Après dix ans de croissance de son PIB, jamais la Chine n’avait connu pareille baisse de performance économique que celle de 2020. Les conséquences du COVID sont plus graves que lors des précédentes crises comme celle du SRAS en 2003 ou la crise financière mondiale de 2009. Tous les secteurs sont touchés : la production industrielle, les investissements, les ventes au détail et les exportations.
En 2020, le monde entier a enregistré une baisse des ventes au détail, en raison de la crise sanitaire et des confinements successifs, entre 10% pour l’Asie et les Etats-Unis et 13% pour l’Europe.
Mais la Chine, première touchée, a tous les atouts pour se remettre rapidement sur pieds. Déjà, sa croissance annuelle s’élève à 8,1% en 2021, la plus forte enregistrée depuis 2012, et meilleure que les prévisions à 6%.
Les entreprises mettront moins d’un an à se remettre de la crise sanitaire sur le marché chinois.
Quels sont les atouts de la Chine ? Pourquoi la communication multicanale est-elle un plus ? Comment se matérialise-t-elle ? Quels sont les défis technologiques et réglementaires à relever ?
Tous les secteurs n’ont pas été touchés de la même façon. Le secteur du retail a perdu 200 milliards de dollars en Chine en 2020.
Les entreprises qui ont le mieux résisté sont celles qui avaient une forte présence dans le e-commerce.
L’atout du e-commerce
Le e-commerce en Chine représente 700 milliards d’euros en 2020, 500 millions d’acheteurs. La moitié de la population chinoise utilise le e-commerce comme mode de consommation et, pendant la crise, les plateformes de e-commerce ont connu une croissance de 82%.
En Chine, 650 millions de colis sont livrés chaque jour via Alibaba contre 6 millions aux Etats-Unis via Amazon.
De plus, le paiement par smartphone est devenu une habitude pour les consommateurs Chinois qui effectuent plus de 60% des paiements en ligne par ce biais, soit 10 fois plus qu’aux Etats-Unis selon les chiffres 2016 de McKinsey & Company.
Wechat recense 1 milliards d’utilisateurs actifs pour les solutions de paiement, la première au monde. Les technologies majoritaires sont le QRcode, le NFC (Near-Field Communication = sans contact) et l’émulateur de carte bleue avec le mobile.
La population chinoise est ultra connectée avec un taux d’équipement des ménages en services Internet et mobiles le plus important au monde.
Des approches innovantes
Face à ce public technophile, les marques ne cessent d’innover. Piaget, L’Oréal, les Galeries Lafayette, LVMH ou Givenchy pensent investir dans le développement de plateformes e-commerce, des vitrines holographiques interactives en 3D, le live streaming, les mini-programmes dans l’application WeChat ou encore la réalité virtuelle.
En effet, les marques adoptent ce qu’on appelle une stratégie phygitale consistant à trouver le bon équilibre entre les enseignes physiques et la présence en ligne. Les magasins ont un nouveau rôle de showroom et ne sont plus le seul lieu d’achat, désormais complétés par les plateformes de e-commerce, les réseaux sociaux et les messageries instantanées.
Plus qu’ailleurs, les marques ont intérêt à utiliser le multicanal pour toucher le plus grand nombre et être efficaces.
Vlogs, microblogging, messageries instantanées et live streaming
Leurs moyens de communication seront les vlogs, le microblogging, les messageries instantanées et le live streaming ou la vidéo réalité.
Par exemple, l’application de microblogging Sina Weibo est une des plus grandes sources d’information pour les Chinois avec 500 millions d’utilisateurs dans le pays, devant Tencent Weibo (250 millions d’utilisateurs), Renren Weibo (150 millions d’utilisateurs).
WeChat est devenu le canal de communication parfait pour améliorer l’expérience client, offrant la possibilité de créer des applications, des mini programmes complémentaires aux canaux de distribution e-commerce et d’intégrer des chatbots pour le SAV ou le service client.
Le live streaming est une vidéo en direct diffusée par des influenceurs. C’est une nouvelle forme de e-commerce devenue indispensable en Chine tellement les consommateurs chinois en sont fous. Selon Deloitte, ce canal a atteint 4,4 milliards de dollars de revenus en 2018, un tiers de plus que l’année précédente, touchant 456 millions de téléspectateurs.
Par exemple, l’influenceur Lijiaqi a vendu plus de 15 000 rouges à lèvres en cinq minutes en essayant plus de 380 teintes dans un livestream de deux heures et le 6 novembre 2019, Ki Kardashian West a attiré plus de 13 millions de fans sur sa plateforme Tmall et vendu 150 000 unités de ses parfums KKW au cours de la session.
Gamification, réalité augmentée, hologrammes, réalité virtuelle et l’intelligence artificielle.
Les marques doivent baser leur expérience client sur la gamification, la réalité augmentée, les hologrammes, la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle.
Pour mieux connaître leurs clients et mieux les servir, les marques ont tout intérêt à miser sur la gamification de la relation par l’attribution d’un statut VIP, des quizz, des interfaces ressemblant à des jeux permettant de gagner des récompenses. C’est un bon moyen d’éduquer à la marque, d’accroître l’engagement du client, de collecter des données et d’augmenter le taux de conversion.
Les hologrammes sont principalement utilisés comme Publicité sur le Lieu de Vente (PLV), sous la forme de vitrine interactive dans un showroom phygital. Certaines fonctionnalités comme la reconnaissance faciale ou le détecteur de mouvement peuvent être ajoutés pour accentuer le côté interactif lorsque les consommateurs passent devant.
Utilisée pour la PLV également, la réalité virtuelle ou augmentée permet d’améliorer l’expérience client. Par exemple, il peut s’agir de miroirs avec réalité augmentée dans les cabines d’essayage. La réalité virtuelle peut reconstituer un environnement en 3D comparable à un showroom virtuel pour permettre d’essayer une voiture, du maquillage, des vêtements ou encore créer des pop-up stores pour valider des concepts.
L’intelligence artificielle, aussi appelée machine learning ou deep learning, est faite d’algorithmes qui apprennent avec l’expérience et exécutent des tâches humaines. C’est ainsi que fonctionne le Chatbox de WeChat pour le service après-vente et répondre aux clients en 24/7.
Des solutions basées sur les nouvelles technologies, dépendantes des télécommunications, un casse-tête en Chine
Avec 720 millions d’utilisateur et 20% des achats qui se font en ligne, la Chine représente un fort potentiel, difficile à exploiter sans une connaissance parfaite du marché, mais également des réglementations en matière de télécommunications.
Plus de 10 000 sites sont bloqués en Chine parmi lesquels Facebook, Whatsapp, Instagram, Bloomberg.
Il existe différentes barrières informatiques : le blocage d’adresses IP oude DNS, le filtrage d’url spécifiques ou de mots clés dans l’url. Les goulots d’étranglement sont très fréquents à l’entrée et la sortie du trafic de Chine.
Le Ministry of Industry and Information Technology (MIIT) fait paraître régulièrement de nouvelles mesures ou des décrets visant à régulariser les activités internationales dans les télécoms.
Seuls trois opérateurs possèdent des licences pour la construction, la location et la vente de lignes dédiées internationales, de type liaisons point à point ou réseau virtuel MPLS.
De nombreux services VPN sont bloqués.
De même le RGPD chinois impose d’héberger les données personnelles dans le pays. Il est également possible de les héberger à Hong Kong ou Singapour qui sont géographiquement proches mais le transfert de données internationales est très sensible. Toutes les données collectées doivent être enregistrées et horodatées avec les preuves de l’accord de l’utilisateur.
Il est conseillé de mettre à jour régulièrement sa politique de confidentialité, avec un audit chaque année.
Les data centers sont gérés par les trois acteurs étatiques habilités et certains indépendants comme 21Vianet ou JDS proposent des tarifs attractifs mais il faut être vigilent car il existe des licences de data centers régionales ou générales, et seules les licences générales permettent de couvrir tout le pays.
Deux grands acteurs de data centers internationaux sont également présents en Chine : Equinix avec quatre data centers à Shanghai et Telehouse avec deux data centers à Pékin et deux à Shanghai. Leur caractère mondial fait qu’ils sont plus coûteux.
La virtualisation de la société chinoise est une opportunité formidable pour les entreprises françaises, notamment pour développer leur visibilité sur un marché d’un milliard d’habitants.
La Chine représente un grand potentiel de croissance pour les entreprises qui adoptent ses codes, et proposent des solutions adaptées aux habitudes de sa population. La digitalisation permet de créer une expérience client unique autour des nouvelles technologies, étroitement liées aux télécommunications. Elle repose sur une parfaite connaissance des opérateurs locaux, de la réglementation et des contraintes techniques.
Par Olivier Lamarre, Business Manager chez China Telecom (Europe)