Dans le contexte actuel où l’intelligence artificielle et, plus spécifiquement, ChatGPT ont définitivement fait entrer l’IA dans l’imaginaire collectif, la question de savoir quelle perception en ont les salariés et comment ils voient son immixtion dans les processus professionnels déterminera le niveau de résistance à cette évolution. D’après les études en sciences sociales et comportementales, la résistance, ou le rejet pour certains, des « produits intelligents » (sic) sont fortement conditionnés par un certain nombre de facteurs : l’inutilité perçue, le prix perçu, le caractère intrusif, la nouveauté perçue et l’efficacité personnelle.
Une étude récente menée par l’Ifop pour Learnthings.fr apporte un éclairage mitigé sur la perception des Français à l’égard de cette technologie. Réalisée du 21 décembre 2023 au 3 janvier 2024 par questionnaire autoadministré, auprès d’un échantillon de
1 911 personnes (dont 952 salariés), l’étude est représentative de la population française. Étonnamment, les résultats révèlent une ambivalence notable. D’une part, 35 % des Français croient que l’IA pourrait un jour dominer l’humanité, reflétant une certaine appréhension. Par ailleurs, 51 % des répondants expriment une inquiétude vis-à-vis de l’IA, tandis que 35 % se montrent indifférents et seulement 14 % se disent réellement enthousiastes.
Un comportement ambivalent des salariés envers l’IA
Un aspect intrigant de cette étude est le comportement ambivalent des salariés envers l’IA dans le cadre professionnel. Bien qu’environ 22 % indiquent avoir déjà utilisé des outils d’IA au travail, 55 % des employés ayant utilisé l’IA l’ont fait sans en informer leur hiérarchie. Coups d’essai prudents ou adoption, l’étude ne donne pas les motivations de ces utilisateurs dans le long terme. Il est toutefois surprenant de constater que 63 % d’entre eux ne souhaitent pas recevoir de formation en IA.Cette réticence pourrait s’expliquer par les 68 % qui anticipent des impacts négatifs sur leur entreprise, notamment en matière d’emploi. Les données de l’étude soulignent une certaine appréhension quant à l’avenir du travail. Quatre salariés sur dix estiment qu’une IA pourrait à terme remplir la majeure partie de leurs tâches professionnelles, et 27 % pensent même que ce changement pourrait intervenir dans les dix prochaines années. Cette perspective soulève des questions fondamentales sur la transformation des métiers et la nécessité d’adapter les compétences au rythme des avancées technologiques.
Mais là encore, les salariés français n’en sont pas à une contradiction près, car utiliser l’IA, c’est « mettre les mains dans le cambouis », une manière de se former par la pratique aux arcanes de l’interrogation et des échanges avec les algorithmes cognitifs. À ce jour, seulement 10 % des salariés ont été formés à l’IA, et 27 % expriment le souhait de l’être, tandis que 63 % ne souhaitent pas être formés à l’IA dans une optique professionnelle.