« Votre appel est susceptible d’être enregistré pour des raisons de qualité et de formation ». Cette phrase, entendue des milliers de fois, cache une réalité bien plus stratégique qu’on ne le pense. En 2025, l’enregistrement des appels n’est plus une simple formalité légale ou un outil de conformité : il est devenu un levier central de transformation de la relation client, à la croisée de l’expérience, de la formation continue boosté par l’intelligence artificielle.

Une pratique généralisée, boostée par l’IA

L’enregistrement des appels est désormais intégré aux dispositifs de Quality Monitoring (QM) dans la majorité des centres de contact60 % prévoient d’y recourir davantage pour automatiser les évaluations à grande échelle (source : BVA Xsight – AI for CX, 2024).

Ce basculement s’explique : dans un contexte de turnover élevé et de complexité croissante des demandes clients, les responsables qualité manquent de temps. En moyenne, un manager évalue entre 2 et 5 appels par agent chaque mois – un échantillon trop faible pour identifier des défaillances structurelles ou détecter et corriger rapidement des manquements tels qu’une mauvaise compréhension d’une nouvelle offre ou d’un process métier. Grâce à l’automatisation, il devient possible d’évaluer jusqu’à 100 %
des interactions.

Pourquoi les entreprises enregistrent-elles les appels ?

L’objectif historique est simple : assurer la conformité, former les équipes, protéger les parties prenantes. Mais aujourd’hui, les finalités sont multiples :
  • Garantir un discours cohérent, à jour, et conforme aux exigences réglementaires (notamment dans la banque, l’assurance ou les télécoms).

  • Identifier les écarts entre le discours attendu et la réalité des échanges.

  • Améliorer la montée en compétence continue des conseillers, en s’appuyant
    sur des cas réels.
Unesolution QM permet par exemple de croiser enregistrements, transcription, catégorisation des appels, et notation automatisée pour construire des plans de formation ultra-ciblés, et ce à grande échelle.

Des bénéfices concrets pour les clients

Contrairement à une idée reçue, l’enregistrement des appels ne sert pas qu’à “surveiller” les agents. Il bénéficie aussi directement aux consommateurs :
  • Il garantit un service plus homogène, plus fiable, grâce à la formation continue
    des équipes.

  • Il permet de résoudre les litiges plus rapidement et plus justement, grâce à des preuves objectives.

  • Il ouvre la voie à une expérience plus personnalisée, via l’analyse de la voix du client : motifs d’appel, irritants, émotions, attentes…
Dans un contexte où la fidélité client se gagne sur la qualité perçue et l’effort minimal, chaque interaction devient une opportunité de se différencier.

Consentement et perception : une ligne de crête à surveiller

Juridiquement, en France comme dans la plupart des pays européens, l’information préalable suffit à légitimer l’enregistrement. Il n’est pas nécessaire de recueillir un consentement actif, comme c’est le cas pour les cookies en ligne.

Mais les choses évoluent. Une étude Forrester (2023) révèle que 52 % des clients souhaiteraient plus de transparence sur ce que deviennent leurs appels enregistrés. Certaines marques commencent d’ailleurs à proposer des alternatives : poursuite de l’appel sans enregistrement, ou redirection vers un canal écrit. Une démarche encore marginale, mais qui pourrait se développer avec la sensibilité croissante autour de la vie privée.

L’adhésion des agents à un dispositif de Quality Management est un pendant à ce consentement des clients, qui plus est quand l’automatisation entre jeu. Cela répond non seulement à des exigences règlementaires, mais c’est aussi un facteur clé de succès pour le succès de la démarche. Cette adhésion reposera notamment sur la mise en place et le partage d’un cadre d’utilisation précis, avec des garde-fous technologiques (“AI guardrails”) et métiers (possibilité de contester et réviser une évaluation automatique par exemple), mais aussi sur un partage et une transparence sur la finalité du QM.

Quels sont les secteurs les plus avancés en QM ?

Le Quality Monitoring est devenu une norme dans plusieurs secteurs :
  • Assurance et banque : pour des raisons de traçabilité, de contrôle réglementaire, mais aussi d’amélioration de la relation client.

  • Télécoms, énergie et services publics : où la gestion de volumes élevés impose des outils de pilotage en temps réel et une vision précise des points d’achoppement.

  • Santé : pour garantir la qualité des échanges dans des contextes sensibles.

  • Retail et e-commerce : pour limiter le churn et améliorer l’expérience omnicanale.
Dans ces environnements, le QM est un outil stratégique : il structure les pratiques, soutient les parcours de formation, et permet d’industrialiser des plans
d’amélioration continue.

L’ère du Quality Monitoring augmenté

L’enregistrement d’un appel n’est plus une fin en soi. Ce qui fait la différence aujourd’hui, c’est la capacité à tirer parti de la donnée. Grâce à l’IA et aux fonctionnalités avancées des solutions Quality Monitoring, les entreprises peuvent désormais :
  • Analyser le sentiment exprimé au cours des échanges.

  • Détecter les silences, les interruptions, les dominances de parole.

  • Filtrer les appels selon leur contenu, pour traiter certains sujets prioritaires (ex : résiliation, réclamations, ventes).

  • Définir des campagnes thématiques d’évaluation (ex. : focus sur la posture de vente ou la valorisation des solutions de selfcare).

  • Proposer un feedback contextualisé aux agents, et un coaching personnalisé, traçable dans le temps.
Le tout avec des tableaux de bord dynamiques, pilotables par le manager, le responsable qualité, ou la direction.

Et si les agents s’auto-évaluaient ?

Une autre dimension puissante du QM est la possibilité laissée aux conseillers de réécouter leurs propres appels et de s’auto-évaluer. Cette fonctionnalité,favorise la prise de recul, l’autonomie et la responsabilisation des agents. Elle transforme le processus d’évaluation en un véritable moment d’apprentissage. L’auto-évaluation peut également être croisée avec celle du manager, renforçant ainsi la transparence et la qualité du dialogue managérial.

Vers un nouveau contrat de confiance

En 2025, l’enregistrement des appels ne doit plus être vu comme une menace ou une formalité. Il s’impose comme un pilier de la relation client, à condition d’être bien utilisé. Car derrière ce qui peut sembler être un outil de contrôle se cache un véritable outil d’émancipation : pour les agents, qui gagnent en clarté et en accompagnement ; pour les managers, qui disposent d’une vision élargie et objective ; et pour les clients, qui bénéficient d’un service plus juste, plus réactif, plus humain.

Derrière la phrase « Votre appel est susceptible d’être enregistré », il y a, en réalité, une promesse : celle d’un engagement réel des marques pour la qualité de leur relation client.

Mais les bénéfices du QM augmenté ne s’arrêtent pas au pilotage opérationnel du centre de contact. Dans une logique CXaaS (Customer Experienceas a Service), les données issues des conversations clients deviennent des leviers puissants pour d'autres fonctions de l'entreprise. Agrégées, analysées, croisées à d’autres signaux métiers, elles alimentent les directions commerciales, marketing ou produit en insights concrets.

Un directeur commercial pourra par exemple identifier des signaux d’achat ou des objections récurrentes. Le marketing, lui, s’appuiera sur les verbatims clients pour détecter des irritants ou affiner ses messages de campagne. La voix du client, qu’elle soit issue d’un appel, d’un message ou d’une vidéo, devient alors une source stratégique, exploitable à tous les niveaux de l’organisation.

Cette transversalité redonne tout son sens à la promesse du Quality Monitoring : transformer l’écoute en action, au service de l’expérience client et de la performance collective.

Par Thibault Gilardoni, Principal Product Manager chez Odigo