Bien que les investissements comptent pour beaucoup, ils ne sont pas suffisants. La réussite d’un projet d’IA ne tient qu’en partie aux moyens mis en œuvre, car les managers et les dirigeants devront désormais comprendre le rôle de l’IA et combler leurs lacunes pour mieux appréhender son utilité à long terme.

Grâce à la démonstration grandeur nature faite par ChatGPT, les regards des dirigeants d’entreprise se tournent immanquablement vers cette technologie pour ne serait-ce qu’explorer les voies d’utilisations possibles en fonction de leurs besoins. Surtout durant cette période conditionnée par des incertitudes persistantes quant aux évolutions futures de l’économie, et plus généralement des affaires du monde puisque tout est intriqué. Un environnement dans lequel les capacités cognitives des algorithmes peuvent apporter une aide salutaire et dans plusieurs domaines.

Mais alors que l’IA apparaît comme la solution aux problèmes du moment, les questions l’accompagnant sont nombreuses, dont la plus importante est : que puis-je en attendre comme retour ? Heureusement que l’antériorité de certains « early adopters » nous permet, à travers une étude du BCG, de disposer de quelques éléments de réponse. Dans un article tiré de l’étude annuelle sur le sujet, et intitulé Scaling AI Pays Off, No Matter the Investment, le cabinet de conseil a évalué la maturité de l’IA de plus de 2 700 entreprises dans trois domaines : les cas d’utilisation de l’IA, les capacités de l’IA et la base numérique de l’entreprise.  

Jusqu’à 6 % de revenus supplémentaires

Les chercheurs du BCG ont ainsi constaté que même de modestes investissements dans l’IA permettent des retours, si l’entreprise est à même de mettre à l’échelle ses investissements. « Des investissements modestes dans des cas d’utilisation spécifiques de l’IA peuvent générer jusqu’à 6 % de revenus supplémentaires, et si les investissements augmentent, l’impact de l’IA sur les revenus triple pour atteindre 20 % ou plus. Les entreprises les plus performantes obtiennent également de meilleurs résultats sur d’autres indicateurs clés de performance », affirment les rédacteurs du rapport. L’étude démontre aussi que les entreprises qui investissent le plus dans le numérique, sont celles qui proportionnellement dans l’IA.

L’étude met en lumière quatre niveaux de maturité, selon les moyens et l’usage qui sont faits de l’IA. Il s’agit, à l’aide d’un score, de mesurer l’écart entre les entreprises qui commencent à peine à aborder le sujet et celles qui ont réussi leur mise à l’échelle. « Même si nous avons constaté que la mise à l’échelle des cas d’utilisation est essentielle pour générer et maintenir la valeur de l’IA, explique le rapport, la plupart des entreprises n’exploitent pas encore le plein potentiel de cette approche, n’obtenant que 35 à 45 points sur 100 possibles ». Ceci démontre la difficulté d’exploiter le plein potentiel de l’IA.  

Des investissements spécifiques à l’IA

De plus, aucun secteur en particulier ne semble avoir pris de l’avance, les résultats sont assez cohérents d’un secteur à l’autre. Par exemple, avec un score global de 42, les entreprises de biens de consommation sont les plus fortes et, à 36, le secteur public est le plus faible. Ces résultats ne bougent pas d’une année sur l’autre. Ils sont conformes à l’évaluation de mars 2022 sur les difficultés de passage à l’échelle numérique, car, affirme le rapport, « la capacité à faire évoluer les cas d’utilisation numériques est une condition préalable à la mise à l’échelle de l’IA ».

Ainsi, les champions de l’IA investissent en moyenne 4 % de leurs revenus dans des initiatives spécifiques à l’IA, tandis que les retardataires n’investissent que 2,7 %. Certains secteurs présentent des écarts particulièrement importants ; dans les secteurs de la santé et de l’énergie, par exemple, les leaders de l’IA investissent environ deux fois plus que les retardataires.  

Les dirigeants doivent développer leur savoir en IA

« Le succès est en partie une question d’investissement », assurent les rédacteurs de l’étude. « Pas tout à fait », sommes-nous tentés de répondre, car il y a un facteur capital qui semble oublié dans toutes les études : pour implémenter un cas spécifique, il faut une meilleure connaissance de l’IA et de ses technologies par les décideurs. L’IA n’est pas une technologie comme les autres, elle n’est pas générique, mais multiforme et ses capacités dépendent de ses caractéristiques. Comment un décideur peut-il avoir une idée claire de ce que peut faire l’IA, s’il ne comprend pas les différences entre les algorithmes par exemple ; ou s’il ne fait pas la différence en Machine Learning et Deep Learning, ainsi que les architectures sous-jacentes ?

Selon les modèles de développement des technologies émergentes, le segment de marché de l’IA devrait se caractériser par un développement rapide et l’émergence subséquente de nouvelles idées et propositions technologiques. En matière d’IA, l’assemblage d’une solution à partir de briques technologiques Open Source, ainsi que des données en Open Data pour l’apprentissage, permettent à des fournisseurs de toutes tailles de proposer des cas d’application. Les qualités inégales des offres sont aussi une caractéristique du modèle de développement des nouvelles technologies. Si les grandes entreprises peuvent recourir aux compétences et aux conseils de cabinets spécialisés, les patrons et dirigeants de petites et moyennes entreprises devront se faire leur propre idée pour éviter les désillusions et l’abandon.

Ce savoir est donc nécessaire, ne serait-ce que pour se poser les bonnes questions et avoir une compréhension claire de l’adéquation de ses choix technologiques avec les caractéristiques des problèmes à résoudre avec l’IA, ceci afin de pouvoir déterminer si la solution choisie est la bonne.