Avec Sellsy Automatisations, l’éditeur français ajoute une brique structurante à sa plateforme de gestion commerciale et financière. Derrière l’annonce produit, se dessine une trajectoire plus large, mêlant automatisation native, souveraineté technologique et intégration progressive de l’intelligence artificielle. L’entretien avec Victor Douek, PDG de Sellsy, éclaire les arbitrages stratégiques d’un éditeur qui revendique une approche pragmatique du marché des PME.
Les logiciels de gestion destinés aux petites et moyennes entreprises ont longtemps avancé par strates successives, au fil des obligations réglementaires et des demandes fonctionnelles. Aujourd’hui, un mouvement plus structurant se dessine. Les éditeurs cherchent à réduire la fragmentation des outils, à limiter les intégrations externes et à rapprocher les plateformes des processus opérationnels réels. C’est dans cette logique que s’inscrit le lancement de Sellsy Automatisations, présenté comme une automatisation métier native, no-code et hébergée dans un cloud français.
Avec Sellsy Automatisations, l’éditeur ne propose pas une surcouche générique, mais un moteur directement intégré aux modules Vente et Facturation. L’ambition consiste à permettre l’enchaînement automatique d’actions métiers courantes, sans dépendre d’outils tiers. Relance de devis, mise à jour d’opportunités, création de tâches ou génération de documents peuvent être orchestrées via des scénarios prêts à l’emploi.
Une solution clé en main et un seul point de contact
Cette approche correspond à une conviction assumée par la direction : « Une TPE-PME n’a pas le temps de se poser la question du meilleur outil dans chaque catégorie. Elle veut une solution clé en main, un seul point de contact, une seule connexion », explique Victor Douek. Selon lui, la promesse du “best of breed” reste largement hors de portée pour des organisations dont la priorité demeure la continuité opérationnelle plutôt que l’optimisation théorique.
Sellsy revendique un positionnement souverain, matérialisé par l’hébergement de ses données dans un cloud français. Un choix technologique que Victor Douek décrit comme exigeant, mais structurant. « Héberger nos données chez un acteur français n’a pas été le choix le plus simple ni le plus intuitif, mais c’est un choix différenciant », souligne-t-il.
Longtemps perçue comme un critère secondaire, la souveraineté remonte progressivement dans les décisions d’achat. « Dans nos sondages clients, ce critère était au départ dans le deuxième ou le troisième tiers. On l’a vu remonter progressivement vers le premier », observe le dirigeant. Ce déplacement ne concerne plus uniquement les secteurs réglementés, mais touche désormais des PME aux profils très variés, sensibles à la localisation des données, au support et à la maîtrise de la chaîne technologique.
L’IA comme levier d’efficacité avant tout
Chez Sellsy, l’intelligence artificielle ne constitue pas une rupture brutale, mais un levier d’amélioration progressive. Victor Douek insiste sur l’écart entre l’omniprésence médiatique de l’IA et la réalité des usages déclarés dans les TPE et les PME. « L’usage officiel de solutions d’IA reste encore très faible chez nos clients, même si les usages individuels existent déjà largement », rappelle-t-il.
La feuille de route privilégie donc des apports effectifs, centrés sur la productivité et la qualité du travail. « L’IA, pour les entreprises, c’est d’abord une opportunité de faire les mêmes tâches plus vite, et souvent mieux », résume Victor Douek. Génération et reformulation de courriels, synthèse d’informations ou recommandations d’actions commerciales constituent les premiers cas d’usage déployés, directement intégrés aux interfaces existantes.
Un moteur d’automatisation entre workflow et agentivité
Le moteur Sellsy Automatisations introduit une hybridation assumée entre des logiques déterministes classiques et des capacités probabilistes issues des modèles de langage. « On peut rester sur des arbres simples, sans IA, mais aussi enrichir certaines étapes avec des modèles de langage », précise le PDG.
Cette approche intermédiaire reflète une prudence revendiquée. « On parle beaucoup des agents partout, mais ce n’est pas ce que nos clients nous demandent aujourd’hui », observe-t-il. L’objectif n’est pas de déployer des agents autonomes à marche forcée, mais de préparer progressivement le terrain, en tenant compte de la maturité réelle des organisations et des contraintes réglementaires, notamment sur la facturation.
Consolidation du marché et arbitrages économiques des PME
L’annonce de Sellsy intervient dans un marché européen en phase de consolidation rapide. Des acteurs comme Cegid, TeamSystem ou Visma multiplient les acquisitions. Victor Douek y voit une évolution naturelle. « Le marché TPE-PME est un marché de volume, extrêmement difficile. Il y a très peu d’acteurs réellement rentables », analyse-t-il.
Dans ce contexte, les promesses de remplacement des applications de gestion par des solutions artisanales basées sur des modèles de langage lui paraissent peu crédibles à moyen terme. « Maintenir, sécuriser, faire évoluer une solution, cela reste le métier d’un éditeur », tranche-t-il. Pour des clients dont l’abonnement annuel se situe à quelques milliers d’euros, la valeur repose moins sur l’expérimentation que sur la fiabilité et la pérennité.
Avec Sellsy Automatisations, l’éditeur français consolide ainsi une trajectoire fondée sur l’intégration, la souveraineté et une adoption maîtrisée de l’IA. Plus qu’une simple nouveauté fonctionnelle, cette brique d’automatisation éclaire la manière dont une plateforme de gestion peut évoluer vers une intelligence opérationnelle progressive, sans rompre avec les réalités économiques et organisationnelles des PME.























