Quelque soit l'opinion que l'on ait du candidat à la Maison Blanche, reconnaissons lui au moins une qualité, celle de vouloir jouer de la disruption, ou tout du moins de le laisser croire, via une stratégie marketing de l'extrême et de la médiocrité qui fera date.
Hors quelques écarts de rares candidats, les élections américaines voient depuis cent cinquante ans s'affronter Républicains et Démocrates. Ils se mesurent dans un double jeu, celui de l'argent et celui de l'examen. Autant de démonstrations qui peuvent servir d'exemple.
Le double jeu marketing des élections américaines
- Le premier jeu se veut subtile : encaisser le plus d'argent possible pour financer une campagne au prix devenu exorbitant. C'est un jeu stratégique, officiellement confidentiel mais où personne n'est dupe, qui consiste pour le donneur à obtenir après élection des avantages pour son business à la hauteur de la somme investie dans le candidat. Et peu importe que l'on soit d'opinion politiquement différente. D'ailleurs à ce jeu qui n'a de subtile que la force qui est mise par les organisations pour rester dans l'ombre, il n'y a qu'un seul gagnant, l'argent.
- Le second jeu est certainement le plus amusant, c'est celui de la confrontation avec le public, de l'examen passé devant eux, dans les partielles ou à la télévision par exemple où chaque candidat rivalise souvent de médiocrité et parfois d'incompétence. Que l'on ne se trompe pas, le but n'est pas de séduire les masses, mais plutôt d'inviter un électorat considéré comme acquis mais qui se révèle bien inactif à aller voter pour son candidat 'naturel'.
Donald Trump a-t-il changé les règles ?
Les observateurs qui se disent avertis affirment que la force du candidat Donald Trump, c'est de jouer la disruption, et apparemment c'est vrai. Chacune de ses interventions dévoile des pépites politiques et électorales, qu'il appartient à chacun de juger, nous ne nous aventurerons pas sur ce terrain. En revanche, la question de l'on peut se poser, c'est «
le candidat républicain a-t-il changé les règles ? ». Nous serions tentés de répondre «
oui » !
Cette question est importante. En effet, s'il existe plusieurs façons de décrire et de mesurer la disruption, il en est une qu'il est assez simple de vérifier : la théorie de la disruption. Celle-ci affirme qu'il y a perturbation lorsqu'une chose permanente a fondamentalement changé. Appliqué au candidat Trump, cette théorie serait applicable :
- Au jeu de l'argent, Donald Trump semble en dépenser beaucoup, en partie issu de sa fortune personnelle. C'est une première rupture, le candidat dépense… son propre argent ! Ajoutons à cela que ce qui fait le succès du candidat républicain, c'est en partie l'abattage publicitaire qui soutient sa campagne. Et qui va bien au-delà de ses dépenses. En réalité, le candidat bénéficierait du soutien des médias proches des Républicains, ce qui se traduirait par de massives campagnes de publicité gratuite. Ce qui à l'inverse lui permettrait de ne pas trop dépenser. L'accès à l'agent est la clé de ce jeu, et en la matière rien ne change, sauf l'origine des fonds dépensés !
- Au jeu de l'examen, les candidats sont soumis à trois règles simples : 1 – Agir ; 2 – Que les médias en parlent ; 3 – Ne pas être mauvais, sinon vous perdez le soutien de l'argent et des électeurs. Donald Trump a changé la troisième règle. D'abord en poussant la barre de la médiocrité très loin – attention nous ne parlons pas d'incompétence, le bonhomme a quand même réussi à se hisser parmi les grandes fortunes mondiales – le candidat s'est mis… au niveau le plus bas, le plus facile, le plus extrême de son électorat, qui le lui rend bien.
Donald Trump a réussi à cumuler deux ruptures : se faire aussi médiocre que ses électeurs issus de l'Amérique profonde, et continuer de disposer de son accès à l'argent, puisqu'il s'agit du sien.
Une bien mauvaise leçon de marketing politique
Donald Trump a-t-il changé la donne et imposé la disruption ? Certainement pas, il a amplifié certaines règles, adapté d'autres à son propre cas, abaissé la qualité du débat, et stigmatisé les différences. Il joue la carte du pire, pas celle de la disruption. En stratège, il élimine les extrêmes pour conserver une idéologie de masse. Mais il ne pourra continuer longtemps ainsi, car il va devoir passer du discours à l'action. C'est là que le candidat devra soit rentrer dans les rangs, et face au candidat Démocrate gommer les défauts de son caractère ; soit se montrer réellement disruptif, mais on se demande comment ?
Au final, il restera certainement un cas d'école sur la dérive des politiques et leur incapacité à se montrer disruptifs – déjà qu'ils font preuve, pour la majorité d'entre eux et jusque dans nos contrée, d'une incurie sur la révolution technologique et ses changements sociétaux -, et sur la force d'une action coup de poing menée dans le seul but d'obtenir un résultat sans se préoccuper des remous qui l'entourent. Nous saurons alors si le candidat Trump aura réussi à se montrer disruptif… ou s'il faut craindre l'incertitude de ce que sera demain ?