L’European Institute of Innovation & Technology (EIT) organise ce mardi 11 septembre son troisième rendez-vous annuel à Bruxelles. Nous y serons, et pour anticiper notre visite et comprendre le rôle de cette organisation européenne, nous avons échangé avec Chahab Nastar, Chief Strategy Officer d’EIT Digital.

Expert en Deep tech, ingénieur Ponts et Chaussées et chercheur à l'Inria, également fondateur d’une startup sur l’IA et reconnaissance d’image, Chahab Nastar (photo en entête de notre article) nous a éclairé sur les missions d’EIT Digital.

« Notre organisation n’a pas de proximité avec le monde politique, mais plutôt avec les technologies. Et avec l’impact global de l’innovation numérique en Europe, l’éducation entrepreneuriale et les technologies digitales. Nous répondons au besoin d’un socle commun pour les écosystèmes européens. »

EIT-DigitalAyant constaté que les européens sont moins fort que les Etats-Unis ou l’Asie pour la création d’entreprises technologiques, comme pour tirer de la valeur de la recherche et des talents, l’Europe a souhaité dès 2010, date de la création de l’EIT, rapprocher le monde recherche de celui des entreprises et de l'entreprenariat.

Tournée vers le numérique, EIT Digital compte aujourd’hui environ 200 membres, dont une trentaine en France. Avec une présence physique dans 9 pays Europe, 14 centres de colocation pour étudiants, entrepreneurs et chercheurs, en connexion dans l’écosystème européen. L’organisation réunit donc l’industrie, la recherche, des universitaires et des entrepreneurs, autour de 3 missions :

1Education

« Notre crédo, c’est le besoin d'entrepreneurs techniques. Il faut des talents croisés, des compétences et des savoir-faire. C’est la victoire de la pratique et de la théorie. »

EIT Digital développe des formations avec des universités partenaires, comme la Sorbonne, des Mooc, des formations online ou dans ses centres. Elle propose :

  • Master School Pan européen, une formation M1 et M2 sur 2 ans, avec plus de 400 étudiants chaque année, qui ressortent avec une diplôme et le label EIT qui est un certificat attestant du suivi de cours techniques, ainsi que sur le financement, la valorisation de l’entreprise, le dépôt de brevet, etc.
  • Industrial Doctoral chool, des formations sur le sponsorship industriel, pour passer de Bac +5 à Bac +7.
  • Professional School, pour des formations techniques et entrepreneuriat.
IT Social : Comment percevez-vous le décalage entre nos chercheurs, en particulier universitaires, et l’entreprise ? Chahab Nastar : « Nous constatons une évolution plutôt positive. Il faut distinguer monde universitaire et celui de la recherche. Les grandes écoles proposent aujourd'hui des formations à l'entreprenariat. Par contre, nous n’avons pas assez de postes pour absorber les doctorants. Les jeunes chercheurs doivent être formés à rejoindre l’entreprise ou à créer leur entreprises. La relation entre la recherche et les grands groupes industriels est plus rarement évidente. Pourtant, ils ont besoin de codes durcis et d’algorithmes. Il faut certainement trouver le chainon manquant... »

2Innovation

Chahab Nastar fait le constat de la présence de deux fossés :

  • Pré-incubation : sortir des labos de recherche pour le transfert vers des groupes industriels ou pour la création entreprises. EIT Digital finance environ 60 projets technologiques par an, qui aboutissent à la sortie rapide (12 mois) de 80 produits mis sur le marché, et de 15 startups.
  • Passage à l’échelle des startups européennes

IT Social : Comment faire pour que nos startups aient plus de succès qu’aux US ?

Chahab Nastar : « Il faut faciliter l’accès au marché domestique Européen, par des régulations européennes comme le Digital Single Market ; et par un travail pragmatique d’accélération des Deep tech. Pour nos 60 projets, nous facilitons la levée de fonds ailleurs que dans leur pays d’origine, et nous les accompagnons pour l’acquisition de clients, en compagnie des accélérateurs européens. C’est ainsi que nous avons accompagné Navia, le projet de navettes sans conducteur, jusqu’en Bourse cette été où elle a levé 200 millions d’euros. »

3Accélérateur européen

EIT Digitale est également une structure d’accompagnement et de co-financement, autour de 5 thématiques définies par ses 200 membres : Digital Cities ; Santé Digital (wellbeing, prévention et accompagnement) ; Digital Industry (industrie 4.0) ; Digital Finance (FinTech) ; et Digital Infrastructure (cybersécurité, privacy, data et IA, équipementiers télécoms et réseaux).

« Ce sont des thèmes où l’Europe peut occuper une position de leadership. Notre sujet, c’est la Deep Technologies. C’est pourquoi nous structurons nos efforts sur l’éducation, l’innovation, et le passage à l’échelle. Pour le financement de pré-incubation, notre accélérateur recherche des fonds privés. Notre équipe d’une quarantaine de personnes se substitue aux entreprises sur notre réseau de 1000 clients grands comptes et 400 investisseurs. »

IT Social : Pensez-vous disposer des moyens pour gagner la guerre du numérique ?

Chahab Nastar : « Le scaling, c’est le nerf de la guerre, nous devons essayer de défragmenter l’Europe. Nous disposons d’une carte majeure à jouer, l’attractivité de nos villes. Ainsi que de nos ingénieurs très éduqués, nos entreprises qui deviennent des serial entrepreneurs. C’est la guerre globale sur l’innovation numérique. A nous d’avoir les ressources, les ingénieurs et les data scientists. Je suis très optimiste… »