On a beau vouloir faire le tour des besoins en technologie de l'information, il devient difficile de ne pas y perdre son latin. Une noria de modèles de bonnes pratiques émergent depuis 40 ans dans le paysage des industriels à la recherche de ce qu'on appelle la "valeur" entendez "valeur business".
Qu'est ce que … "la valeur", beaucoup d'acceptions existent pour ce terme en fonction du contexte dans lequel il est utilisé, mais dans le monde de la stratégie dédiée au business, nous pourrions définir la valeur comme "ce qui permet de satisfaire aux enjeux et objectifs premiers de l'entreprise lorsqu'elle vise à l'accroissement de ses actifs".
Création de valeur et statistiques ..
Créer de la valeur est alors actuellement et plus qu'avant, miser sur la rentabilité, la productivité, la qualité, la diminution des risques opérationnels, la réduction des coûts, tout cela, en faveur d'un enjeu de taille des plus en vogue : obtenir la plus grande attractivité commerciale dans un environnement agressivement concurrentiel grâce à l'efficience du système d'information.
Mais comment s'y prendre? L'innovation pour augmenter les parts de marché ? La meilleure péréquation entre réduction des coûts d'acquisition (TCO) et budgets d'investissement (CapEx) ou de fonctionnement (OpEx) ? Le moyen de mieux gérer ses fournisseurs et le contexte d'externalisation des activités IT (Sourcing) ?
Le tableau ci-dessous explique les priorités des directions générales en 2002 ou l'on voit, sans surprise, qu'elles font principalement le focus sur l'importance du métier, autrement dit, du business pour améliorer la valeur.
Nous pouvons noter également que :
- Réduire les dépenses, principalement le TCO et profiter des investissements étaient quasi autant importants que l'alignement au métier
- En revanche et contrairement à une idée reçue, innover par l'usage de nouvelles technologies et externaliser intéressait beaucoup moins voire faisait peur
Quelle est la nouvelle donne en 2010 ?
Une étude réalisée par IDC France tous les ans se base sur des entretiens face à face avec 20 DSI de grands comptes français faisant partie du Top 100 et sur une enquête menée auprès de 50 DSI d'entreprises de plus de 800 personnes en France.
Comme on l'explique de cette étude :
"L’analyse montre que l'infrastructure est au cœur des préoccupations des grandes DSI. Après une année 2009 durant laquelle une grande partie des projets jugés non stratégiques ont été décalés voir même annulés, les budgets sur les nouveaux projets repartent à la hausse en 2010.
Les budgets de fonctionnement sont fortement réduits afin de financer ces nouveaux projets puisque les budgets seront plutôt stables en 2010 par rapport à 2009. Les projets stratégiques ont été peu impactés par la crise.
Afin de dégager des marges de manœuvre pour financer ces projets, les grands comptes ont très largement freiné (voir arrêté complètement) tous les autres projets. Les priorités d'investissement évoluent. Le ROI ou coût du projet ne sont plus les deux principaux critères de choix (même s'ils demeurent très importants).
Les entreprises aujourd'hui recherchent surtout la valeur « business » des investissements ainsi que leur contribution à l'amélioration des processus de l'entreprise. Les modèles de type Opex tels que le Cloud Computing, suscitent un intérêt croissant avec notamment une réelle percée du SaaS qui est engagée et devrait continuer dans les années à venir."
Courbe de deuil et instrumentation ...
A l'heure du pragmatisme à tout prix et de la concurrence échevelée, il faut se rendre à l'évidence, peu d'entreprises voient claire dans les mesures à prendre pour augmenter leur puissance de frappe. Elles semblent courir après le temps et simultanément ne se donnent pas toujours les moyens de poser les bases d'un édifice solide favorables à l'utilisation du meilleur de leurs pratiques.
A l'inverse du principe de la relativité restreinte conceptualisé par Einstein, le principe de réalité commercial réclame quant à lui une vitesse d'action et contracte le temps ce qui est souvent favorable à une belle panique plutôt qu'à la pensée créatrice, positive et constructive.
L'affolement devant la nécessité d'être au devant de la scène commerciale place malheureusement fréquemment, conduite du changement et dispositifs d'amélioration continue au rang de parents pauvres des priorités de l'entreprise.
Dans ce contexte, les modèles ou référentiels de bonnes pratiques dont nous parlions précédemment, intriguent, se confondent dans l'esprit des décideurs qui les lorgnent avec l'intérêt prudent d'un enfant découvrant une nouvelle langue, oui mais "C'est compliqué, cela n'est pas pragmatique, ça va couter cher, on va payer des consultants de luxe, mais si au moins on a un tampon, un certificat ça va nous différencier, c'est sûr, l'amélioration véritable on verra, on est tout de même dans la vraie vie …..".
A l'évidence, les nouvelles technologies font briller les belles paillettes de leurs marchants de rêves ! Jugeant qu'il est couteux d'asseoir l'innovation à la table des réflexions de façon à mieux penser les achats, les grands décideurs sont fascinés par ce qui est dans le vent d'un progrès technique qui semble pouvoir les guérir de beaucoup de maux en devançant la plupart de leurs besoins.
Attention, les adoptions sans analyse poussées des tenants et des aboutissants suivent une courbe caractéristique de la courbe de conduite du changement avec couramment comme aboutissement un fiasco cher à payer résultant de l'impossibilité à remonter la seconde partie de la pente doucement ascendante (Cf figure "Trough of disillusionment") !
Une mode technologique en pousse une autre ...
En gros, … la mode pousse les entreprises à se faire tirer le bout du nez par des apparences parfois trompeuses, le besoin ne crée pas systématiquement la fonction, c'est souvent la fonction qui crée le besoin comme lorsque l'on se fait happer par le discours sirupeux de commerciaux prêt à vendre du sable dans le désert, ou des glaçons au milieu du pôle nord, du dépend du climat …. !
Reprenons les exemples flagrants des progiciels de portfolio management ou de GED qui vendus à des prix exorbitants ne sont réellement pas exploités au plein de leurs puissance. Comme le disait en 2009 le cabinet de veille stratégique Forrester du portfolio management : "Implementations that only plan to include some of these disciplines in the tool are, of course, not going to see value in full. The opposite is also true — as scope widens and implementations become too complicated, costly integrations and customizations tip the scales more toward the “cost” side of the equation"
D'autres exemples suivent comme celui de l'externalisation incontrôlée dont on revient tant il est difficile de s'accommoder d'une certaine "culture de l'offshore", celui des 24% de projets en situation d'échec comme le rappel le Standish Group en 2009 en laissant entendre non sans humour "Finalement, il y a moins d'échecs lorsqu'il y a plus de réussite", en bref, tout cela finit tout de même par coûter très cher ….. !
Bon …. pourquoi pas après tout ….. soyons fous …. faisons nous plaisir … !
Il faudra peu ou prou veiller à se méfier des coûts inutiles de la technologie, ces enfants naturels du gâchis, parties intégrantes du fameux TCO, se méfier du remue-ménage provoqué par les changements indigestes des conditions de travail ou encore, des résistances au changement difficilement gérables servant parfois d'excellents alibis aux entreprises pour la mise à l'écart des ressources humaines qui ne suivent plus ….. !
En conclusion, au centre de tout cela, même si l'objectif apparent est la course au progrès et à l'avantage pour gagner face à la concurrence, n'oublions jamais que derrière le rideau de la scène, des humains poussent inlassablement les rouages de cette énorme machine économique devenue pour encore trop de décideurs comme les sirènes du paradigme "Blue Ocean Strategy" …… mais souvent sans la stratégie ……… !