L’IT n’a pas de sexe. Les métiers du numérique sont ouverts à toutes et à tous, faites-le savoir, y compris aux enfants. De notre journaliste correspondante Christine Calais   Le premier programme informatique a été réalisé par Ada Lovelace, fille du poète Lord Byron, au 19ème siècle. Au début de l’ère informatique, dans les années 1960, les femmes codent, telle Grace Hopper qui a inventé le langage Cobol. Mathilde Rigabert Lemée (photo), co-fondatrice de l’association de promotion des développeuses Duchess France, est positive : « Le sexe dans l'open source, c'est transparent. On communique par voie dématérialisée sur le chat. Et vous pouvez aller développer ailleurs qu'en France, les opportunités sont nombreuses. Halte à l'autocensure pour les postes et les salaires ! Allez-y au culot ! J'ai demandé un salaire américain à une DRH Française, je l'ai quasiment eu. Maintenant, j'ai une belle maison. »

Une réalité contrastée

Et pourtant, aujourd’hui, 9 % des concepteurs d'applications, 19 % des responsables, 19 % des entrepreneurs et 30 % des salariés seulement sont des femmes, a-t-il été rappelé au Forum de la Mixité Numérique à l’Epitech, le 3 mars. « 90 % des candidatures de développeurs proviennent des hommes ; nous aimerions embaucher des femmes », indique Elise Covilette, co-fondatrice du site de cours en ligne Kokoroe. Rachel Orti, ingénieure développement senior chez IBM, confirme : « Dans notre équipe, nous recevons peu de CV féminins, et nous notons les CV pour sélectionner les meilleurs. Or, les CV féminins n'obtiennent pas de bonnes notes. Car mes collègues masculins, majoritaires, notent en fonction des critères du geek, pour limiter les risques, ne pas perdre de temps. Nous avons donc tendance à recruter des personnes qui nous ressemblent et nous finissons avec une armée de clones ; ce n'est pas terrible au niveau performance. Quand j'ai dit "Pourquoi nous ne recevrions pas de filles ?", j'ai remis en question leur façon de recruter. Ca ne s’est pas très bien passé. Néanmoins, nous avons ouvert deux postes de stagiaire pour des filles. » Aussi l’organisation de travail en entreprise et les mentalités doivent être remise en cause. A l’ère du numérique, « nous avons un pied dans l'archaïsme dans la socialisation, les consciences et l'organisation de travail, un pied dans la modernité », analyse Brigitte Grésy, membre du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, le 4 mars lors du colloque du cercle InterElles. Ce dernier rassemble les réseaux féminins de 14 grandes entreprises industrielles et technologiques comme Gemalto, IBM, Intel, Lenovo, Orange.

Agir à l’école

Le déficit de femmes dans le numérique est cruel, alors que la mixité dans les équipes (c’est-à-dire au moins 40 % de femmes) est un vecteur reconnu de performance. Il faut agir très tôt pour y remédier. Cela passe par un travail de déconstruction des stéréotypes à l’école, voire dès la crèche pour éviter d’enfermer les enfants dans des catégories prédéfinies et limitantes du genre « ceci c’est réservé aux garçons, ça c’est pour les filles ». Pour le métier de développeur et les métiers du numérique, toute action au primaire ou au collège est à promouvoir, même si elles sont encore trop peu nombreuses. « Il faut pousser l'ambition des jeunes filles », déclare Sophie Viger, Directrice de Web@cadémie et Coding Academy by Epitech. « Il y a une dimension créative dans le numérique qu'il faut revaloriser », ajoute Olivier Ezratty, consultant en stratégies de l'innovation. WiFilles est un programme en Seine-Saint-Denis d’initiation aux métiers de l’informatique réservé aux collégiennes et lycéennes pour sortir des préjugés et les inciter à oser et à se mettre en avant. Cherazade, lycéenne de 17 ans ambassadrice, regrette qu’en général, « on ne présente pas à l’école les opportunités du numérique aux filles. Pourquoi ne pas introduire les métiers du numérique aux filles dès le collège ou le primaire? » Béatrice Matlega, responsable de la politique de citoyenneté, Microsoft, souligne : « Il faut donner envie aux jeunes, en particulier aux jeunes filles. Nous agissons dès la classe de 4e pour faire découvrir les métiers du numérique. Microsoft organise des journées d'initiation pour les collégiennes. Les bonnes volontés individuelles des professeurs et des proviseurs sont très importantes pour faire avancer les choses ». Emma, association d’Epitech, et le réseau FéminaTech organisent des ateliers 'Code For Kids' pour les enfants. « Tenter de comprendre des gens par corporation, par âge ou par siècle, c'est risquer une série d'erreurs », a dit Françoise Sagan. Par sexe aussi. Il n’y a rien de plus laid et de plus inefficace que de mettre des gens dans des cases. Et n’oubliez pas, vous qui nous lisez, comme dit Rachel Orti, « au quotidien on peut essayer d'œuvrer à son niveau pour changer les choses ». Dans l’entreprise comme dans la famille. Crédits photos : Christine Calais : Mathilde Rigabert Lemée, co-fondatrice de l’association de promotion des développeuses Duchess France - 2016_03_03_mathilde_lemee_ccalais_rt_r Christine Calais : des collégiennes invitées à coder par Web@cadémie assistent au Forum de la mixité numérique à l’Epitech – 2016_03_03_epitech_collegiennes_ccalais_rt_r Image d'entête 67999755 @ iStock Kubkoo