La task force créée par Donald Trump pour transformer le United States Postal Service (USPS) largement déficitaire a rendu ses recommandations. La plus importante : facturer lettres et colis au prix du marché. Si elle est suivie, c’est une partie du commerce en ligne américain qui pourrait souffrir et des clients qui pourraient re-basculer vers le commerce traditionnel.
“L'USPS perd de l'argent depuis plus d'une décennie et se trouve sur une trajectoire financière insoutenable.”
En avril dernier le Président américain Donald Trump a créé une ‘task force’ (qui évidemment lui est acquise…) pour réfléchir sur le devenir de la Poste américaine, le United States Postal Service (USPS). Un service public qui, comme de nombreux autres (on pense en particulier aux politiques sociales mis en place par l’administration Obama), est dans le collimateur de Trump.
Le rapport de la task force constate sans surprise que l’USPS est déficitaire, depuis plusieurs années. Il propose plusieurs recommandations pour remédier à cette situation. Mais la plus importante, celle qui pourrait bien faire grincer le plus de dents, c’est celle d’augmenter les tarifs de la Poste US, en particulier pour la livraison du dernier kilomètre, celle qui est assurée par Parcel Select, filiale de l’USPS.
Pour comprendre la problématique, il faut rappeler que dans la chaîne logistique du transport des colis, ce n’est pas l’entreposage et la préparation des colis qui pose problème, les acteurs du marché se sont largement équipés, robotisés, et ont automatisé ces processus. Ce n’est pas non plus le transport national et régional des colis, une activité bien rodée. C’est la livraison du dernier kilomètre, celle qui met le colis dans la boîte aux lettres ou entre les mains du destinataire.
UPS, USPS et Fedex
Au Etats-Unis, trois structures dominent et se partagent ce marché de la logistique domestique : USPS (Parcel Select), UPS (qui domine) et Fedex. A eux trois, en 2016 ils auraient exécuté 95% des livraisons de commandes en ligne sur le territoire américain (source : UPS).
Or, au cours des dernières années, le commerce en ligne s’est multiplié, les ventes en ligne ont augmenté de 50% depuis 2014, et le volume des colis à livrer devrait continuer d’augmenter. Amazon, Walmart et Macy’s en particulier profitent de cette progression, et sont clients du trio pour assurer la livraison au dernier kilomètre chez leurs clients.
Si UPS est largement le leader de la livraison domestique, il profite de sa logistique (il a été le premier à se transformer) pour travailler avec les géants du secteur. Fedex est en cours de transformation. On notera également que DHL, absent de ce marché depuis 10 ans, pourrait s’appuyer sur ses dizaines d’entrepôts qui quadrillent les US pour revenir dans course.
Le fardeau de la livraison gratuite
Le problème, c’est que face à une politique commerciale qui pour beaucoup de clients privilégie la livraison gratuite, USPS donne le ‘la’ des tarifs les plus bas, et offre à la multitude des petits vendeurs en ligne une alternative économique aux géants de la livraison à domicile, qui réservent leurs contrats les plus intéressants à leurs grands clients.
C’est ainsi que la hausse des tarifs de la Poste US pourrait peser soit sur la marge des distributeurs, même les grands car ils exploitent également les services de l’USPS jusqu’au fin fond des US, soit entraîner une hausse des prix des articles vendus en ligne. Une hausse suffisamment significative, sur laquelle les UPS et Fedex pourraient enchaîner pour redresser leurs marges, pour que les observateurs anticipent un retour sur le commerce physique, qui redeviendrait intéressant sur les prix !
Saturation sur le dernier kilomètre
Mais la problématique va plus loin encore. En effet, au rythme où progresse le commerce en ligne, le volume des colis va dépasser les capacités de livraison des expéditeurs en place. Déjà, UPS a connu quelques déboires de saturation au cours des derniers mois, qui ont entraîné des retards de livraison qui se sont chiffrés en jours… Inacceptables pour les distributeurs, qui attendent le respect des conditions contractuelles qui leurs sont favorables, et qui aujourd’hui permettent un délai de 2 jours sur beaucoup de livraisons de produits ‘sur stock’.
La mise en application des recommandations de la task force de Donald Trump pourrait ainsi profiter aux nouveaux arrivants de la livraison sur le dernier kilomètre, Alibaba, Amazon, Deliv, DHL, Postmates, Uber (UberRush), qui cherchent à s’accaparer une part du marché d’UPS, USPS et Fedex !
Vers des acteurs alternatifs ou intégrés...
S’il est évident qu’il faudra compenser les faiblesses à venir des trois références du marché, la mission s’annonce difficile. D’abord parce qu’ils possèdent des modèles d’exploitation efficaces. Également parce qu’il faudra que leurs nouveaux concurrents offrent des tarifs d’expédition inférieurs. La politique de Trump devrait les aider, tout comme les tarifs des coûts de main d’oeuvre qu’ils pratiquent, appliquant le côté obscure de l’uberisation pour réduire leurs coûts par la sous-traitance sauvage.
Amazon a interrogé ses commerçants partenaires, qui ont indiqué qu’ils considèrent que le service de livraison du géant n’est intéressant que s’il est 20% inférieur au tarif d’expédition d’UPS et confrères…
Même si les premières expériences de livraison de proximité menées par Amazon et Uber se sont soldées par un échec - elles se sont heurtées aux défis de la livraison d’épicerie ! - nul doute que l’innovation, l’automatisation et la recherche de nouvelles méthodes de livraison permettront probablement assez rapidement de réduire les coûts d’exploitation face au trio dominant.
Donc, certes la volonté du Président Trump de s’attaquer à l’USPS et d’augmenter des prix va chahuter le marché de la vente en ligne aux Etats-Unis et pourrait redonner ‘un peu’ d’oxygène au commerce traditionnel américain, mais pour combien de temps ? Juste le temps de revoir les process pour permettre aux challengers du trio UPS, USPS et Fedex de trouver les solutions et les bonnes pratiques pour livrer au plus près et au meilleur prix, donc maintenir pour la plupart la livraison gratuite...
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