Grâce à l’intelligence artificielle, les médecins pourraient bientôt analyser votre voix de la même manière que votre pression artérielle ou votre sang. Et en tirer de précieux éléments de diagnostic préventif.

"Tu as une voix bizarre, tout va bien ?". On le sait, quelques mots anodins échangés par téléphone suffisent bien souvent à détecter un souci chez son interlocuteur. L'Intelligence artificielle va désormais bien plus loin et peut identifier de potentiels problèmes de santé rien qu'en vous écoutant. La start-up Vocalis Health exploite le machine learning pour analyser la respiration, les intonations et les modulations vocales d’une personne. Selon elle, toutes les petites subtilités et variations présentes dans la voix peuvent contenir des indications quant à la probabilité que cette personne présente un risque accru d’hypertension pulmonaire ou d’insuffisance cardiaque par exemple.

Entendre l’inaudible

Vocalis Health s’appuie sur des biomarqueurs vocaux. Un biomarqueur est un signe médical objectif qui peut être mesuré avec précision. Si un patient est tout à fait capable de détecter les symptômes d’un problème de santé et de décrire comment il se sent, sa voix peut présenter des anomalies ou fluctuations biologiques qu’ils ne remarquera jamais. L’oreille humaine a une plage d’audition comprise entre 20 Hertz (Hz) et 20 000 Hz, et est incapable de détecter les infrasons - inférieurs à 20 Hz - et les ultrasons - supérieurs à 20 000 Hz - qui sortent de cette plage. Des changements subtils, comme des variations dans l'essoufflement, peuvent également passer totalement inaperçus pour un individu, mais être détectées par une machine. Pour une maladie comme la covid-19 par exemple, qui affecte le système respiratoire, les biomarqueurs vocaux constituent une source potentielle de détection.

L’objectif de la société est donc d’utiliser l’intelligence artificielle pour mettre en corrélation les caractéristiques d’une voix avec d’éventuels problèmes de santé sous-jacents. La société teste son application mobile depuis plusieurs mois auprès de patients et de médecins. Baptisée Vocalis Track, elle permet d’analyser la voix de l’utilisateur et d’intégrer les résultats dans un tableau de bord suivi par un professionnel de santé. Dans le futur, la compagnie prévoit d’étendre ses analyses prédictives et de trouver des corrélations possibles entre les biomarqueurs vocaux et les troubles neurologiques, l'apnée du sommeil ou encore la dépression.

Un nouvel assistant médical ?

Cet usage de l’IA n’est pas si futuriste qu’il en a l’air. Tout d’abord, des algorithmes sont d’ores et déjà entraînés pour réaliser des diagnostiques à partir de l’imagerie médicale ou de la numération de la formule sanguine (NFS). Des chercheurs de l'Institute of Advanced Study in Science and Technology en Inde ont récemment annoncé qu'ils avaient développé un logiciel pour détecter le cancer du col de l'utérus grâce à l'analyse d'images de tests PAP. La seule différence avec l’approche de Vocalis Health est que cette dernière alimente l’algorithme non pas avec des images, mais des voix, pour rechercher des corrélations statistiquement pertinentes. « La médecine utilise déjà couramment certains biomarqueurs, comme la tension artérielle, la capacité olfactive ou encore les changements cutanés, souligne Tal Wenderow, CEO de Vocalis Health. Mais la voix elle, n’a jamais été utilisée de manière systématique ou standardisée. »

Ensuite, des intelligences artificielles et technologies de reconnaissance vocales sont déjà intégrées à nos smartphones et utilisées quotidiennement par des millions de personnes, sous la forme d’assistants personnels virtuels. Au lieu de simplement utiliser notre voix pour allumer les lumières ou connaître la météo, elle pourrait également nous dire qu'il est temps d'aller voir un médecin.

Par Antonin Teyssier, Directeur Secteur de la Santé chez Dell Technologies