La crise sanitaire a impulsé plusieurs transformations dont celles liées au secteur de la santé. Dans une récente étude, l’Institut Montaigne fait état de plusieurs propositions afin d’accélérer la transformation numérique au sein du système de santé français. Le CNAM (Caisse nationale d’assurance maladie) a recensé durant la crise sanitaire plus de 500 000 téléconsultations en une semaine versus 11 000 téléconsultations en temps normal. La preuve qu’une véritable mutation numérique peut avoir lieu si les professionnels de santé sont munis de moyens performants et de connaissances liés aux technologies et à l’intelligence artificielle.

Une évangélisation est nécessaire auprès des professionnels de santé mais également des patients afin que les objets connectés, les données, les services d’analyse et les applications interagissent de façon plus intelligente, plus rapide et plus précise, transformant toute l’industrie de la santé. Où des tableaux de bord clairs et personnalisés simplifient le travail des médecins et les aident à analyser les données de leurs patients en temps réel. Et où la généralisation du suivi des patients à distance et du coaching virtuel diminuent les complications dues aux maladies chroniques.

Au-delà de cette progression, le numérique a également permis de préserver un lien social durant le confinement, et l’émergence de nombreuses applications d’échanges (WhatsApp, Messenger, Zoom, Skype) ont positionné le numérique comme un acteur prépondérant dans la lutte contre l’isolement des malades et des aînés. 

La santé priorité des gouvernements

La crise sanitaire a mis en lumière la nécessité de s’attaquer sans tarder aux problèmes, en matière d’accès, de qualité et de coût des soins de santé. En 2019, 100 millions d’euros étaient prévus pour accélérer la transformation numérique des établissements de santé et 50 millions pour le déploiement de la télémédecine.

La santé connectée permet de relier les médecins aux données, les patients aux établissements médicaux et les établissements aux réseaux, dans le but de renforcer la qualité des soins prodigués. Plus ces interconnexions augmentent, plus les résultats seront meilleurs et fiables pour les patients. Des interconnexions aujourd’hui dopées par l’expansion rapide de l’Internet des objets (Internet of Things, IoT) qui connecte de larges ensembles d’objets connectés, de capteurs, de logiciels et de réseaux. On estime que le marché français de l’e-santé atteindra 4 milliards d’euros courant 2020.

En France, l’informatisation des dossiers de santé a timidement commencé en 1970 pour arriver en 2018 à la création du Dossier Médical Partagé (DMP) qui comptait 6 millions de patients, 6 mois après son lancement officiel. Cependant, selon une étude de l’URPS (Union Régionale des Professionnelles de Santé) le dossier médical partagé a été utilisé par seulement 1% par les médecins libéraux franciliens. A l’inverse de la télémédecine qui a su convaincre les médecins les plus récalcitrants avec une augmentation de son utilisation estimée à 79%.

Des défis technologiques à surmonter pour une e-santé efficace  

Sur la question des freins technologiques, l’explosion des données est indéniablement un sujet qui concerne le secteur de la santé connectée. Transmettre efficacement les données des patients issus de l’ensemble des services de santé au bon professionnel et au bon moment reste une gageure. Aujourd’hui, les leaders du secteur de la santé exploitent les périphériques pour identifier les opportunités de générer des connaissances exploitables. Soumis aux techniques d’analyse du big data, ces regroupements de données individuelles révèlent des tendances, profils et idées inattendues permettant d’améliorer la qualité des soins.

Ces regroupements et croisements de données sont également rendus possibles grâce à l’interopérabilité.La Healthcare Information and Management Systems Society (HIMSS)définit l’interopérabilité comme « la mesure dans laquelle les systèmes et périphériques peuvent échanger des données et interpréter ces données partagées ». Le manque d’interopérabilité entre périphériques et systèmes persiste de nos jours, parce que ces derniers restent fermés et/ou contiennent des données non standardisées. De plus, des fournisseurs de nouvelles technologies qui se lancent sur le marché de la santé continuent encore de produire des périphériques IoT fermés, ce qui complique d’autant plus le partage des données générées.

Les 900 milliards de Go de données santé générés annuellement et les 73 millions d’objets de santé connectés dans le monde constituent une opportunité pour les acteurs du secteur. Malgré l’accord des députés français sur l’utilisation de l’application StopCovid, un système de traçage numérique dédié à la lutte contre le Covid-19, l’utilisation de ces données représente un véritable enjeu sociétal mais se heurte à une difficulté majeure : 53% des français sont contre une obligation d’installer l’application et 64 % des Français ont peur du détournement de leur identité digitale.  Les récents évènements notamment liés à la vague de cyberattaques internationales contre des établissements hospitaliers viennent renforcer ce sentiment de défiance. La construction de l’infrastructure numérique doit donc bien entendu se baser sur une cybersécurité robuste et des mesures de protection de la vie privée fortes. L’architecture doit intégrer les exigences en matière de sécurité et de gouvernance des données pour les différents utilisateurs, applications et périphériques, en considérant la gestion de l’authentification et de la validation. Ces instruments peuvent aider les entreprises de la santé à concevoir et déployer une approche de sécurité multifacette comprenant la gestion de l’identité et de l’accès, le cryptage, l’analyse proactive de la sécurité et la sécurité des réseaux.

Si le marché de la santé est donc prêt à faire un bond en avant, sa transformation numérique complète exigera de franchir un nouveau seuil. Pour opérer une mutation réelle, les entreprises de la santé doivent notamment combler le fossé numérique qui les sépare de la transformation IT, en passant par la modernisation de l’infrastructure et la digitalisation complète des services. Une étude du cabinet Vanson Bourne a d’ailleurs interrogé des dirigeants d’entreprise de la santé et 60 % d’entre eux ont affirmé que leur entreprise peinent à s’adapter à la transformation numérique. C’est donc aux DSI qu’incombe la lourde tâche de relever ces défis technologiques afin de créer un écosystème de santé connectée et d’entrer de plain-pied dans l’ère numérique.

Par Antonin Teyssier, Directeur Secteur de la Santé, chez Dell Technologies