France Digitale et le cabinet Wavestone publient une étude sur les dangers du quantique en matière de cybersécurité. Principal enjeu : la souveraineté technologique de l’Europe.
Rendez-vous phare pour les acteurs de ce secteur, « France is AI » a rassemblé le 16 novembre les leaders d'opinion, personnalités politiques, chercheurs, CTO, startups et élite universitaire française, pour une journée de tables rondes et de networking.
Lors de ce rendez-vous, France Digitale et le cabinet Wavestone ont dévoilé leur étude traitant des risques et opportunités que représente l’informatique quantique en matière de cybersécurité, une thématique en pleine évolution et incontournable dans cette course à l’innovation.
La question est particulièrement d'actualité suite au report de l'annonce tant attendue de la stratégie quantique française sur quatre ans. En effet, Cédric O, secrétaire d'État chargé de la Transition numérique et des Communication électroniques, qui a clôturé France is AI cette année, devait révéler ce plan lors de Quantum Computing Business, le 4 novembre dernier.
Les enjeux sécuritaires pour la souveraineté des États et la protection des données nationales et citoyennes sont pressants. Les experts estiment que les ordinateurs quantiques seront opérationnels entre 2025 et 2040, et auront la capacité de déchiffrer en 8 heures une communication cryptée présente ou passée, alors qu'un superordinateur actuel mettrait l'âge de l'univers pour casser l'algorithme.
Alors que les cyberattaques en France en 2020 ont doublé par rapport à 2019, les États sont de plus en plus concernés par leur souveraineté digitale. L’Europe lance un plan de souveraineté digitale, le « Digital Europe Programme », pour 2021-2027, la « China cybersecurity law » adoptée en 2017, se renforce chaque année, et les États-Unis se protègent de plus en plus des applications mobiles et des technologies de l’information et de la communication chinoise.
Sur ce fond de tensions, les États se préparent d'ores et déjà à ce qui s’apparente être l’internet et l’ordinateur du futur, l’informatique quantique. Déjà 10 États se sont dotés d'un plan national ambitieux.
- La Chine a déjà plus de 10 milliards de dollars dans un centre de recherche de 37 hectares.
- Les États-Unis ont investi plus de 2 milliards de dollars sur 5 ans.
- L’Allemagne a ajouté 2 milliards de dollars aux 650 millions du plan d’investissements sur 5 ans de 2018.
- Le Japon consacre un peu plus de 270 millions de dollars sur son plan de recherche de 10 ans.
Ces derniers sont d’ailleurs sur le point de se doter du premier ordinateur quantique mondial. Ces ambitions nationales sont soutenues par des entreprises et startups innovantes, or ces dernières se trouvent principalement outre-Atlantique et hors d’Europe.
- L’Amérique du Nord comptabilise un total de 74 startups.
- 27 startups se trouvent rien qu’au Royaume-Uni
- La France arrive en 5e position avec ses 13 startups spécialisées dans le quantique.
L’Europe dispose de multiples atouts en matière de recherche, elle n’a même rien à envier aux Chinois ou aux Américains. Cependant, l’Europe est divisée, il lui faut donc une stratégie commune, portée par une organisation rassemblant les acteurs européens du quantique (startups, chercheurs, industries) : une organisation européenne de recherche quantique.
L’informatique quantique est une discipline avant tout transdisciplinaire, mêlant communication quantique, chimie quantique, simulation quantique, algorithme quantique, machine learning quantique.
« Si la menace de l’ordinateur quantique n’est pas immédiate, les données que nous échangeons de façon sécurisée au travers d’internet pourraient être capturées dès aujourd’hui pour un déchiffrement ultérieur. Pour éviter (qu’elles) puissent être exploitées, il est nécessaire de migrer vers des algorithmes de chiffrement post-quantiques suffisamment tôt, avant même la possibilité pour un ordinateur quantique de les casser » », préviennent les auteurs de ce rapport.
Cette étude tient aussi à relativiser la menace que représente ce type d’ordinateur, car les cyberattaques récentes « exploitent des faiblesses humaines, organisationnelles, logicielles ou protocolaires ». Ce sont donc ces faiblesses qu’il faut traiter en priorité.
En parallèle de la menace que peut représenter cette machine quantique, les technologies quantiques (QKD, QRNG) au sens large présentent une opportunité à moyen terme de renforcer la sécurité des communications.
« À l’heure où l’Europe négocie son budget pour 2021/2027 et établit pour priorité de relance la souveraineté technologique, elle doit tirer les enseignements des autres courses technologiques pour lesquelles elle n’a pas su se placer en tête », insistent les auteurs de cette étude.