La guerre commerciale sino-américaine, la pandémie de Covid-19, l’invasion de l’Ukraine et les sanctions infligées par la communauté internationale à la Russie transforment en profondeur les chaînes d’approvisionnement mondiales depuis quelques années. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité d’événements imprévisibles devient un problème chronique, nécessitant de mettre en place de nouvelles pratiques et process dans les entreprises.
Les chaînes d’approvisionnement, sujettes à une instabilité chronique
Intimement liées aux conjonctures économiques, financières, réglementaires ou encore aux enjeux climatiques ou géopolitiques, les chaînes d’approvisionnement sont sujettes à de nombreux risques. Mais depuis quelques années, elles doivent faire face à une instabilité croissante dont les impacts s’amplifient, mettant de fait les entreprises au pied du mur. Ainsi, à peine la situation pandémique est-elle partiellement« normalisée » que l’invasion de l’Ukraine, accompagnée des sanctions occidentales visant la Russie, plonge de nouveau les chaînes d’approvisionnement et les entreprises dans la tourmente. Flambée des coûts de l’énergie, importantes pénuries, augmentation de l’inflation… autant d’indices qui mettent en péril la survie même de certaines entreprises. La fréquence de ces crises, leur ampleur et leur impact à très court terme mettent à mal les chaines d’approvisionnement interconnectées et interdépendantes.
Les entreprises en temps de crise : adaptabilité et prévision
Deux points clés sont mis en évidence par les perturbations récentes. Premièrement, les limites des modèles de supplychain et leur nécessaire optimisation ont été particulièrement pointées du doigt par la pandémie du Covid. Enfin, la notion d’urgence avec la guerre en Ukraine ; les prises de décision en matière de sourcing, d’approvisionnement doivent être très rapides face à l’inflation des coûts de l’énergie et à la pénurie de certains composants et matières.
Dans ce nouveau monde, la réactivité des entreprises se doit d’être immédiate. Se doter d’outils de pilotage des risques mais aussi disposer de dispositifs opérationnels associé à une vision 360° de sa chaîne d’approvisionnement est devenu indispensable. En effet, mesurer l’exposition au risque de ses fournisseurs de rang 1 n’est plus suffisant. Pour s’assurer d’une décision éclairée, il est aujourd’hui important d’opérer une analyse sur l’ensemble de l’écosystème et non plus d’un fournisseur isolé.
Ce changement est également une nécessité au regard des obligations de conformité imposées par la loi Sapin 2 et appelées à se renforcer dans les prochains mois par le biais de plusieurs directives européennes (« Corporate, Sustainability, Reporting Directive » – CSRD notamment).Les entreprises doivent faire preuve d’agilité et opérer à un arbitrage rapide mais complexe sur la nécessité de changer de fournisseur.
Par ailleurs, cette approche est vivement conseillée par le Fond Monétaire International (FMI) dans un chapitre de ses perspectives économiques mondiales (WEO) en date du 12 avril 2022. En réponse aux récentes situations de crises, le FMI préconise une plus grande diversité d’approvisionnement, un panel de fournisseurs toujours plus large, comme une condition absolue pour l’absorption des chocs conjoncturels par les entreprises. C’est enfin un élément indispensable pour protéger la réputation des entreprises au regard des sanctions internationales actuelles.
Comment une entreprise dont l’actionnariat est multi-pays peut-elle s’assurer que l’un de ses fournisseurs ne fait pas l’objet de sanctions de la part de l’un de ses pays actionnaires (Etats-Unis, Europe…) ? Les fournisseurs majeurs étant parfois actionnaires de multiples sous-sociétés (sur différents continents) ; ceci implique une vigilance accrue.
De nouvelles pratiques, gages d’un avantage concurrentiel
Les entreprises se trouve alors dans la nécessité d’apporter une réponse urgente et globale dans un temps « court ». La digitalisation accompagne, provoque même, cet état de fait. Elle permet un accès à l’information au quotidien, si ce n’est en temps réel.
Le temps de réaction, l’arbitrage interne et externe deviennent donc, au-delà d’un avantage concurrentiel, une question de survie pour les entreprises. Si aujourd’hui le sujet sur toutes les lèvres est l’inflation, demain sera constitué d’autres crises. En ce sens, les entreprises doivent se préparer à prendre des décisions collectives complexes alimentées par des données qualitatives internes et collectées à l’extérieur. En maîtrisant l’ensemble de ces volets, elles auront ainsi la capacité de réagir activement et assurer, dans les meilleures conditions, la pérennité de leurs engagements clients et citoyens.
Par Franck Lheureux, Chief Revenue Officer chez Ivalua, et Leïla Fahas-Morand, cofondatrice et Managing Partner chez Bengs