Après des années de ronronnement semi-apathique le marché des semiconducteurs et son segment des puces spécialisées (dans l’IA en l’occurrence), connaît un regain d’intérêt de la part des investisseurs et des états. Les perspectives d’évolutions des infrastructures Edge et de la 5G aiguisent les appétits.

Nous n’avons pas l’habitude d’annoncer dans ces colonnes les levées de fond des pépites de la technologie, car ce genre d’information n’a aucune utilité opérationnelle pour nos lecteurs. Mais celle dont il s’agit ci-dessous s’inscrit dans un mouvement de fond qui balaie le secteur des semiconducteurs. Avec l’arrivée de la 5G et des infrastructures Edge, l’intelligence distribuée représente la prochaine révolution informatique : l’action robotisée autonome basée sur l’automatisation du traitement des données par les infrastructures, les applications et les points terminaux comme l’IoT.

Graphcore, société britannique qui conçoit et fabrique des systèmes informatiques spécialement conçus pour le traitement de l’intelligence artificielle annonce avoir le vé 222 millions de dollars dans le cadre d’un cycle de financement de série E. Cette opération financière porte la valorisation de l’entreprise à 2,77 milliards de dollars après ce cycle. Le nouvel investissement servira à soutenir l’expansion mondiale continue de l’entreprise et à accélérer le développement futur du silicium, des systèmes et des logiciels de l’IPU.

Le marché des processeurs spécialisés frémit…

Graphcore suscite l’intérêt, car elle a développé des puces avec des choix de microarchitecture qui les différencient radicalement des architectures les plus courantes comme les CPU et les GPU. Avec ses 59,4 milliards de transistors, et construit selon le procédé TSMC 7nm, le Colossus MK2 GC200 IPU est le processeur de dernière génération de Graphcore. Nous avons déjà détaillé la conception de cette microarchitecture dans cet article.

Comme dit en introduction de cet article, le segment des puces électroniques connaît une effervescence sans précédent. Dans ce segment, les processeurs , les circuits logiques et les jeux de puces spécialisés devraient jouer un rôle prépondérant comme ceux de Graphcore. « Le marché des processeurs spécialement conçus pour l’intelligence artificielle devrait être important dans les années à venir, en raison des mégatendances informatiques, comme la technologie du cloud et la 5G, et de l’adoption accrue de l’IA, et nous pensons que Graphcore est en passe de devenir un leader dans ce domaine », a déclaré Olivia Steedman, directrice générale senior de la plateforme d’innovation d’Ontario Teachers .

… et l’Europe se réveille enfin

Récemment, 17 États membres de l’Union européenne, dont la France, viennent de publier une déclaration commune sur les processeurs et les technologies des semiconducteurs. Par leur déclaration, les États membres s’engagent à travailler ensemble pour renforcer la chaîne de valeur de l’électronique et des systèmes embarqués en Europe et renforcer les capacités de fabrication de pointe. Une initiative qui s’inscrit dans les 145 milliards d’euros des fonds de relance pour la transition numérique. Elle s’appuie sur et élargira les efforts collectifs, y compris les futures entreprises communes KDT et EuroHPC, l’initiative des processeurs européens et l’IPCEI existant sur la microélectronique. L’Europe a du retard à rattraper par rapport aux autres régions économiques du monde. Sa part de 440 milliards d’euros dans le marché mondial des semiconducteurs ne représente que 10 %, bien en dessous de sa position économique.

Selon la dernière étude de SEMI, l’association des industriels du secteur des semiconducteurs, les investissements dans les équipements pour semiconducteurs en Europe pourraient atteindre 5,9 milliards de dollars en 2022, soit bien davantage que les 3,5 milliards anticipés pour 2021 et plus du double des dépenses de 2,4 milliards prévues pour cette année. C’est de loin la plus forte progression géographique envisagée par SEMI, même si le poids de l’Europe reste faible par rapport aux autres grandes régions de production de semiconducteurs dans le monde.

L’Asie restera le berceau des semiconducteurs

Malgré les initiatives européennes et américaines, L’Asie, notamment la Chine, Taiwan et la Corée du Sud (voir le tableau ci-dessus). Alors que les entreprises dont le siège est aux États-Unis représentaient 48 % des ventes mondiales de puces en 2018, les usines basées aux États-Unis, y compris celles exploitées par des sociétés ayant leur siège à l’étranger, ne représentaient plus que 12 % de la capacité mondiale de fabrication de semiconducteurs, contre 37 % en 1990, estime une étude du BCG et la SemiconductorIndustry Association (SIA).