Lorsque la crise sanitaire a contraint une majeure partie de la population à travailler, étudier et échanger à distance du jour au lendemain, la demande de produits technologiques a naturellement explosé. Le monde entier s’est retrouvé plus que jamais dépendant de la technologie pour rester connecté.
Même dans ses prévisions les plus improbables, aucune entreprise n’était préparée à cette forte hausse de la demande, accélérée par la nécessaire transformation numérique des entreprises et des foyers, notamment par l’adoption massive du télétravail/école à distance. Si elle représente une opportunité pour certains secteurs, cette forte demande s’accompagne également de nouveaux défis. Les perturbations qui ont suivi la pandémie, y compris les retards de transport, associées à des événements imprévisibles, comme des catastrophes naturelles, et ou des tensions géopolitiques, ont transformé la pénurie de composants en une crise mondiale avec de fortes augmentations de prix et des délais de livraison prolongés.
Un marché sous tension
La forte tension qui règne sur le marché des composants et des matières premières n’est pas nouvelle. La baisse des capacités de production empêche de répondre à la forte demande de certains secteurs, comme l'automobile, l'électronique grand public et les infrastructures de communication industrielles. En pleine pandémie, les gouvernements ont logiquement donné la priorité à la distribution de composants à l'industrie de la santé et aux opérations de sauvetage, affectant davantage l'industrie des communications et des réseaux. Aucun retour à la normale n’est prévu avant longtemps : 2022 commence comme 2021 s'est terminée, et la situation ne devrait pas se rétablir avant 2023.
Pour maintenir les niveaux de production, les entreprises doivent se concentrer sur la continuité et la résilience, avant de penser aux coûts.
Court-circuiter la capacité de production
Au sein de l'écosystème de l'approvisionnement électronique, différents enjeux interviennent. D’une part, il existe très peu de fabricants pour répondre aux besoins croissants du monde en matière de puces électroniques. Même avant la crise, ils étaient déjà au maximum de leurs capacités de production. D’autre part, certaines technologies sont vieillissantes ou obsolètes. Or leur renouvellement ne sera pas assuré si les quelques rares fabricants décident de concentrer leurs activités pour répondre aux demandes de composants pour des technologies plus récentes ou plus rentables. Cela pose un problème majeur d’allocation de la ressource en semi-conducteur.
Lorsque les fournisseurs n'ont pas la capacité de répondre à toutes les commandes, ils sont libres de choisir leur marché. Cette décision peut favoriser les grands comptes tout en portant préjudice aux petites et moyennes entreprises incapables de s'engager sur des volumes minimaux de commandes. Les entreprises qui ont établi des relations solides avec leurs fournisseurs ont ainsi de meilleures chances de pérenniser leur activité.
Multiplier les approvisionnements en parallèle
Afin de limiter les déconvenues, une solution est de diversifier les sources d’approvisionnements (double ou triple) pour ne pas dépendre d'un seul fournisseur, en gardant à l'esprit que la conception du produit sera éventuellement adaptée aux composants qui varient d'un fournisseur à l'autre. Par exemple, ils peuvent avoir des propriétés ou des formes différentes, ce qui peut nécessiter un peu de R&D pour les intégrer avec succès.
Cela dit, le double approvisionnement est beaucoup plus facile pour les grandes entreprises en raison des enjeux financiers. En analysant la chaîne d'approvisionnement, et en identifiant ce qui peut faire l'objet d'un double approvisionnement, les entreprises seront mieux préparées pour gérer les problèmes de livraison.
Une nouvelle échelle de risque
Dans un contexte volatil et incertain, les risques ne sont plus les mêmes. Il est recommandé de réévaluer les risques de la chaîne logistique. En diversifiant les fournisseurs et leur localisation, la production a moins de risques d'être interrompue. La souplesse de basculer d'un fournisseur à l'autre en fonction des situations sera un avantage considérable.
Au-delà des fournisseurs Tier-1, il faut également considérer que des problèmes peuvent aussi se poser auprès de leurs fournisseurs (Tier-2 et 3), que ce soit au niveau de l’approvisionnement, du stockage ou du transport.
Une chaîne logistique cartographiée dans son ensemble permettra d’anticiper les risques potentiels et penser des plans de prévention adéquats. Cet audit peut sembler coûteux, mais la possibilité de trouver du matériel sur un marché tendu sera certainement salvatrice.
Numérisez !
Si la pénurie de composants électroniques est directement liée à la numérisation galopante de l’économie, la digitalisation de la chaîne logistique aide en revanche à déceler et comprendre les contraintes éventuelles pour réagir plus rapidement. Le traitement des données favorise la transparence avec les fournisseurs, permet de mieux anticiper les prévisions et la disponibilité des ressources. Enfin, elle améliore la collaboration inter-entreprises.
En plus des difficultés rencontrées pour commander des composants électroniques, le transport pose un autre problème qui affecte l'approvisionnement et contribue au rallongement des délais. La capacité de fret aérien est sous pression, alors que la pandémie et la congestion portuaire continuent de perturber la capacité de fret maritime. L'augmentation des prix du transport par conteneurs aggrave encore les retards, la flambée des prix et les pénuries d'équipements au premier trimestre 2022.
La question des composants électroniques ne sera pas résolue avant longtemps. Cependant, les entreprises peuvent mettre en place certaines mesures pour se préparer aux futurs problèmes d'approvisionnement. La pandémie a bouleversé notre façon de vivre et de travailler, renforçant notre dépendance toujours croissante à l'égard de la technologie.
Par Rasheed Mohamad, Vice-Président Exécutif des opérations mondiales - Business Technology and Quality chez Alcatel-Lucent Enterprise