Microsoft a annoncé le rachat du réseau social professionnel LinkedIn, pour 26,2 milliards de dollars. Un rachat inattendu, et que l’on pourrait croire hors normes, à faire vibrer de plaisir le Landerneau des IT... À la condition que les membres du réseau adhèrent au projet de Microsoft !

Peu de patrons d’entreprises IT auront réussi, comme Satya Nadella ce jour, à faire trembler le monde des IT. Il faut dire que l’annonce du rachat de LinkedIn par Microsoft est pour le moins inattendue ! Pire, Microsoft a mis la barre très haut pour s’emparer du premier réseau social professionnel mondial, en s’engageant à sortir de sa poche 26,2 milliards de dollars.

Le séisme n’a pas fini de se faire ressentir

Séisme, le mot semble assez fort pour évoquer l’opération menée par Microsoft. D’abord parce que l’éditeur, qui fait appel à la croissance externe avec parcimonie, n’avait pas signé d’acquisition aussi élevée depuis l’arrivée de Satya Nadella. Voire d’ailleurs que la leçon donnée par le rachat de l’activité téléphone de Nokia aurait pu refroidir dans ses projets de méga fusion.

Ensuite parce que Microsoft n’a pas hésité à mettre le paquet pour s’emparer de LinkedIn, un réseau social qui ne gagne pas d’argent depuis sa création, et qui depuis l’an passé inquiète les marchés avec un chiffre d’affaires qui progresse mollement face à son concurrent Facebook, et un nombre de membres (environ 433 millions, mais seulement 1/4 d’utilisateurs actifs !) qui suit la même tendance.

Par ailleurs, 26,2 milliards de dollars, c’est presque 10 fois le chiffre d’affaires de LinkedIn en 2015 (2,9 milliards) – principalement la vente de ses services aux recruteurs - soit une surenchère par rapport à la valeur réelle du réseau à faire frémir tous les fondateurs de startups. Tout comme les investisseurs américains qui rêvent de ce type d’opération pour gagner le jackpot sur en moyenne une startup sur 10 de leur portefeuille.

Microsoft réalise-t-il une bonne affaire ?

À bien y réfléchir, certes Microsoft entaille sa trésorerie, mais comparé au rachat de WhatsApp par Facebook en 2014 (19 milliards de dollars), l’affaire n’est pas inintéressante. Il n’y a guère que le rachat d’EMC par Dell, pour 67 milliards de dollars, à faire de l’ombre à l’opération menée par Microsoft, mais peut-on comparer l’acquisition d’un réseau social avec celle d’un monstre industriel ?

Côté marché boursier, l’exagération est plus modérée. Certes Microsoft offre une prime de 50 % par rapport à la clôture de Wall Street vendredi dernier. Mais dans le même temps, l’action LinkedIn avait singulièrement chuté depuis le début de l’année, au point que les investisseurs peuvent légitimement considérer que sur un plan boursier Microsoft n’a pas fait une mauvaise affaire.

Microsoft n’avait déboursé ‘que’ 8,5 milliards de dollars pour acquérir Skype en 2011. Rapportée à l‘utilisateur, l’opération s’est faite au prix de 61 dollars l’utilisateur de LinkedIn, contre 13 dollars pour Skype, la surenchère est démontrée. Même si on est loin des 195 dollars par abonné Facebook.

Pourquoi Microsoft a-t-il racheté LinkedIn ?

La réponse est en partie dans le commentaire que Satya Nadella a adressé par mail à tous les employés de l’éditeur. Il évoque une « occasion importante pour Office 365 et Dynamics ». Cette évocation renvoie au passage de la suite bureautique et des progiciels de gestion de l’éditeur vers le cloud et sur toutes les plateformes.

Partant de cette vision, certains analystes n’ont pas hésité à faire de ce rachat une opération visant à ajouter une brique RH à l’offre de Microsoft. Mais nous avons du mal à adhérer à cette vision. Certes LinkedIn, en tant que réseau social professionnel, est largement utilisé dans le cadre des recrutements par l’entreprise pour chasser et qualifier les candidats, par ces derniers pour assurer leur visibilité. Mais de là à faire de LinkedIn un outil purement RH, le raccourci nous semble trop limité.

De notre point de vue, c’est plutôt l’opportunité que représente LinkedIn pour compléter l’offre collaborative de Microsoft qui nous semble la plus pertinente. C'est d'ailleurs le discours que Satya Nadella a tenu lors d'une interview accordée à The Telegraph, insistant que la dimension de la collaboration entre professionnels.

Sans oublier que Microsoft a toujours adopté une stratégie de forteresse inversée, qui consiste à offrir à sa communauté et à ses partenaires les outils maison qui leur évitent d’aller les chercher ailleurs !  Or, la plateforme Sharepoint et les outils qui gravitent autour n’ont jamais été considérés comme des concurrents qu’un Facebook, d’un Google... ou d’un LinkedIn.

Le discours de Satya Nadella sur le passage « … d’une suite d’outils dédiés à la productivité à un ensemble de services... » en dit long dans les ambitions de Microsoft. Comme nous l’avons toujours pensé pour IT Social, et que le CEO confirme en affirmant « Nous pouvons réinventer les façons pour les professionnels d’être plus productifs », c’est probablement l’outil d’échange et de collaboration entre professionnels qui a retenu l’attention de l’éditeur.

Que vont en penser les membres de LinkedIn ?

Une vision renforcée par la présence de Jeff Weiner, le CEO de LinkedIn, qui demeurera en place, et qui a tenu à souligner les similarités entre son réseau et les offres professionnelles de Microsoft.

Le rachat de LinkedIn par Microsoft met fin aux rumeurs qui anticipaient la fin du réseau social. Et ça, c’est une bonne nouvelle pour ceux qui, comme nous, l’apprécient. Demeure une inconnue, la réaction des membres de LinkedIn ? La présence du réseau social dans l’escarcelle de Microsoft ne sera pas du goût de tous…

La prochaine étape ? Qui rachètera Twitter ?