De plus en plus d’industriels implémentent des outils de Product Life cycle Management (PLM). Le marché mondial devrait croitre de 8,5 % par an jusqu’en 2030 d’après le cabinet de recherche Grandview Research.

Mais les liens entre les outils de PLM et les outils immersifs (Réalité Virtuelle, Réalité Augmentée, Réalité Mixte)peuvent dysfonctionner. Heureusement, l'arborescence xR-BOM corrige ce problème.

Explications de Sébastien Vannet / Architecte d’entreprise au sein du Center of Expertise Digital Manufacturing de Capgemini.  
Colas
Sébastien, d’après LinkedIn tu possèdes 24 ans d’expérience dans le Digital Manufacturing. Donc Je suppose que tu peux nous révéler la signification d'xR-BOM ?  
Sébastien
BOM signifie Bill of Materials, en français Liste des Eléments. C’est une arborescence, une structure de données que les industriels utilisent pour concevoir leurs produits, les fabriquer et gérer les services associés. On parle de MBOM, de SBOM, etc. Je vous invite à lire l’article de mon collègue Cyrille Greffe pour en savoir plus.

xR désigne la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité mixte.  
Colas
Tu peux illustrer ?  
Sébastien
Imaginez la pale d'un moteur d’avions.

Quand Marcel Dassault conçoit les plans de l’Ouragan le 1er avion à réaction de l’armée française, il utilise une table à dessin et son stylo.

Lorsque les ingénieurs de Dassault élaborent le Mirage dans les années 80, ils utilisent des logiciels de conception assisté par ordinateur. Mais la maquette de la pale reste en deux dimensions. Les ingénieurs du département conception doivent imprimer le schéma pour discuter avec leurs collègues du service production et les fournisseurs. La maquette 2D constitue un élément contractuel plus ou moins figé.

Aujourd’hui les ingénieurs qui travaillent sur le Système de Combat Aérien du Futur s’immergent dans un environnement virtuel. Avec des outils comme Catia ou Créo, ils peuvent modifier la maquette 3D de la pale. Et L'outil transmet immédiatement la donnée à tous les acteurs. Avec l’entreprise étendue, Les réunions entre les départements conception, production et les fournisseurs produisent bien plus de résultats qu’à l’époque du papier / stylo de Marcel Dassault !  
Colas
On l’image facilement. Mais encore ?  
Sébastien
On peut faciliter la vie du technicien chargé de monter la pale ou de la maintenir en bon état. On l’équipe de lunettes de réalité augmentée et on lui affiche les instructions de montage ou d’entretien.

Mais ça nécessite de structurer les données pour pouvoir les échanger entre les différents outils informatiques : les outils de Product Life cycle Management (PLM) pour élaborer la pale, les outils de Manufacturing Exécution System (MES) pour la réaliser et les outils de Service Life cycle Management(SLM) pour l’entretenir ou la recycler. C’est le rôle de l’arborescence xR-BOM. On parle là de continuité digitale.  
Colas
L’intérêt parait considérable ! Est-ce qu’il y a des contraintes techniques ?  
Sébastien
Il faut simplifier le modèle 3D.

Dans les jeux vidéo, si on veut éviter que ça freeze, il faut respecter un niveau minimum de performance. Là c’est la même chose.

Imaginons que l’on travaille chez Dassault en tant qu’ingénieur en mécanique. On participe à une réunion en 3D. On porte un casque de réalité virtuelle. On simule l’installation d’un moteur complet sur l’aile droite d’un Falcon. Les éléments internes au moteur / les pales/ les chambres ne nous servent à rien. On peut donc les supprimer du modèle 3Dsans conséquence pour l’objet de la réunion.

Le problème c’est qu’à l'heure actuelle cette simplification se fait à la main. Donc on perd du temps.  
Colas
Et pourquoi est-ce l’on n’utilise pas une sorte de “zip” pour réduire la taille du modèle 3D ?  
Sébastien
On peut réduire la taille du modèle 3D via la facettisation.

Prenons la photographie. Une photo prise avec un bon appareil pèse une dizaine de méga octets. Sur mon ordinateur, je peux facilement réduire la taille de ce fichier à une centaine de kilo octet en la comprimant au format JPEG. Je peux la modifier et la transférer et tous les détails restent visibles. La facettisation fonctionne pareil. On comprime le modèle mais il reste exploitable par les ingénieurs.

La simplification et la compression du modèle 3D permettent aussi de protéger le savoir-faire et d’éviter les copies. Quand les ingénieurs du département conception de Dassault discutent avec leurs collègues du département production, le risque est minime, ils peuvent utiliser un modèle qui contient toutes les données. Mais quand le modèle sort de l'entreprise, il vaut mieux le protéger pour éviter la rétro ingénierie.  
Colas
Je précise que la rétro ingénierie consiste à reconstruire le processus de fabrication d’un produit en utilisant le produit fini. Comment les industriels peuvent réduire le risque ?  On colle du chatterton 3D sur la maquette ?  
Sébastien
Là pas certain que l’ingénieur puisse l’utiliser aussi bien ! En fait on les simplifie. Je prends l’exemple d’un cahier des charges écrit avec Word. Je veux envoyer le cahier des charges à un fournisseur. Mais je ne veux pas qu’il puisse le modifier. Je peux le mettre en JPEG. Mon fournisseur pourra lire mon cahier des charges avec les informations en gras et conservation de la mise en forme. Pour autant il ne pourra pas copier-coller le texte que j’ai rédigé. Il ne pourra pas non plus modifier mon texte. Même fonctionnement pour les maquettes en 3D.  
Colas
Donc l'ingénieur peut envoyer la maquette 3D de la pâle à son fournisseur sans risque. Le fournisseur ne pourra pas retrouver les côtes exactes de la pâle et ne pourra donc la copier. Mais est-ce que le fournisseur peut renvoyer des annotations ou des modifications qu’il a apporté à la pale à l’ingénieur ?  
Sébastien
Tout à fait. On appelle ça la gestion de la boucle retour. Lorsqu’on définit la structure des données, il suffit de prévoir un chemin pour gérer les données qui reviennent dans les outils qui ont généré la donnée. Car il faut comprendre que les ingénieurs et les techniciens qui travaillent sur des maquettes virtuelles utilisent deux outils : les outils de Product Life cycle Management (PLM) qui servent à produire les données. Et les outils qui servent à les visualiser en réalité virtuelle ou en réalité augmentée. Il est nécessaire de créer un lien entre les deux pour que la maquette soit toujours à jour.

D’ailleurs disposer d’un lien efficient deviendra de plus en plus important au fur et à mesure de développement du métavers et de l’extension des usages. La maquette numérique des basquettes Nike affichée dans le métavers est soumise aux mêmes questions de structuration et de simplification des données que la pâle d’un moteur à réaction.  
Colas
D’accord donc supposons que notre technicien équipé de lunettes de réalité augmentée valide un nouveau geste pour monter la pale sur l’aile, il pourra le “déclarer”. Et son outil le transmettra à l’outil de PLM utilisé par l’ingénieur. Et comment Capgemini peut aider un industriel à structurer ses données et à les simplifier ?  
Sébastien
Capgemini et plus précisément Package-Based Solution (PBS)peut aider l’industriel du début à la fin de son projet. Notamment pour définir les cas d’usages, pour identifier le meilleur outil et pour intégrer l’outil retenu dans le système d’information de l’industriel. PBS peut aussi accompagner l’industriel dans l’adoption de l’outil en communiquant auprès des futurs utilisateurs et en les formant. Lire à ce sujet l’excellent article de ma collègue Camille Mes liés sur les plateformes d’adoption digitales.

Sébastien Vannet, Architecte d’entreprise au sein du Center of Expertise Digital Manufacturing chez Capgemini

Colas Dupas, Chef de projet innovation et transformation chez Capgemini