La transformation des systèmes RH entre dans une phase nouvelle. Après une décennie dédiée à la modernisation, les entreprises doivent désormais extraire de la valeur mesurable, intégrer l’IA à grande échelle et améliorer la performance opérationnelle plutôt que de simplement déployer des plateformes. L’étude ISG, réalisée auprès de plus de 200 décideurs RH dans le monde, offre une photographie précise d’un marché arrivé à maturité, mais encore loin d’avoir réalisé tout son potentiel.

Les directions RH ont terminé la première étape de leur mutation technologique. Les systèmes en nuage représentent aujourd’hui la norme, et la grande majorité des organisations a basculé vers des solutions centralisées, capables d’harmoniser les processus, d’améliorer la qualité des données et de soutenir la décision. Pourtant, ISG souligne un paradoxe majeur. Les gains financiers faciles liés au passage au SaaS ont atteint un plafond, tandis que les entreprises peinent encore à convertir leurs investissements technologiques en avantages business tangibles. La pression se déplace ainsi de la transformation vers l’optimisation permanente, avec l’IA comme catalyseur attendu de cette nouvelle étape.

Dans ce paysage, l’étude met en lumière un déplacement du centre de gravité stratégique. Les organisations ne cherchent plus seulement à moderniser leurs outils, elles veulent structurer des écosystèmes cohérents, intégrés, gouvernés et continuellement améliorés. L’intégration devient le véritable marqueur de maturité. ISG observe une corrélation directe entre le niveau d’interconnexion des systèmes RH et la création de valeur : les entreprises les plus intégrées déclarent un retour sur investissement deux fois supérieur à celui des organisations fragmentées. Derrière ces chiffres, se dessine l’idée que la performance RH repose désormais sur la capacité à connecter données, processus et décisions au sein d’une logique globale.

Des plateformes modernes, mais une valeur encore à trouver

Le rapport confirme que la migration vers des environnements SaaS est largement accomplie. Près de sept organisations sur dix reposent déjà sur des architectures en nuage ou hybrides, une proportion qui devrait dépasser 80 % d’ici 2027. Ce socle industriel annonce théoriquement l’entrée dans une phase plus stratégique : visibilité accrue sur les effectifs, simplification des opérations, automatisation et capacité d’analyse renforcée. Pourtant, les bénéfices économiques ne correspondent pas toujours aux promesses initiales. En moyenne, les économies réalisées en exploitation RH gravitent autour de 10 %, bien en deçà des attentes de 20 à 30 % souvent mises en avant pour justifier les projets. ISG souligne que ces économies doivent désormais être considérées non plus comme un objectif final, mais comme un carburant pour financer l’innovation future.

Autre point clé, la question de la gouvernance apparaît comme un facteur décisif. Les entreprises qui ont le mieux réussi leurs transformations sont celles qui ont su stabiliser un modèle de pilotage RH–IT robuste, entretenir une feuille de route technologique active et harmoniser leurs processus. À l’inverse, là où les responsabilités restent floues, où les processus demeurent disparates ou où les mises à jour logicielles ne sont pas exploitées, la valeur se dilue. L’étude indique que près de la moitié des organisations n’entretiennent pas réellement une trajectoire claire d’évolution de leurs environnements RH, ce qui freine directement la capacité à tirer parti des investissements déjà consentis.

L’IA structure les modèles RH

L’une des lignes de force du rapport réside dans l’analyse des usages de l’intelligence artificielle. Entre 2023 et 2025, l’IA est passée du stade de projet exploratoire à celui de portefeuille structuré. Les entreprises allouent désormais des budgets conséquents à ces initiatives, avec une moyenne de 1,6 million de dollars prévue pour 2026. Dans la pratique, l’IA s’installe au cœur des processus de recrutement, d’onboarding, d’administration, d’analyse des effectifs, de gestion des performances ou encore d’optimisation des rémunérations. Les cas d’usage en production se multiplient, et certaines organisations observent déjà des gains de productivité compris entre 10 et 15 % sur des processus ciblés.

Néanmoins, ISG met en garde contre une approche trop tactique de l’IA. Beaucoup d’entreprises traitent aujourd’hui les usages comme une série de projets isolés, choisis pour leur rentabilité rapide ou leur simplicité d’adoption. Cette démarche limite les effets de transformation. Les auteurs du rapport plaident pour une refonte plus ambitieuse du modèle RH, intégrant une couche IA transversale, redéfinissant les rôles, automatisant les tâches transactionnelles et repositionnant la fonction RH sur des enjeux d’analyse, de décision et de pilotage stratégique.

Externalisation, mutualisation et recentrage sur la mesure

Le rapport consacre également un volet important aux modèles de délivrance des services RH. La centralisation s’affirme comme le schéma dominant, sous différentes formes, comme les centres de services partagés, l’externalisation, la mutualisation offshore ou les modèles hybrides. Plus de 75 % des organisations y recourent aujourd’hui. Si la recherche d’économies reste un moteur évident, cette centralisation poursuit désormais des objectifs plus larges : cohérence globale, simplification des opérations, montée en qualité et amélioration de l’expérience collaborateur. L’étude souligne toutefois que l’externalisation n’est plus uniquement jugée sur ses coûts. Les entreprises attendent désormais des partenaires capables d’apporter des capacités d’innovation, de pilotage et d’amélioration continue.

Les fournisseurs sont ainsi évalués sur leur capacité à comprendre les besoins métier, à gérer la donnée, à intégrer l’IA dans leurs offres et à contribuer à la performance globale de l’entreprise. Les organisations les plus matures recherchent des partenaires capables d’inscrire cette relation dans la durée, avec des mécanismes contractuels intégrant explicitement des engagements d’optimisation continue, de gouvernance renforcée et de génération de valeur démontrable.

Vers une RH continue, intégrée et orientée résultats

Au-delà des chiffres, l’étude ISG décrit l’entrée dans une nouvelle époque. La transformation ponctuelle, menée à coups de grands programmes pluriannuels, laisse place à une logique d’amélioration permanente. La fonction RH doit devenir un système vivant, connecté, capable de s’adapter, de mesurer, de corriger et d’apporter des preuves tangibles de sa contribution à la performance de l’entreprise. Cela suppose une structuration data solide, une intégration renforcée, une gouvernance claire, un usage réfléchi de l’IA et une culture organisationnelle prête à évoluer.

Les bénéfices sont clairement identifiés pour les organisations qui réussiront ce passage : productivité accrue, meilleure maîtrise des coûts, amélioration de la prise de décision, capacité renforcée à piloter les talents et alignement plus direct entre stratégie RH et performance économique. Les directions informatiques et RH sont face à une responsabilité commune : transformer un capital technologique désormais généralisé en véritable avantage compétitif, mesurable et durable.

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