L’année passée a définitivement marqué un tournant pour les entreprises. La crise sanitaire a accéléré une mutation des modes de travail qui avait débuté timidement. Le télétravail, la collaboration à distance, ou encore la digitalisation des processus ne sont pas des phénomènes nouveaux mais certains freins pouvaient subsister, souvent liés à la culture de l’entreprise.
En France, tout particulièrement, la confiance dans la capacité du salarié à travailler en toute autonomie n’est pas répandue ; les modes de management reposent encore largement sur le contrôle de l’activité et le travail à distance ne facilite pas cet encadrement.
Avec les deux confinements vécus en 2020, nous avons pu constater que, dans la majorité des cas, ni la productivité ni la motivation du salarié n’étaient altérées. Il est certain en tout cas qu’un retour en arrière n’est pas envisageable : les salariés français ont goûté à cette autonomie, et une majorité (80%) de ceux qui ont expérimenté le télétravail souhaitent continuer à travailler à distance selon une étude OpinionWay.
https://www.lesechos.fr/economie-france/social/sondage-exclusif-les-francais-seduits-par-le-teletravail-1204045
Tous les emplois ne sont pas forcément éligibles à ce mode de travail, et il est important de mesurer l’appétence de l’individu à cette nouvelle organisation ; mais le « monde du travail d’après » va reposer sur une plus grande flexibilité, et les entreprises doivent s’organiser en conséquence.
Les Ressources Humaines au cœur des stratégies d’organisation
L’année 2020 a remis les Ressources Humaines sur le devant de la scène : elles ont eu un rôle essentiel à jouer pour gérer les changements et imaginer une nouvelle organisation performante, tout en assurant la sécurité des salariés. Elles ont démontré, dans cette période d’incertitude, que les liens entre les individus étaient essentiels pour relever les défis.
Car cette période de télétravail s’est installée au cœur d’un confinement synonyme d’isolement pour beaucoup de personnes. Tout le monde s’accorde à dire que l’absence de liens, de partage et de vécu en commun avec ses collègues est le point négatif majeur de cette nouvelle organisation. Or, les Ressources Humaines peuvent agir à ce niveau, en créant de nouvelles formes de lien social et en s’attachant à conserver les notions de plaisir, d’affection, de compassion, qui sont l’essence même des relations humaines, et qui participent pour beaucoup au succès de l’entreprise.
Un management repensé en binôme
Les Ressources Humaines ne peuvent réussir dans cette mission qu’avec le soutien des managers. En effet, dans cette nouvelle organisation où les salariés ne seront plus à 100% au bureau, un management basé sur la confiance, sur la valorisation des individus, en acceptant leurs particularités, est la clef du succès.
La sincérité, le courage, la bienveillance, sont les nouvelles valeurs à adopter car le manager devient l’animateur du collectif, le chef d’orchestre qui sait s’appuyer sur les forces de son équipe et qui en connaît aussi les failles. L’authenticité est de mise aujourd’hui, et les valeurs humaines comptent plus que les techniques managériales.
La bonne nouvelle, c’est que tout le monde peut y parvenir. Nous partons d’une page blanche et c’est donc le moment de se réinventer. Les Ressources Humaines ont un rôle à jouer ici pour accompagner les managers dans la redéfinition des politiques applicables et des carrières afin de garantir, ensemble, une entreprise humaine.
Chez Oracle, les valeurs ont été redéfinies en laissant les individus s’exprimer individuellement d’abord, avant de confronter les résultats à ceux du groupe. Les valeurs et bonnes pratiques qui ont finalement émergé ont ainsi pu être portées et appliquées à tous les niveaux dans l’entreprise, que ce soit dans le cadre de l’évaluation des performances, la gestion des compétences ou des carrières. Enfin, ces valeurs ont été intégrées dans la formation exécutive certifiante créée sur-mesure avec SKEMA Business School sur le « Leadership Managérial ».
Savoir détecter les vulnérabilités
Il ne faut pas oublier que la crise a aussi affecté la stabilité des individus. Les DRH qui s’attachent à détecter les vulnérabilités se sont rendu compte qu’aujourd’hui, tout le monde peut être vulnérable de façon plus ou moins passagère, selon sa situation familiale, son environnement personnel, son capital santé, physique, émotionnel et mental. Heureusement, le comportement de l’entreprise sur ces sujets a changé, et ces moments de faiblesse peuvent et doivent s’exprimer lorsqu’ils impactent directement ou indirectement la vie et la performance au travail.
Beaucoup d’entreprises, parmi lesquelles Oracle, sont en train de mettre en place différents dispositifs, principalement digitaux, pour détecter et gérer les vulnérabilités à tous les niveaux de l’organisation, et ainsi aider les individus en évitant à tout pris les clivages. Des groupes de travail inter et intra entreprises ont vu le jour sur différents sujets, dont le télétravail. Chez Oracle, ce travail de réflexion se fait en accord avec les instances syndicales et le CSE.
L’entreprise doit-elle se substituer aux responsabilités des services publics ?
La difficulté exacerbée pendant cette période est la gestion de la sphère professionnelle par opposition à la sphère privée. Le télétravail nous a fait entrer – malgré nous !,dans l’intimité des collaborateurs. Or, nous nous heurtons là à un vide juridique entre l’obligation de porter assistance aux salariés, de garantir un cadre et un environnement de travail protecteur et l’impossibilité de s’immiscer dans leur vie privée.
De manière générale, le législateur a reculé sur de nombreux sujets de la sphère sociale et salariale, sur lesquels il laisse l’entreprise se substituer à lui. C’est le cas pour l’égalité hommes-femmes ou la pré-retraite, par exemple : le cadre légal donne des obligations aux entreprises, mais pas forcément les moyens d’y parvenir. Oracle France a choisi de mettre en place des programmes de pré-retraite qui ont servi de modèles pour d’autres pays. Dans l’éducation aussi, Oracle intervient pour mettre en valeur son secteur et ainsi susciter des vocations, notamment en proposant du mentoring à des jeunes en difficultés ou des personnes en reconversion, mais aussi en accompagnant des jeunes femmes qu’il est indispensable de repositionner au cœur du secteur des nouvelles technologies.
Car les femmes sont toujours les premières victimes des crises ; et c’est tout particulièrement le cas encore avec la crise sanitaire que nous traversons. En effet, elles ont eu à gérer des périodes de confinement en menant de front des défis personnels et professionnels bien que leur rôle ne soit pas toujours reconnu, surtout dans l’industrie de l’informatique et du numérique.
Dans un monde digital qui évolue très vite, l'engagement et la capacité à vivre ensemble sont la clef du succès de l'entreprise. Si les entreprises souhaitent aborder 2021 en jouant la carte de l’humain, elles ont tout intérêt à s’appuyer sur les compétences que les femmes incarnent culturellement : résilience, communication, intelligence émotionnelle.
Par Caroline Elbaz, DRH chez Oracle France