Le secteur de l’analytique, à l’instar du reste de l’industrie informatique passe actuellement par un mouvement de consolidation des grands acteurs. Mais, derrière les bénéfices attendus en matière d’efficacité et de synergies, demeure toutefois un enjeu central : la capacité des entreprises à conserver la main sur leur stratégie data, au moment même où l’intelligence artificielle s’impose comme un déterminant majeur de compétitivité.

Sans données maitrisées, l’IA ne peut pas tenir ses promesses

Il est difficile pour les modèles, quels que soient leurs niveaux de sophistication, de produire une valeur réelle si les informations qui les alimentent ne sont pas fiables, accessibles et gouvernées. Les organisations sont confrontées à la multiplication des sources : systèmes CRM et ERP, environnements cloud, infrastructures sur site, applications métiers, objets connectés, … Pour réussir un projet d’IA, la façon dont une entreprise collecte, organise et protège ses données est tout aussi importante que la technologie qu’elle utilise.

Dans ce contexte, le renforcement d’écosystèmes fermés peut apporter une cohérence technique, mais aussi restreindre la marge de manœuvre des entreprises en figeant leurs données dans un cadre vertical.

La consolidation, une menace pour la dynamique d’innovation

Ces dernières années, les rachats entre grands acteurs de l’IT ont souvent entraîné des effets indésirables : migrations non souhaitées, intégrations plus longues, portefeuilles de produits plus complexes et une neutralité réduite envers les environnements hybrides. L’agilité, pourtant indispensable aux cycles d’expérimentation liés à l’IA, se retrouve alors mise sous tension plutôt que d’être renforcée.

Actuellement, les agents d’IA prennent de l’ampleur et deviennent capables non seulement d’interpréter, mais aussi d’exécuter des actions complexes. Ainsi, confier l’ensemble de son socle data et analytique a un acteur unique devient un risque de perte de contrôle. C’est précisément pour éviter cette centralisation que l’innovation doit rester distribuée, interopérable et alignée sur les besoins métiers plutôt que sur les trajectoires imposées par quelques consolidateurs.

La data comme levier stratégique de l’IA

Pour que l’IA résulte réellement sur de la valeur opérationnelle, l’architecture data doit répondre à quatre exigences.

La première concerne la capacité à faire dialoguer l’ensemble des systèmes, pour que les données se déplacent et s’intègrent sans restriction, peu importe leur source. La seconde repose sur des déploiement modulables où le choix entre cloud, on-premise ou hybride est dicté par les besoins internes et non par l’orientation stratégique d’un fournisseur.

Vient ensuite la nécessité d’une gouvernance et d’une transparence continue, car la fiabilité des modèles d’IA s’obtient rarement par ajout tardif. Au contraire, elle se construit en amont, la confiance dans les modèles d’IA étant le résultat d’une gouvernance intégrée assurant la qualité, la conformité et la traçabilité des données. Enfin, l’innovation doit revenir à son rôle premier : résoudre des problèmes métiers et générer des gains tangibles, plutôt que de nourrir un discours marketing déconnecté de la réalité opérationnelle.

La liberté de décision comme fondement de la confiance

Si l’actuel mouvement de concentration n’est pas compensé par une exigence de clarté et d’ouverture, les entreprises risques de voir leur marge de manœuvre se réduire au fur et à mesure que leurs environnements se verrouillent. Alors que la donnée constitue désormais la matière première de l’IA, il devient essentiel de maintenir la possibilité de choisir son architecture, ses outils et son rythme d’évolution, indépendamment des logiques fermées qui accompagnent certains écosystèmes consolidés.

En réalité, la valeur de l’IA n’est pas produite par les modèles en eux-mêmes, mais par la maitrise que les organisations conservent sur l’ensemble de leur patrimoine data. Dans un contexte où la concentration technologique progresse rapidement, protéger l’ouverture, l’interopérabilité et la souveraineté sur ses données devient un prérequis stratégique, et non une option. C’est à ce prix que l’IA peut devenir un véritable levier de performance durable, d’innovation et de résilience pour les entreprises.

Par Jacques Padioleau, Regional VP South EMEA, Qlik

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