Après Diageo en Grande-Bretagne, c’est aux Etats-Unis, avec le brasseur AB InBev, que SAP a entamé des poursuites pour accés indirect aux données dans ses systèmes, sans licences logicielles appropriées.

Anheuser-Busch InBev (AB InBev), ce nom vous est probablement inconnu. Il s’agit, cependant, de l’une des plus grosses brasseries mondiales, plus connue sous le nom de certaines de ses bières : Stella Artois, Leffe, Hoegaarden, Budweiser, Beck’s, ou encore Michelob. Un conglomérat construit à force d’acquisitions, dont le chiffre d’affaires en 2016 a été de 45,5 milliards de dollars.

Le rôle central de l'ERP

Un casse-tête également pour ses gestionnaires, contraints de consolider des données comptables, de marché et financières, provenant de systèmes dispersés et disparates. Une opération qui n’a été rendue possible qu’avec l’adoption d’un ERP SAP reposant sur une infrastructure IT performante.

Dans ces conditions, on imagine la complexité de la connexion des systèmes en place avec l’ERP central SAP, et de l’usage des données stockées et/ou générées dans le système. Et que pour l’exercice de leurs fonctions, les employés de AB InBev utilisent les applications et les données SAP, directement ou indirectement.

C’est sur cela que SAP s’appuie pour alléguer que ces mêmes employés accèdent aux systèmes et données de son ERP sans les licences appropriées…

Violations multiples d'un contrat de licence SAP

A New York, SAP a engagé une procédure contre AB Companies LLC, « conformément aux Règles d'arbitrage commercial de l'American Arbitration Association » pour reprendre un document de 544 pages remis à la SEC (le gendarme de la bourse de Wall Street), pour des violations multiples d'un contrat de licence SAP. Une plainte accompagnée d’une demande de dommages et intérêts de 600 millions de dollars.

« Nous avons l'intention de nous défendre vigoureusement contre les réclamations de SAP », a indiqué AB InBev sur le même document.

Cette procédure fait suite à celle engagée par SAP en Grande-Bretagne contre Diageo, pour utilisation indirecte d’un ERP SAP via la plateforme de CRM de Salesforce, accompagnée d’une demande de compensation de 54 millions de dollars. L’affaire a fait grand bruit, d’abord parce ce qu’elle s’est conclue par une décision de la Haute cour de justice de Londres en faveur de l’éditeur, mais surtout parce qu’elle fait figure d’une nouvelle menace qui pèse sur les entreprises autour des audits.

L'épée de Damocles des audits s'alourdit...

Tout comme l’affaire Diageo, sans cependant la dimension de guerre commerciale que se livrent SAP et Salesforce, l’affaire AB InBev est emblématique de la difficulté dans laquelle se trouvent les entreprises face à la complexité de leur ERP, et cela généralement de bonne foi… Les entreprises qui multiplient les activités et les acquisitions peinent souvent dans leur connaissance des utilisateurs des solutions, pire dans l’usage des modules, et donc dans la régularité des licences. Mais dans le même temps elles ne peuvent se passer de leur ERP, cheville ouvrière de leur gestion. Cela, les éditeurs le savent bien !

A partir de cette situation délicate et complexe, se pose la question de l’usage des données dans l’ERP. La logique veut que les données de l’entreprise appartiennent à l’entreprise, et qu’elle doit pouvoir en disposer comme elle l’entend. Sauf que les contrats de licences de certains éditeurs imposent également des licences ou compléments de licences liés aux usages indirects des applications. Pour résumer, l’entreprise reste propriétaire de ses données, mais pas de la connexion aux données via les applications.

C’est tout l’enjeu des procédures mises en place par SAP, et du risque encouru par les entreprises qu’une nouvelle fois les audits vont faire peser sur elles. Si la justice britannique a donné raison à SAP, quelle sera le verdict de la justice américaine ? Le principal risque étant, une nouvelle fois (on le voit avec Oracle), que certains éditeurs soient tentés d’en faire un nouveau business model, fort rémunérateur, mais au détriment de leurs clients.

Image d’entête 653031186 @ iStock Godruma