Les entreprises ont dû faire face à la menace continuelle causée par des bandes internationales de criminels qui visent le secteur financier et ses institutions tout autour du monde. Les barons de la drogue veulent voir leurs gains blanchis, les délinquants à col blanc désirent garder leurs opérations de corruption dans l’ombre et les organisations terroristes continent à se faire financer à travers de complexes montages financiers occultes. Cette liste de défis pousse les entreprises à agir, et à réagir vite afin de pouvoir faire face aux dangers grandissants causés par le crime financier sur leurs opérations.

Le coût total prévu pour la mise en conformité face au crime financier de toutes les organisations financières au sein du marché EMEA atteint 117.5 milliards de dollars en 2020. Une étude récente suggère que cette hausse va se poursuivre en 2021 au sein des pays de la région EMEA.

Avec une hausse de ses dépenses en matière de mise en conformité de 18.1% d’une année à l’autre, La France fait également partie des pays qui rencontrent une hausse de ses dépenses de mise en conformité, tout comme ses homologues allemands, italiens et néerlandais. Les entreprises françaises de la finance dépensent à présent 24.8 milliards de dollars dans des solutions de mise en conformité face au crime financier afin de faire face aux nouvelles et continuelles menaces de blanchiment d’argent mais aussi aux nouvelles demandes régulatrices instituées par l’Union européenne, telles que les 5eme et 6eme directives européennes anti-blanchiment d’argent.

L’Union européenne (UE) a conçu ces deux directives sorties en 2020 et en 2021 pour appréhender les changements apportés par les menaces terroristes en Europe lors de ces 5 dernières années mais aussi pour contrer l’utilisation des cryptomonnaies par les acteurs du blanchiment d’argent. Les régulateurs européens ont amélioré l’arsenal légal disponible pour faire face aux nouvelles menaces, pour réduire les risques encourus par les institutions financières et pour essentiellement réduire leur retard sur les méthodes des fraudeurs, toujours en rapide et perpétuel changement.

Ces directives européennes ont été mises en place pour empêcher les criminels d’utiliser les le système financier pour blanchir de l’argent ou sponsoriser des attentats terroristes. La 5eme directive européenne anti-blanchiment d’argent se concentre sur l’accroissement de la transparence des transactions financières et la 6eme directive européenne anti-blanchiment d’argent, quant à elle, ajoute de nouveaux outils mis à disposition des pays membre pour combattre le blanchiment.

La COVID-19 pose de nouveaux défis

Les dépenses associées à la mise en conformité face au crime financier sont à la hausse justement à cause de l’accroissement de risques de blanchiment d’argent et aux crimes qui leur sont associés. Les institutions doivent mettre en place des espaces de régulations plus stricts qui auront un impact sur les coûts engagés pour la formation des leurs employés.

Les institutions financières ont dû faire face à une augmentation du trafic en ligne en 2020 ce qui a altéré leurs opérations de vérifications et de mise en conformité. La pandémie mondiale et les mesures de confinements qui en découlèrent ont accéléré la transformation numérique des organisations alors que le public s’est retrouvé à passer plus de temps en ligne et à effectuer plus de transactions sur Internet.

Plus de dépenses allouées aux ressources humaines expliquent que les institutions financières françaises ont dû dépenser plus, avec une augmentation de la taille moyenne des équipes de mise en conformité qui sont passées en moyenne de 86 à 93 de 2019 à 2020.

Il apparaît dans cette étude qu’il est bien plus difficile pour les entreprises financières françaises de traiter les alertes de vérification manuellement. Cet état de fait a produit des effets néfastes sur la satisfaction des employés, mais aussi sur l’expérience client. En France, les institutions financières génèrent plus de créations de nouveaux comptes par mois comparés aux autres marchés et les démarches de vérifications préalables ajoutent un délai de réponse.

La COVID-19 a significativement altéré l’efficacité des procédés de vérification, d’établissements de nouveaux profils, d’identifications et de mise en conformité. Les effets du COVID-19 en France ont augmenté dramatiquement les opérations de mise en conformité face au crime financier depuis 2019 avec les vérifications de sanctions qui prenaient 56% des ressources avant la pandémie contre 78% depuis que la pandémie a débuté. Le temps de vérification des identités clients est aussi en augmentation et les chiffres montrent une augmentation de 58%à78%. L’augmentation est encore plus spectaculaire en ce qui concerne le KYC pour la création de compte, on passe de 34% à 58%. L’efficacité de la résolution des alertes a aussi eu un effet sur les opérations de mise en conformité des organisations françaises, en montant de 46% à64% depuis le COVID.

Ces augmentations d’activités autour de l’expérience client posent un défi mais c’est aussi un avantage pour les entreprises car cela leur permet de mieux gérer leur relation avec les clients et à apprendre à mieux les connaître. Ceci permet également de faire baisser les risques liés à la mise en conformité face à la fraude et au crime financier.

En France, deux secteurs sont apparus comme des cibles de blanchiment d’argent privilégiées posant une augmentation substantielle des risques. Les services de comptabilité ont enregistré une augmentation de 72% des risques de fraude au blanchiment d’argent contre une augmentation de 64% pour les services liés à l’immobilier. Les transactions immobilières peuvent faciliter l’échange de grosses sommes d’argent, mais aussi posent moins de méfiance que le secteur financier en termes de risque de blanchiment d’argent.

Malheureusement, la moitié voire plus de la moitié des organisations indiquent qu’elles ne détiennent pas de procédures officielles pour appréhender les problèmes d’identification et pour suivre de près les nouvelles méthodes employées par les criminels. 20% des organisations françaises avouent utiliser des solutions au cas par cas, voire rien du tout, pour combattre ce type de méthodes criminelles.

Investir dans des solutions technologiques apporte un soutien aux efforts de mise en conformité face au crime financier

D’après notre étude, les institutions financières qui ont investi dans des solutions technologiques pour apporter un soutien à leurs efforts de mise en conformité face au crime financier sont celles qui ont enregistré des dépenses plus basses, mais aussi moins d’effets négatifs causés par la crise pandémique.

Les grandes et moyennes entreprises qui ont dédié 50% ou plus de leurs dépenses annuelles aux technologies liées à la mise en conformité, ont enregistré une augmentation plus basse de leurs dépenses d’une année à l’autre, avec en moyenne 44.2 millions de dollars en 2019 contre 44.6 millions de dollars en 2020. En revanche, les entreprises qui ont alloué moins de 50% de leurs dépenses aux technologies liées à la mise en conformité ont vu leurs dépenses accroître plus spectaculairement pour atteindre 48.4 millions de dollars.

Les défis causés par le crime financier sur les institutions financières ne peuvent plus être ignorés par les entreprises. Elles doivent allouer les fonds suffisants à la mise en conformité afin de s’harmoniser avec la pression régulatrice et permettre à leurs dépenses d’aller soutenir des solutions efficaces, comme celles offertes par la technologie. En faisant cela, elles peuvent ainsi mieux appréhender le futur et mieux protéger leurs ressources contre les activités criminelles, surtout quand des événements imprévus surviennent, comme ce fut le cas pour la pandémie.

Par Kader Djouadi, directeur des solutions de mise en conformité face au crimefinancier chez LexisNexis Risk Solutions