La mécanique quantique a révolutionné la science physique au point de troubler le plus illustre des physiciens théoriciens du 20e siècle, Einstein lui-même. Aujourd’hui elle devient petit à petit une réalité en sortant des laboratoires pour trouver ses premières applications.

Au CES de Las Vegas, qui a ouvert ses portes le 7 janvier dernier, la plupart des visiteurs se focalisent sur les produits les plus spectaculaires comme les écrans pliables ou la télévision rotative de Samsung (?), et la véritable révolution, l’informatique quantique, passe presque inaperçue. Pourtant, les fabricants, les éditeurs et les organisations qui y ont un intérêt fourbissent leurs armes, en constituant les premiers écosystèmes de la nouvelle informatique.

La décennie qui s’ouvre sera sûrement celle de l’avènement de l’informatique quantique. Le plus étonnant, c’est que très peu d’études prospectives et de prédictions (qui pullulent en ce début de décennie) citent l’informatique quantique dans leurs prévisions pour la prochaine décennie.

Ceci n’est pas un lustre, c’est l’IBM Q System One, l’ordinateur quantique d’IBM exposé au CES cette année.

Certes, plusieurs obstacles technologiques restent à lever, compte tenu des difficultés techniques auxquelles le calcul quantique est confronté : manipulations à l’échelle nanométrique, fonctionnement dans un environnement sous vide ou à des températures cryogéniques... Mais cela n’empêche pas les acteurs de ce microcosme de faire montre d’un optimisme indéfectible. Les recherches menées dans plusieurs grandes entreprises et jeunes pousses technologiques, parmi lesquelles IBM, Google, Alibaba, Microsoft et Intel ont conduit à une série de percées technologiques dans la construction de systèmes informatiques quantiques.

La Suprématie quantique en question

À long terme, ces machines façonneront très probablement de nouveaux paradigmes informatiques et commerciaux en résolvant des problèmes de calcul qui sont actuellement hors de portée. Ils ont même inventé l’expression Suprématie quantique pour désigner le seuil à partir duquel un ordinateur classique n’est plus capable de gérer les calculs et qu’on entre dans le domaine quantique.

C’est absurde autant qu’inexact et ça focalise l’attention sur le nombre de qubits (quantum bits) pour désigner la puissance de calcul d’un ordinateur quantique. Suprématie quantique n’est qu’une locution sentencieuse, et inexacte, inventée pour désigner une banale course à la vitesse quantique (voir la querelle entre Google et IBM à ce sujet). Car, en définitive, un ordinateur quantique ne peut se comparer qu’à un autre ordinateur quantique. Les supercalculateurs à base de silicium et les modèles quantiques n’effectuent pas les mêmes types de calculs.

Un peu de physique… quantique

Alors qu’un ordinateur à base de silicium ne connaît que deux états 0 ou 1, le calcul quantique repose sur l’état triple des bits quantiques, appelés qubits. Un qubit peut représenter trois états possibles (comme le chat de Shrödinger). Il peut être dans des états 0 ou 1, ou les deux à la fois s’il n’est pas observé. Cette caractéristique ouvre des perspectives de calcul beaucoup plus vastes. Le modèle de calcul classique est séquentiel alors que le calcul quantique est simultané et exponentiel.

Le calcul quantique comporte également 3 procédures majeures : entrée, traitement et sortie. Mais contrairement au modèle classique, la partie calcul quantique se fait par transformation ou évolution continue. Ce qui nécessite une puissance de calcul et de gigantesques quantités de mémoire. Pour mieux comprendre la technologie quantique et ses implications, l’étude réalisée par France Digitale et Wavestone est un bon point d’entrée.

Et la France dans tout ça ?

L’informatique quantique est un enjeu stratégique. Elle pourrait changer la donne dans des domaines tels que la cryptographie et la chimie (la science des matériaux, l’agriculture, les médicaments), sans parler de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage machine. On peut s’attendre à d’autres applications dans les domaines de la logistique, de la fabrication, des finances et de l’énergie. L’informatique quantique a le potentiel de révolutionner le traitement de l’information.

Dans l’Europe communautaire, Quantum Flagship est un programme lancé en 2018. Le projet, porté par la Commission européenne et doté d’un milliard d’euros de budget, se déroule sur dix ans et mobilise une communauté de plus de 5000 chercheurs.

D’après son étude menée l’année dernière, France Digital et Wavestone estiment que la France, « avec 18 % des startups et 17 % des fonds d’investissement de l’écosystème quantum computing, se positionne comme un leader en Europe ». Un plan national devrait être annoncé dans le courant de l’année, suivant la remise d’un rapport sur le sujet par la députée Paula Forteza.

Source : diverses