Une enquête de l’Association pour la Sécurité des SI de santé (Apssis) pointe sans concessions toutes les contraintes qui font qu’aujourd’hui, en France et en Europe, seuls
30 % des travailleurs du numérique sont des travailleuses. Sur les postes techniques, elles ne sont plus que 15 %, un chiffre qui reste quasi-inchangé depuis les années 2000. Le paradoxe, d’après le rapport DESI 2020, reste que 57% des diplômés du supérieur sont des femmes mais que seule une sur cinq d’entre elles s’engage dans la filière. « Nous avons des mesures qui ont montré leur faible impact et qui ne remettent pas profondément en cause nos institutions. Ce qui explique pourquoi tant d’efforts et tant d’énergie se traduisent par si peu au niveau des chiffres » affirme Isabelle Collet, autrice du livre « Les oubliées du numérique ».
La pénurie de profils qualifiés pousse les recruteurs à élargir le champ des recherches du côté des femmes. Entre 2019 et 2030, France Stratégie estime qu’il y aura 190 000 postes d’ingénieurs informatiques à pourvoir et les pratiques doivent évoluer pour attirer plus de femmes dans les professions de l’IT.
La réforme du Lycée depuis 2017 a empiré la situation avec des filières mathématique qui attirent moins les filles. Dans les entreprises, le constat est clair « Nous avons un recul de 6 % des femmes dans la tech, elles partent ! Ça veut dire qu’ on ne sait pas […] les
retenir » explique Souad Boutegrabet, fondatrice DesCodeuses, acteur de la reconversion professionnelle dans les quartiers défavorisés.
Les conditions de travail sont aussi en cause dans l’enquête, avec des comportements sexistes qui s’ajoutent aux écarts de salaires et de promotion.
Il n’y a pas de fatalité à la pénurie de femmes dans l’écosystème numérique
La situation n’a pas toujours été d’aujourd’hui. Dans les années 80, des femmes éduquées sont arrivées massivement sur le marché du travail en cherchant des emplois plus gratifiants. Beaucoup se tournées vers les métiers de l’informatique, alors peu valorisés. Quand les métiers du numérique se sont développés, les hommes sont arrivés en nombre dans le secteur, réduisant la part de femmes.Côté formation, l’exemple de l’école 42, dirigée par Sophie Viger, peut être un modèle à suivre. Lors de son arrivée, il n’y avait que 14 % de femmes, avec des équipes principalement masculines. Depuis, des femmes ont été recrutées ou promues aux postes à responsabilités et 50 % des places de présélection des élèves sont réservés aux femmes. De son côté, Florence Chabannois, responsable technique de Scaleway, a engagé un programme de repérage, recrutement et de sécurisation de l’environnement de travail.
L’enquête de l’APSSIS trace trois axes pour améliorer la place des femmes dans l’IT. D’une part, leur donner envie de rejoindre une entreprise. Ensuite, de savoir les repérer et les recruter. Enfin, créer des environnements de travail sécurisants et valorisants pour les salariées.
L’objectif de ces mesures est net mais la mise en place de ce programme ambitieux sera longue et difficile.