquérir et apporter de la valeur.

Une conclusion en forme d’accroissement de la profitabilité

L’antagonisme entre direction informatique et direction marketing doit cesser, non qu’il n’ait pas été un temps justifié, mais tout simplement car il n’a plus de raison d’être. La force de la DSI, c’est de fournir, d’entretenir et de protéger l’infrastructure incontournable pour accueillir et supporter la transformation digitale, et les données de l’entreprise. C’est une chance pour la DSI, car elle supporte la consumérisation des technologies. Celle de la direction marketing, c’est de développer et de vendre les modèles qui apportent de la valeur à l’entreprise, qui lui donnent les moyens de se transformer, et d’embarquer l’informatique dans ces modèles.

C’est tout l’enjeux du DSI et du directeur informatique d’aujourd’hui : s’inscrire dans une véritable culture d’entreprise et travailler de concert pour s’enrichir mutuellement. L’entreprise, sa productivité, et son efficacité à créer de la valeur, a tout à y gagner.

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