En matière de transformation numérique, l’expérience a démontré qu’il y a plus de causes d’échec que de facteurs de réussite. Comme toute entreprise humaine, une transformation réussie est le résultat de variables, qui bien alignées et bien organisées permettent une prise en compte de tous les aspects qui concourent à la réussite de cette mutation. Or il peut advenir qu’une transformation ne donne pas satisfaction à la suite d’une accumulation de manquements qui finissent par réduire, voire annuler, les résultats recherchés.

L’une de ces causes d’échec est le « silotage mental » qui fait croire aux acteurs internes de la transformation qu’ils peuvent la piloter à travers un prisme déformant qui donne trop d’importance au point de vue technologique. Le « schisme » entre les métiers et l’informatique est un autre exemple récurrent : les métiers pensent leurs transformations sans le support de l’informatique, reléguée au legacy. Dans d’autres cas d’échec, l’orientation transformatrice est souvent donnée par le pilote de la transformation en fonction de son propre domaine de compétence, et cela n’est pas suffisant pour assurer la réussite du projet.

En effet, l’informatisation des processus d’une entreprise, fait depuis toujours appel à différents leviers qui sont assez invariants. Il s’agit de réussir un amalgame harmonieux entre les différents facteurs. En premier, les décideurs doivent tenir compte du facteur humain : les métiers, avec les équipes et leurs partenaires, ainsi que les équipes techniques internes. Ensuite, ce sont les technologies qui doivent faire l’objet d’examens minutieux et croisés avec les métiers et les parties prenantes, et avec les fournisseurs technologiques ou de services. Il faut ensuite explorer les implications pour la conformité, tel que la sécurité, les achats et la finance. Enfin, last but not least, le client doit être le point de départ et d’aboutissement de la stratégie de transformation. Il faut que tout ce collectif s’aligne pour en garantir la réussite.  

L’engagement des métiers est un préalable obligatoire

Reste que, de tous ces facteurs, l’Humain et la conduite du changement sont ceux qui comptent le plus pour la réussite du projet. Par exemple, l’engagement des métiers dans les transformations et leur support est un fondement sur lequel se construit tout le reste.  Parfois, tout au long d’un projet, au fil des difficultés, se pose la question de savoir si une décision qui a été prise est la bonne, alors qu’il faut s’efforcer de bonifier les décisions déjà prises. En ce qui concerne les collaborateurs métiers ou technologiques, qui sont au cœur du changement et voient parfois leur métier changer, il est indispensable de leur apporter l’attention et l’écoute nécessaires. Cela va sans doute impliquer que les fonctions transverses à l’entreprise, les achats, la RSE, la sécurité, la finance, le juridique, soient remis davantage en amont des réflexions de transformation, qu’ils ne le furent dans les transformations passées.

Sachant qu’en matière de transformation, il ne peut y avoir de neutralité en interne, un projet peut être porté avec enthousiasme et la force de tout un collectif, ou alors avec peu d’engagement et le souhait intime qu’il soit reporté ou abandonné. Il s’avère alors nécessaire d’embarquer des relais dans le projet, une ou des personnes qui sont proches du terrain et qui seront les champions. Leur rôle est d’assurer la bonne communication sur le sens et les intentions du projet de transformation. Mais surtout ils doivent être conscients des craintes et des difficultés pour déceler les signaux faibles et apporter des réponses concrètes, pragmatiques et visibles dans le quotidien des collaborateurs.

Dans bien des cas, la transformation numérique est vue exclusivement à travers le prisme des technologies. Une approche qui aboutit généralement à un empilement indigeste de technologies qui ne fonctionnent pas de concert, lequel se solde par un silotage contraire aux objectifs de départ de l’entreprise. Le domaine des technologies et des innovations est complexe et foisonnant, il faut un minimum de conception d’ensemble, pour choisir les bons partenaires, les bonnes technologies, cohérentes dans la durée. Qu’il y ait un bon équilibre entre les partenaires qui doivent apporter le maximum d’éléments, éprouvés dans d’autres expériences de transformation ; et l’entreprise qui doit se concentrer sur ce qui lui est spécifique, voire différenciant par rapport à la concurrence sur son secteur d’activité.  

Une transformation réussie doit servir de base à la prochaine

Si la digitalisation, dans les années passées, a été principalement motivée par les gains de productivité et un meilleur contrôle des coûts, de nouveaux paramètres sont venus compléter, parfois compliquer, l’intérêt d’une transformation, avec les préoccupations de sécurité, d’efficacité environnementale, et l’attractivité des talents, ainsi que la diversité. Ces nouveaux facteurs peuvent infléchir les orientations stratégiques des transformations. Ceci est aussi valable pour les partenaires qui devront opérer en respectant ces nouveaux paramètres.

Le client enfin est en général le point de départ et le récipiendaire des fruits de la transformation, et à ce titre, sa satisfaction doit être au cœur de celle-ci. Il est donc impératif qu’une transformation embarque des changements significatifs, pour que du point de vue du client il n’y ait pas d’impression de stagnation, voire de régression du service.

Pour conclure, si une transformation réussie doit prendre en compte tous ces facteurs, j’ajouterais peut-être que l’esprit dans lequel elle doit être animée devrait combiner deux valeurs : l’ambition et l’humilité. L’ambition est essentielle pour fixer un cap au changement et en rendre les résultats significatifs. L’humilité consiste à reconnaître que les plans sont toujours perfectibles et que c’est la contribution de tous qui en fera un plan gagnant. En fin de compte, une transformation réussie doit à son tour constituer une base solide sur laquelle on peut construire, car la transformation est continue et chaque étape est un point de départ pour les prochaines.

Par Jean-Paul Amoros, Senior Advisor Business Development Executive chez Kyndryl