Les territoires inexplorés ouverts par l’informatique quantique, les enjeux de souveraineté, de géostratégie, d’économie et de santé incitent la France à se lancer dans la course avec un programme ambitieux, annoncé hier par le président de la République.
« Les technologies quantiques font partie de ces quelques clés du futur que la France doit absolument avoir en main », a affirmé le président Emmanuel Macron, en préambule de son discours. En déplacement sur le plateau de Saclay, le président de la République a annoncé les détails de la stratégie nationale sur les technologies quantiques. Il a insisté sur l’importance pour la France de « maîtriser les technologies stratégiques qui façonneront son avenir », et dont l’informatique quantique est un élément très important aux yeux du président. Pour que la France puisse jouer sa partition dans le concert des nations, Emmanuel Macron a présenté une stratégie qui s’appuiera sur un plan de financement sur cinq ans de 1,975 milliard d’euros.
La logique est de créer et consolider un écosystème « qui permet le va-et-vient entre les laboratoires de recherche, les grands groupes et les startups », de créer des synergies et exploiter les complémentarités dans un continuum qui est en train de se constituer a insisté le président. « Il n’y a pas de pays libre sans une maîtrise réelle de sa capacité à produire de la recherche fondamentale, libre et ouverte, et à la financer de manière libre et ouverte ».La stratégie quantique est, à cet égard, d’une importance capitale aux yeux du président.
La France à une longue tradition de plans stratégiques réussis
À l’image des programmes précédents et qui ont placé la France sur la carte mondiale de certains domaines stratégiques, comme l’aéronautique, l’espace ou le nucléaire, le plan quantique est destiné à créer, fédérer et financer les synergies de l’écosystème scientifique, industriel et humain pour développer l’ordinateur quantique ainsi que les produits, comme les capteurs, basés sur le quantique. Pour y arriver, la stratégie présentée repose sur deux piliers selon le président de la République. Le premier volet est un programme de développement technologique global et intégré, allant de la recherche fondamentale jusqu’à l’industrialisation. Le second permettra de former le capital humain nécessaire pour mener à bien le développement des technologies et les produits quantiques.
La feuille de route fixée par le président pose les jalons d’un programme précis, financé et marqué par des étapes précises devant mener au développement de l’ordinateur quantique généraliste. La première tranche du programme bénéficie d’une enveloppe de 350 millions d’euros, qui seront consacrés au développement d’un ordinateur hybride (silicium/quantique) d’ici 2023. Une infrastructure hybride qui sera hébergée par le Genci et le CEA.
L’étape suivante sera financée à plus de 450 millions d’euros et débouchera sur le développement d’un ordinateur quantique universel avec l’objectif de passer à l’échelle industrielle. Grâce à son écosystème, la « France pourrait devenir le premier état à disposer d’un prototype complet d’ordinateur quantique généraliste », a affirmé le président.
Les promesses des capteurs quantiques
Dans le domaine du développement des capteurs quantiques, le président a annoncé un financement de 250 millions d’euros. Ces capteurs du futur, « impératifs pour notre souveraineté », vont transformer profondément les domaines de la captation d’informations dans l’environnement. Ils reposent sur l’extraordinaire sensibilité des états quantiques aux variations environnantes, qu’il s’agisse d’attraction gravitationnelle ou de champs électromagnétiques. De nombreux scientifiques pensent que le quantique connaîtra ses premiers véritables succès commerciaux dans le domaine de la détection.
Les domaines de la cryptographie post-quantique et de la sécurité des communications quantiques, « qui font partie de la sécurité nationale », a précisé le président, profiteront de financements propres. La cryptographiepost-quantique bénéficiera d’un budget de recherche et développement de 150 millions d’euros et permettra de sécuriser les communications avec des protocoles résistants à la puissance de calcul des ordinateurs quantiques.
Un second volet pour former le capital humain
Les communications quantiques bénéficieront, quant à elles, d’un financement de 325 millions d’euros. Il s’agira de développer des communications basées sur la maîtrise des états intriqués, cette capacité des particules élémentaires à se « communiquer » instantanément des états à distance. Deux réseau expérimentaux de fibre seront construits pour l’occasion, l’un dans la région de Nice et l’autre en Île-de-France. Ils serviront à développer « les composants et les équipements qui permettront le transport fidèle de l’information quantique à température ambiante ». Enfin, les « technologies habilitantes » ou facilitant le déploiement du quantique comme la cryogénie seront dotées d’une enveloppe de 300 millions d’euros.
Le second volet du programme quantique agira sur la richesse du capital humain en travaillant sur l’attrait de la France et des métiers de la recherche, à travers le recrutement et la formation aussi bien pour la recherche fondamentale que pour l’industrie. Le président entend donner un grand coup d’accélérateur aux formations en physique quantique, de la licence au doctorat. « Nous allons continuer à investir dans les formations en insistant sur l’interdisciplinarité et en créant de nouvelles formations », a-t-il affirmé. L’État financera ainsi 100 bourses de thèses, 50 postes de chercheurs post doctorat et 10 bourses jeunes talents en plus par an, pendant au moins les cinq années à venir. L’état consacrera aussi 150 millions d’euros par an à des programmes prioritaires de recherche, qui sont destinés à rattraper le retard pris.
L’horizon prometteur de l’informatique quantique n’est pas si lointain que ça et la France avait bien besoin d’un programme ambitieux. Elle a une longue tradition de programmes dont le président a rappelé l’importance et le rôle joué dans l’économie et l’autonomie de la France, citant l’énergie tirée du nucléaire, l’aéronautique et l’espace comme exemples.