La tendance est très forte aux Etats-Unis, les investisseurs rachètent les marques en faillites pour les transformer en ‘pure players’ de l’e-commerce. Avant de marquer leur retour dans les grands magasins physiques via une stratégie omnicanal.

Soumis aux nouveaux modèles des géants de l’e-commerce, emmenés par Amazon, aux Etats-Unis le commerce traditionnel de détail s’effondre, en particulier dans le vestimentaire. Concrètement, cela se traduit par la disparition de grandes marques de distributeurs – Wet Seal, American Apparel, The Limited par exemple – et la fermeture massive de leurs magasins, ce qui entraine en corolaire la fermeture de ‘malls’, ces immenses galeries marchandes qui sont autant de temples érigés à la consommation.

Mais ne dit-on pas que le bonheur des uns fait le malheur des autres ? Une nouvelle tendance émerge aujourd’hui, portée par des investisseurs : acquérir les détaillants en faillite pour les transformer en pure players de l’e-commerce.

Le nouveau modèle économique de ces marques déchues repose sur deux lignes directrices :
  • Exploiter la marque, longuement construite et qui reste forte, tant qu’elle n’a pas rendu l’âme ;
  • Supprimer la charge des empreintes physiques pour rétablir une marge correcte via le numérique.

Le profit du distributeur

Dans un magasin physique, l’achat des marchandises et les charges opérationnelles (loyers et salaires) représentent environ la moitié (50%) du prix de vente d’un produit. Par ailleurs, l’entreposage des marchandises représente un peu plus de 3% de ce même prix. Si l’on ajoute les frais de gestion dans le magasin et le marketing, au final, selon le Wall Street Journal, la marge bénéficiaire du détaillant serait de l’ordre de 16%.

Passer en pure player numérique supprime les coûts de magasin, ajoute des frais de livraison et de retour (gratuits), réduit les coûts opérationnels et maintient ceux du magasinage et du marketing, pour au final porter la marge du distributeur à environ 30%.

Répartition des coût et profits sur une vente d’un produit d’une marque pure player :

  • 30% - Prix des marchandises
  • 20% - Coûts opérationnels
  • 10% - Marketing
  •   7% - Livraison et retour gratuits
  •   3% - Entrepôt
  • 30% - Profit

La démarche pressée des investisseurs

Plusieurs opérations d’acquisition de marques en faillite et de transformation en pure players de l’e-commerce ayant été réalisées dernièrement de l’autre côté de l’Atlantique, le processus commence à être connu et rôdé. Il s’étale sur environ 7 mois entre le rachat et la réouverture en ligne. Il faut en effet réagir très rapidement pour relancer une marque si l’on veut éviter que l’intérêt des clients ne s’émousse trop…

En généralement un mois l’acquéreur vend le stock et ferme les magasins restants. Il embauche de nouveaux designers et des fabricants. Il recherche également des réseaux de distribution, avec des points de livraison proches du domicile des clients. Les procédés de fabrication sont relancés, les stocks reconstitués, le marketing adapté et les campagnes de promotion lancées, avant de rouvrir la marque en ligne. Et tout cela donc en environ 7 mois !

Retour au physique par l’omnicanal

Mais la vie de ces marques ne s’arrête pas aux frontières de l’internet. Car il faut rappeler que même si l’e-commerce fait la une des médias et ne cesse d’exploser, la vente au détail en magasins physiques demeure le principal canal de vente. Aux Etats-Unis, 90% des ventes de détail sont encore réalisées en magasin. Sans oublier que l’acheteur apprécie encore aujourd’hui de voir et toucher physiquement le produit avant de l’acheter... en ligne.

Alors les investisseurs se montent ambitieux et visent l’omnicanal, considéré comme la stratégie la plus viable sur le long terme. Le pure player internet n’est donc qu’une solution temporaire, et très vite les marques un temps disparues vont tenter de revenir sur les étalages. Et comme nous avons affaire à des marques, leurs nouveaux propriétaires vont chercher à être distribués dans les grands magasins.

Mais là encore le modèle économique s’adapte pour maintenir des coûts réduits. Finie la devanture de magasin et les charges opérationnelles aux coûts élevés, les marques sacrifiées et disparues reviennent avec des espaces réservés sur les étalages, gérées et commercialisées par les grands magasins qui en supportent les charges.

Image d’entête 623897424 @ iStock enelabs