Adobe accélère son virage vers l’intelligence artificielle, en rendant disponibles des agents IA pour les entreprises et en revoyant à la hausse ses objectifs financiers pour l’exercice 2025. Ces annonces témoignent d’un positionnement offensif sur le marketing numérique, la personnalisation d’expérience client et les revenus récurrents.
Adobe franchit une nouvelle étape dans sa stratégie IA avec la disponibilité générale de ses premiers agents conversationnels dédiés à l’orchestration de l’expérience client. Déployés au sein de la plateforme Adobe Experience Cloud, ces agents permettent d’automatiser la personnalisation des parcours utilisateurs, en intégrant des capacités de planification, de raisonnement et d’interaction multicanal. Ce lancement s’accompagne d’une performance financière solide au troisième trimestre 2025, avec des revenus en hausse et des objectifs révisés à la hausse pour la fin d’exercice.
Le marché du numérique grouille de solutions génératives, qui se multiplient pour couvrir de plus en plus d’usages. Conception graphique, montage vidéo, animation, rédaction, illustration, tout devient potentiellement automatisable par IA. Startups agiles, géants technologiques et outils communautaires avancent en meute, définissant et redéfinissant les moyens de la co-créativité du 21e siècle. Cette effervescence bouleverse les équilibres établis, obligeant les éditeurs historiques à réinventer leurs fondamentaux.
Adobe, longtemps pilier incontesté du design numérique, incarne à lui seul cette tension. Entre une suite logicielle très complète, un modèle SaaS déjà consolidé, mais contesté, et une pression croissante des outils IA de nouvelle génération, l’éditeur doit composer avec un paysage où la fidélité ne va plus de soi et où l’innovation se mesure en itérations hebdomadaires.
Des agents IA pour piloter les parcours et expérimentations
Les nouveaux agents d’Adobe sont conçus comme des composants intelligents capables de gérer des actions complexes en autonomie partielle. Le module Agent Orchestrator, au cœur de l’offre, permet de chaîner des décisions, de planifier des séquences d’interaction et d’enrichir les parcours utilisateurs grâce à une mémoire contextuelle et à des objectifs métiers déclarés.
Plusieurs agents sont disponibles en version finale : un agent de segmentation d’audience, un agent d’optimisation des parcours, un agent d’expérimentation marketing, ainsi que des agents spécialisés en support produit, analyse de données ou personnalisation de site. Ces composants peuvent interagir entre eux, et s’adaptent aux environnements clients via l’interface Agent Composer, qui permet de configurer les logiques internes ou de développer des modules sur mesure à l’aide d’un SDK.
Adobe entend ainsi répondre à une double attente des entreprises : l’automatisation fine des parcours clients, et la compatibilité avec les exigences internes de conformité, de tonalité ou d’identité visuelle. L’éditeur mise sur une collaboration étroite entre les utilisateurs métier et les développeurs pour paramétrer les comportements des agents et garantir leur adéquation aux règles en place.
Une stratégie IA intégrée plutôt que spectaculaire
À rebours des effets d’annonce ou des démonstrations isolées, Adobe poursuit une stratégie d’intégration progressive de l’IA, en capitalisant sur son portefeuille existant. L’approche par agents, couplée à une logique de personnalisation opérationnelle, lui permet d’adresser des attentes très concrètes : réduction du délai de mise en marché, automatisation de scénarios clients, ou encore optimisation de la conversion.
La force d’Adobe réside dans sa capacité à industrialiser l’IA au sein d’un environnement déjà adopté par les départements marketing, design ou relation client. Ce positionnement limite les frictions à l’adoption et permet une montée en puissance progressive des capacités autonomes. Les outils comme Agent Composer jouent ici un rôle crucial de médiation entre les métiers et les équipes techniques.
Mais cette stratégie suppose également de maintenir une rigueur forte sur la gouvernance des agents, leur supervision humaine et leur conformité aux attentes réglementaires. Le défi ne sera pas seulement technique ou financier, mais aussi éthique, notamment sur la traçabilité des décisions algorithmiques, la transparence des critères d’optimisation et la capacité à intégrer des garde-fous explicites.
Vers une orchestration intelligente des interactions
Adobe confirme, avec cette annonce, sa volonté de transformer l’expérience numérique des entreprises clientes à l’aide de briques IA orchestrables, supervisées et ancrées dans les usages métiers. Pour les responsables marketing, cette évolution ouvre la voie à des parcours plus fluides, des campagnes mieux ciblées, et une réduction des interventions manuelles sur les processus de personnalisation.
Pour les directions informatiques et les architectes d’entreprise, l’offre d’agents personnalisables via SDK et API constitue un levier de flexibilité, capable de s’intégrer dans les écosystèmes existants tout en respectant les contraintes d’infrastructure, de sécurité ou de gouvernance. La stratégie IA d’Adobe ne repose pas sur un modèle générique imposé, mais sur une logique modulaire, adaptable et étroitement liée à la plateforme Experience Cloud.
À mesure que les budgets marketing se déplacent vers des approches plus pilotées par les données, l’orchestration intelligente des agents pourrait devenir un élément différenciateur décisif. Reste à voir si les entreprises sauront accompagner leurs employés dans la montée en compétence nécessaire à l’appropriation de ces nouveaux outils conversationnels.