Le sujet du "build versus buy", ou "développement interne versus progiciel", n'est pas récent pour les fournisseurs de solutions IT, notamment dans le secteur de l'assurance ; c'est une question prioritaire depuis déjà une vingtaine d'années. Pourtant, du côté des assureurs, la réponse à ce dilemme penche encore majoritairement vers le choix du "fait maison", en grande partie pour s'assurer que les outils informatiques utilisés correspondent parfaitement à la culture de l'entreprise. 38 des 50 assureurs IARD français s'appuient encore largement sur ce modèle, c'est-à-dire plus de 75% d'entre eux.

Les équipes IT des assureurs sont particulièrement nombreuses en France, même si ce n'est pas une exception puisque l'on observe la même situation dans les autres pays européens. Dans cette logique de garder la main sur leur patrimoine informatique, les assureurs investissent plus de 50% de leur budget IT dans le fonctionnement et la maintenance de leurs systèmes ; une proportion trop élevée, qui les empêche de se concentrer pleinement sur l'innovation de leur cœur de métier.

Au contraire, un progiciel fourni par un éditeur spécialisé permet à l'assureur de conserver flexibilité et maîtrise de ses règles de souscription, tout en restant compétitif sur son marché, grâce à l'utilisation d'un progiciel standard. Il y a un intérêt à la fois économique et technologique à acheter plutôt qu'à construire les solutions et plateformes utilisées par les assureurs pour soutenir leur activité d'assurance.

Déterminer sa stratégie technologique à long terme

Résoudre le dilemme du "build vs buy" relève tout d'abord d'une stratégie technologique sur le longterme. La réponse ne dépend pas de la façon dont l'assureur construit son système, car le fait qu'il soit dans le cloud ou sur site importe peu, mais bien de la façon dont il l'utilise. Il s'agit d'une véritable décision stratégique en termes de business que doit prendre l'assureur, en se demandant s'il veut investir ses efforts dans la production et la maintenance de solutions logicielles internes ou plutôt se concentrer sur son cœur de métier en s'associant avec des pure players qui gèrent les processus standards et non différenciants.

Les assureurs concernés par le premier cas sont souvent de grosses compagnies, ou des compagnies qui démontrent une certaine expertise et une appétence pour la technologie, et qui sont dotées des bonnes équipes informatiques, capables de rivaliser avec les géants de la tech en termes d'innovation et de produits. C'est le cas par exemple du Crédit Mutuel en France. Néanmoins, pour être efficace dans le modèle "built in-house", il faut rester extrêmement bon et organisé, et ce de façon constante.

C'est pourquoi le choix du second modèle, à savoir l'acquisition de solutions logicielles fournies par des acteurs spécialisés, reste préférable pour les assureurs car, par définition, une compagnie d'assurance n'est pas une entreprise spécialiste du logiciel. Ce modèle leur permet donc de se concentrer sur leurs compétences principales, à savoir créer un équilibre entre risque et coût, ainsi qu’accélérer leur transformation digitale au service de leurs clients.

Le modèle "progiciel", un accélérateur d'innovation et d'exécution

Faire appel à une solution logicielle externe permet aux assureurs d'opérer beaucoup plus rapidement leur transformation depuis un système hérité vers un nouveau système, et de gagner des années en termes de déploiement et de résultats. On parle alors de vitesse d'exécution. Un retour d'expérience partagé par de grands noms comme Macif, Covéa et Natixis.

De plus, le choix d'un progiciel procure aux assureurs un accès permanent à l'innovation et aux efforts de R&D menés par les acteurs spécialisés, qui les aident à ouvrir leur système à de nouveaux business models et à bénéficier d'une plus grande agilité informatique, donc d'une plus grande agilité commerciale. Cette vitesse d'innovation a notamment convaincu Macif, il y a deux ans, pour pouvoir déployer ses produits IARD à d'autres systèmes et d'autres marques. De son côté, Natixis a pu créer l'intégralité de son nouveau système de gestion des sinistres en seulement deux ans, une rapidité rendue possible uniquement grâce au choix d'un progiciel. Cela va également dans le sens du nouvel axe adopté par un nombre croissant d'assureurs, celui d'une stratégie multicanale, qui nécessite de pouvoir ouvrir les systèmes informatiques en créant des APIs et en intégrant d'autres partenaires dans la chaîne de valeur, au détriment des systèmes existants qui n'ont pas été créés dans ce but à leur origine.

Enfin, à l'échelle du secteur, le modèle du "buy" permet de répartir les coûts énormes de développement des applications logicielles d'entreprise sur un grand nombre de clients et de les amortir sur des années d'initiatives distinctes, plutôt que d'être concentrés sur un seul projet ou un seul assureur.

L'arbitrage des assureurs entre construction interne et acquisition d'une solution logicielle est loin d'être un sujet dépassé ; au contraire, c'est maintenant qu'ils doivent y réfléchir et se positionner durablement. Pourtant, une troisième voie apparaît déjà, celle du modèle de l'abonnement plutôt que l'acquisition pure et simple ; une recommandation qui se confirme, dans la lignée de la tendance grandissante du "as-a-Service" qui touche de nombreux secteurs à l'heure actuelle. Le "buy versus subscribe" consiste donc à utiliser les progiciels d'un fournisseur spécialisé selon un modèle de consommation as-a-service plus adapté aux attentes. Cette nouvelle transition opérée sur le marché permet de profiter des logiciels les plus avancés dans l'IARD, tout en s'évitant les tâches IT de maintenance, de provisioning ou encore de montées de version, pour pouvoir véritablement se concentrer sur son cœur de métier, la gestion des sinistres, l’évaluation du risque, la souscription, et le service au client.

Par Emmanuel Naudin, RVP Sales – EMEA chez Guidewire