La crise sanitaire a fait subir un stress test grandeur nature à bon nombre de nos organisations. Elle a démontré, si besoin était, que la vie des organisations dépendait de leur réactivité, de leur capacité d’adaptation et de leur faculté d’innovation... en un mot, de leur agilité.

Les CEO européens l’ont bien compris, puisqu’ils sont 90% à affirmer qu’être agile est essentiel, selon un sondage réalisé en 2021. Pour autant, seules 21 % des entreprises interrogées sont à des stades avancés de cette agilité. Cet écart montre que la transformation, le passage de la volonté à la réalité, n’est pas si simple. Or les DSI se distinguent sur le sujet en étant la direction la plus avancée sur l’agilité : 63% des DSI ont adopté les principes et pratiques agiles, contre 17% des Directions Marketing, et 10% des DAF.

Pourquoi ? Et comment faire pour que cette agilité se propage et irrigue toute l’organisation ?

Agilité : pourquoi l’IT ?

Le 11 février 2001, dans une station de ski de l’Utah, dix-sept méthodologistes du développement logiciel se réunissent pendant deux jours. Malgré des divergences d’idées, ils parviennent à se mettre d’accord sur un ensemble de valeurs et principes dans un manifeste co-signé, le Manifeste pour le développement agile de logiciels. Si d’autres méthodologies « agiles » existaient auparavant, ce document pose des bases communes. En venant replacer l’humain et l’intelligence collective au centre des décisions, il propose une vision inédite, qui accorde de l’importance :

  • aux individus et leurs interactions plutôt qu'aux processus et aux outils ;
  • à un logiciel fonctionnel plutôt qu’à une documentation exhaustive ;
  • à la collaboration avec les clients plutôt qu'à la négociation contractuelle ;
  • à l’adaptation au changement plutôt qu'à l'exécution d’un plan.

Ce changement de paradigme a initialement été adopté pour la gestion de projets informatiques. En modifiant le regard porté par les DSI sur ses interlocuteurs et ses travaux, il a rapidement porté des fruits. Par exemple, en donnant une place plus importante et plus fréquente aux interactions et à la parole des utilisateurs, il a permis une amélioration de l’alignement développement/besoin. Le fonctionnement par itérations a permis des délais de mise à disposition de logiciels viables plus courts.

Ainsi, du fait de ses origines IT, l’agilité est, aujourd’hui, principalement utilisée dans les DSI.

DSI : du projet à l’organisation

Satisfaction des clients, fluidité, pertinence, gains de temps… Devant de tels bénéfices, les CIO ont compris qu’ils disposaient d’outils qui pouvaient leur permettre d’aller plus loin que la gestion de projet. Les valeurs et principes de l’agilité, le changement de prisme et de pratiques qu’ils induisent, sont en réalité des clés de réussite à adapter au niveau de l’organisation, source potentielle de gains importants.

C’est donc sur cette base que plusieurs DSI se sont lancées dans la fameuse transformation agile en travaillant sur deux axes clés.

Le premier est celui des pratiques. Cette transformation se concrétise souvent par la mise en place d’un modèle agile « à l’échelle », dont le plus répandu actuellement est SAFe. Il donne à la DSI une boîte à outil complète : feuille de route de transformation, comitologie, nouveaux rôles induits par les nouvelles pratiques, outils de suivi, formations nécessaires…

Cependant, ces éléments, s’ils sont nécessaires, sont insuffisants pour une transformation en profondeur. L’évolution des pratiques, pour être pérenne doit s’appuyer sur une profonde évolution culturelle.

L’Agilité, une culture avant tout

Ce second point est plus difficile à maîtriser mais indispensable pour tirer le maximum des cadres agiles. En effet, la mise en œuvre de l’agile passe par de nouvelles manières de travailler et d’interagir. Les processus/outils agiles vont de pair avec un management agile qui est souvent oublié. Ce management agile doit permettre l’émergence de conditions dans lequel les collaborateurs seront en confiance. Cet environnement se constitue au travers d’éléments clefs : la confiance entre collègues, des responsabilités distribuées, des erreurs permises et une transparence, quels que soient les liens hiérarchiques.

L’émergence de cette culture est l’élément le plus important de la transformation agile car elle permet aux équipes de s’approprier leur environnement et les nouvelles manières de travailler.

Ce changement de management est la partie la plus difficile de la transformation agile car comme le rappelle le Cigref :« L’agilité ne se décrète pas, elle ne se force pas »

Du fait de sa transformation agile au sein de sa direction, le DSI se retrouve dans une position unique au sein de l’entreprise pour trois raisons principales :

  • La DSI est la direction la plus mature concernant les pratiques/méthodes agiles du fait de l’origine informatique de l’agile.
  • La DSI est actuellement la direction la plus avancée en termes d’état d’esprit Agile. La maitrise des méthodes a fait émerger la maitrise des valeurs et de l’encadrement agile.
  • Enfin, la DSI, par essence même, a la maîtrise du SI. Or les projets et produits en entreprise ont désormais tous, ou presque, une importante composante technologique.

CEO, appuyez-vous donc sur vos CIO ! Et faites-en vos héros, vos champions de l’agilité, dans toutes les directions de votre organisation. D'ailleurs, 40 % des dirigeants estiment que la DSI doit être un moteur clé de la stratégie d’entreprise.

Par Nicolas Chaine, Directeur Associé Digital/Technology/Cybersecurity et Vincent Martinez, Manager - Product Management chez julhiet sterwen