Combien de fois me demande-t-on « Comment puis-je protéger mon idée ? ». La crainte sous-jacente et légitime de celui qui a une idée, un projet non encore développé et exploité, est de voir celle-ci copiée par un autre plus rapide ou plus fortuné.
Cette préoccupation est d’autant plus forte que l’innovation d’aujourd’hui est souvent une question « d’avance concurrentielle », en particulier dans le monde des nouvelles technologies. Proposer un service, un produit 18 mois avant un concurrent ou un autre porteur de bonnes idées, tel est devenu le défi. Il ne suffit pas d’avoir une bonne idée. Il faut être en mesure de l’exploiter rapidement.
Pour cela, il convient souvent d’engager très vite des démarches auprès de tiers, probables prescripteurs, initiés au marché visé, concurrents parfois, financeurs, futurs clients en mesure de développer le service en interne, etc.
Alors la sempiternelle question revient : « Comment protéger mon idée ? ». En droit de la propriété intellectuelle, cela aboutit à se demande si l'auteur est propriétaire de l'idée à partir de laquelle il va ou a développé l'œuvre ?
Pas de protection par le droit de la propriété intellectuelle
Une idée est par essence informelle. Or en droit français de la propriété intellectuelle, l’idée ne peut être protégée. On ne peut se l’approprier. Seule peut l'être la forme selon laquelle elle s'exprime : invention brevetable, marque, création littéraire ou artistique, dessin ou modèle, etc.
En droit d’auteur applicable aux logiciels, c'est la composition de l’œuvre, sa forme originale de son expression qui fait l'objet de la protection, et non le fond ou l'idée "quelle qu'en soit l'originalité et même si elles sont marquées au coin du génie, la propagation et l'exploitation des idées exprimées par autrui ne peuvent être contrariées par les servitudes inhérentes au droit d'auteur. Elles sont par essence et par destination de libre parcours" (H. Desbois, Les droits d'auteurs en France : Dalloz, 1966).
La jurisprudence
La jurisprudence sur ce point est formelle : une idée, par son seul contenu, n'est pas protégée par le droit d'auteur. Il faut que cette idée ait pris corps pour être protégée. Seul le support matériel (écrit, photos, plans, maquettes, logiciel qui ont une forme) pourra faire l'objet de cette protection.
Ce principe fondamental n’est pas nouveau. Formulée par des théoriciens dès le XIXe siècle, la distinction entre les idées communes à tous et inappropriables et la forme propre à l'auteur est introduite et enracinée dans le droit positif par la jurisprudence au cours du XIXe siècle.
Une telle conception s’explique. Elle permet de préserver la liberté d'expression et de création. Ainsi l’idée n’est pas protégeable avant d’avoir pris corps et même après avoir été formalisée.
En effet, même exprimée, l’idée notée n’est pas protégeable. Lui manque radicalement l’expression personnelle assurée par la conception qui, seule, fait apparaître la substance appropriable, c’est-à-dire la forme originale. Chacun peut donc extraire de la création l'idée pour la réutiliser.
Des bonnes pratiques
Cependant, dans le cadre des démarches qui précèdent la conception, le développement et la commercialisation, quelques précautions peuvent être prises :
- Le créateur pourra faire signer des accords de confidentialité aux personnes auxquelles il livrera le fruit de sa réflexion.
- Il sera bien avisé de déposer la description de sa création qui comporte l’idée, mais pas seulement, sous enveloppe Soleau ; laquelle permet de dater de façon certaine la création d’une œuvre et d’identifier son auteur.
Apporter la preuve
D'une manière générale, le créateur a intérêt à se constituer des éléments de preuve attestant qu’il est bien à l'origine de la création. Pour ce faire,
Il peut recourir au constat d’huissier ou à un acte notarié. Dans ce cas aussi, l’idée doit avoir mutée en création formalisée.
Une autre alternative est de déposer le code source auprès de société spécialisée, dont certaines sont très efficaces pour accompagner les sociétés dans la protection de leur patrimoine immatériel.
Si la vigilance est de mise, il ne faut pas perdre de vue, non plus, que le partage peut enrichir le projet. Chacun doit savoir garder sa part de mystère sur un aspect différenciant du projet par exemple, lorsque cela est possible…