Les dirigeants sont continuellement tournés vers l’avenir, essayant d’anticiper les soubresauts pour mieux les gérer le moment venu. Mais, la crise les a pris par surprise et remis en cause bien des certitudes.

L’un des acquis les plus précieux de la vague pandémique actuelle n’a jamais été abordé directement dans les études et les rapports « post-sidération ». La dimension humaine de la crise n’a été abordée que par le biais des préoccupations pour les salariés isolés en télétravail, et les cadres bousculés par les nouveaux paradigmes du management à distance, et des changements dans la relation des employés au travail et à l’entreprise. Comme toutes les crises graves, la pandémie a mis à l’épreuve les systèmes et révélé les déficits en matière de leadership, de communication, de préparation et de flexibilité.

Ce faisant, elle a offert aux équipes une occasion salutaire pour une remise à zéro des concepts dépassés et la mise en place des nouveaux paradigmes du management moderne. À présent, la composante managériale fait partie intégrante du débat sur la nouvelle culture organisationnelle de l’entreprise : hybride, agile et distribuée.

Dans une étude publiée récemment, Piloter sa transformation numérique, Partage d’expériences de décideurs pour réussir 2022, Ippon Technologies, le cabinet de conseil et d’expertise en technologies, apporte sa pierre à ce nouvel édifice en construction. Il a demandé aux adhérents de son Cercle des dirigeants de s’exprimer sur leur expérience de décideurs face à la crise.

Des échanges éclairants

En janvier 2021, Ippon a créé un groupe de quatorze décideurs parmi ses clients, qui se réunissent chaque trimestre pour échanger sur leurs préoccupations et leurs priorités. Le cabinet a donc publié une synthèse éclairante des échanges entre les membres du cercle sur le management en temps de crise et ses enseignements. Au-delà de toutes les digressions sur la crise et son influence, le premier enseignement des échanges post-crise a révélé que cette période a été une véritable aventure humaine pour ces dirigeants.

« Ce qui m’a marqué, c’est la dimension humaine de ces dirigeants. Je les ai trouvés très humbles. Ils se sont adaptés en pensant à leurs équipes, et, en faisant cela, ils ont préservé les intérêts de leurs entreprises », explique Patrick-Jean François, directeur du Digital Consulting chez Ippon Technologies. Empêtré dans une crise incomparable dans l’histoire humaine, personne n’avait de plan d’urgence.

Stéphane Van Bosterhaudt, ancien CTO de France Télévision et membre du Cercle, explique que « personne, pas même dans les plus grandes organisations, n’avait de plan d’urgence immédiatement adapté à cette situation qui impactait à 360 degrés l’entreprise et la société ».

Mettre la DSI au cœur de l’action

Comme beaucoup de décideurs, Stéphane Van Bosterhaudt s’est retrouvé, avec l’ensemble des directions et la division des risques et de la stratégie, à devoir agir et mettre la DSI au cœur de l’action. Cette fois, non pas sur une mission de Business ensabler, mais plutôt de Business continuity enabler. Le contrat de télétravail n’était pas en place. Il n’y avait pas de cloud, tout était centralisé. Quasiment personne ne possédait de portable et il n’y avait pas d’habitude de mobilité ni de Wifi au siège. La fracture numérique reste encore réelle, avec des collaborateurs qui n’ont pas accès à un internet de qualité sur certains territoires », explique-t-il.

De fait, le numérique est apparu comme une planche de salut pour nombre d’entreprises mal préparées. « Soudain, le numérique n’est plus perçu comme un mal nécessaire, affirme Sylvaine Roux, data process manager France et chief data officer chez Schneider Electric, mais comme une source de valeur. Cela change tout ».

La donnée comme levier d’action

Avec la nouvelle organisation du travail et les relations à distance, le digital s’est imposé comme canal de communication principale, et la data comme un véritable levier d’action chez Schneider Electric. « Nous avons consolidé dans une application l’ensemble de nos informations clients : internes et externes (Insee, Banque de France, Explore, Plan France Relance…). Sans la crise, je pense qu’en 2023 on ne l’aurait toujours pas. C’est une mine d’or : une vision à 360° de nos clients ».

Comme on peut le constater, la crise a sonné comme un rappel aux organisations retardataires sur la transformation numérique. Les anciennes composantes de la culture organisationnelle de l’entreprise, et de la culture de management ont volé en éclat. La pandémie aura au moins eu le mérite de débloquer les projets de transformation numérique pour aller vers l’entreprise créative et agile du futur.