Les PME françaises adoptent progressivement l’IA, mais à un rythme qui varie considérablement selon les secteurs et le volontarisme des dirigeants. La réglementation, la complexité technique, les compétences disponibles et les ressources financières restent de puissants freins.

Après la déflagration de novembre 2022, date de lancement de ChatGPT, l’intelligence artificielle continue de transformer les secteurs d’activité à travers le monde, et la France ne fait pas exception. Les petites et moyennes entreprises françaises adoptent graduellement l’IA, mais à un rythme qui varie considérablement selon les secteurs, les compétences et les ressources disponibles.

L’étude réalisée par Bpifrance Le Lab concernant l’adoption de l’intelligence artificielle générative par les PME ainsi que par les TPE en France révèle un paysage contrasté. Bien que les décideurs reconnaissent la validité de la technologie pour certaines tâches en entreprise, les freins sont nombreux. L’étude révèle que 15 % des dirigeants de PME et TPE exploitent à ce jour des outils basés sur l’IA Générative. Un chiffre qui démontre une prudence, voire une réticence, face à l’intégration de ces technologies. Cette disparité d’adoption se manifeste selon les secteurs, avec une prévalence dans les services (24 %) contre une présence plus timide dans la construction (4 %) et les transports (5 %).

Une disparité qui soulève des questions sur les facteurs sous-jacents qui influencent ces décisions, telles que la connaissance de la technologie, les barrières à l’entrée financière et technique, ou encore la pertinence perçue dans les opérations quotidiennes des entreprises. Toutefois, les dynamiques actuelles et futures entourant cette technologie de pointe semblent prometteuses selon le rapport. Les usages primaires identifiés, incluant la génération de contenus écrits, la recherche et l’analyse de données, ainsi que la création de supports visuels, indiquent des potentiels encourageants pour l’optimisation de tâches répétitives et la valorisation de la créativité humaine par l’automatisation intelligente.  

71 % ne trouvent pas d’application claire à l’IA générative

Mais peut-être n’est-ce là que l’interprétation d’une vision optimiste par ceux qui sont en avance de phase. Car l’étude révèle que 71 % des dirigeants interrogés ne trouvent pas d’application claire à l’IA générative. Une méconnaissance « révélatrice d’un manque de compréhension et d’information sur le potentiel de ces technologies », estime le rapport. Cette lacune représente un risque significatif de décrochage dans un marché de plus en plus compétitif, où l’innovation et l’efficacité opérationnelle sont cruciales. « Les experts avertissent que ne pas s’adapter à cette nouvelle ère technologique pourrait marginaliser les entreprises réfractaires ou peu informées », prévient le rapport.

À l’autre bout du spectre, l’intérêt pour la technologie est minoritaire, avec 13 % des dirigeants envisageant d’adopter l’IA générative prochainement. Certes, ceci témoigne d’un changement de mentalité progressif, mais il ne concerne que les métiers les plus directement touchés par la révolution de la GenAI. Les intentions d’extension de l’automatisation à des domaines variés tels que la stratégie, le marketing, ou les ressources humaines, prouvent que ces métiers sont en avance de phase dans l’entreprise. Ces évolutions suggèrent toutefois une familiarisation de l’entreprise avec ces technologies, avec à la clé « une transformation profonde des méthodes de travail et des modèles d’affaires, où l’IA générative joue un rôle de catalyseur pour la création de valeur ajoutée », affirme le rapport.

Par ailleurs, « l’importance accordée à la formation et à la sensibilisation des équipes et dirigeants est cruciale, souligne le rapport. Les entreprises pionnières, qui ont intégré avec succès l’IA Générative dans leurs processus, incarnent des exemples vivants des avantages concurrentiels et de l’efficience accrue que permet cette technologie. Elles démontrent également que la clé d’une adoption réussie réside dans une compréhension approfondie et une mise en œuvre stratégique des outils d’IA Générative ».  

Sensibiliser les métiers aux bénéfices de l’IA générative

En définitive, l’étude de Bpifrance Le Lab donne un instantané sur un marché balbutiant, dans lequel l’offre est pléthorique et diverse, ce qui peut dérouter bien des bonnes volontés. Les entreprises semblent encore incertaines dans leurs choix, non seulement par peur des biais et de la confidentialité, mais aussi à cause d’un certain nombre de facteurs comme la compréhension de la technologie, et par conséquent des offres du marché, les ressources disponibles et la sensibilisation des métiers aux bénéfices de l’IA générative.

En effet, l’intégration de l’IA nécessite souvent un investissement initial significatif, tant en termes de développement ou d’achat de solutions que de formation des équipes. Ce coût représente un obstacle majeur pour de nombreuses PME, qui doivent, en plus, satisfaire à un ensemble de prérequis concernant la préparation de leurs données, qui nécessite fréquemment la refonte des systèmes de stockage, de la sécurité et de la conformité. Un chantier dissuasif, si les bénéfices de l’IA générative ne sont pas manifestes pour les décideurs.

La complexité des technologies d’IA et un manque de compréhension de leur potentiel et de leur fonctionnement freinent également leur adoption par les PME. Beaucoup craignent de faire des erreurs coûteuses ou de ne pas obtenir le retour sur investissement escompté. La pénurie de spécialistes dans le domaine de l’IA est un autre défi. Les PME françaises peinent à recruter et à retenir des spécialistes de l’IA, ce qui limite leur capacité à développer et à intégrer des solutions d’IA. Enfin, les préoccupations liées à l’éthique de l’IA, à la protection des données et à la conformité réglementaire (notamment le RGPD) constituent des freins importants. Les PME doivent naviguer dans un cadre réglementaire complexe et en constante évolution, ce qui peut s’avérer intimidant.