Dans une intervention récente, le « père de l'Internet » a fustigé la durée de vie des formats de stockage des données, prélude à ce qu'il a appelé « the digital dark age ». La solution serait dans un projet de Google, 'Digital Vellum'. Vinton Cerf, surnommé le « père de l'Internet » car il a été le premier à développer le Web, a rappelé à tous qu'il demeure un observateur attentif, voire inquiet de l'évolution et de certaines dérives de l'Internet... Celui qui est aujourd'hui le chef évangéliste Internet de Google est intervenu lors de la réunion annuelle de l'American Association for the Advancement of Science. Tandis que tous les observateurs portaient la voix de la prospérité numérique, il a créé la dissonance en évoquant l'« âge sombre du numérique ».

Les formats ne suivent pas la technologie

Derrière l'expression « the digital dark age » se cache, selon Vint Cerf, un phénomène appelé 'bit rot', la perte de nos données via le progrès et la rapidité d'évolution des technologies. Plus précisément l'expression 'bit rot' renvoie vers la perte des mécanismes d'accès aux fichiers numériques. Vint Cerf évoque l'obsolescence des formats de données. Avec les évolutions du numérique émergent rapidement de nouvelles technologies qui rendent les formats anciens incompatibles avec les nouveaux équipements, et vice versa. Les données sont ainsi rendues inutilisables et inaccessibles aux générations futures.

Le cloud n'arrange rien !

Autre pavé dans la mare, Vint Cerf a pointé le Cloud Computing. Selon lui, les solutions de stockage des données dans le cloud n'offrent aucunement les garanties que présentaient les formats pré-numériques que sont le papier et la bande. Malgré cela, même les données conservées sont perdues, non pas par la perte des 'bits', mais par ce qu'ils sont illisibles car ils deviennent in-interprétables ! Dans ces conditions, par la multiplication des technologies et formats dans les nuages, mais également par l'évolution des technologies qui menacent les acteurs d'hier et d'aujourd'hui, aucun fournisseur de cloud ne serait capable de garantir sa pérennité dans le temps. Nous sommes donc menacés par le risque de disparition de ces jeunes entreprises, et donc de nos données stockées sur leurs infrastructures. Pour résumer, selon Vint Cerf, toutes nos données numériques sont condamnées soit à disparaître, soit à défaut à devenir illisibles.

Le projet 'digital vellum'

Les projets de conservation des formats de données ne sont pas nouveaux. Mais aucun n'a connu de succès dans le temps. C'est par exemple le cas du projet « 100-year archive » de la SNIA (Storage Networking Industry Association), aujourd'hui à l'arrêt. C'est pourquoi Vint Cerf propose un autre projet appelé 'digital vellum' (vélin numérique, le vélin est une fine peau de veau mort né, ou vélot, utilisée par les calligraphes et enlumineurs du Moyen Âge) mené par Google. Difficile cependant d'aller au delà de la déclaration d'intention. Ce projet de conservation des technologies anciennes - bits, métadonnées, OS, etc. - rendrait récupérables (interprétables) les fichiers obsolètes. Digital Vellum fait référence à un nouvel ensemble de protocoles conçus pour traiter avec le retard et les perturbations rencontrées dans les environnements de l'espace lointain… l'extension de l'Internet à notre système solaire ! Un projet en état de discussion.