La réponse des entreprises au confinement a été de mettre rapidement et massivement leurs collaborateurs en télétravail. Les implications de cette réponse ont été sous-estimées : ce changement à lui seul devrait modifier le lieu de travail, la main-d’œuvre et la nature du travail lui-même.
Nous pensions que l’évolution des pratiques en entreprise suivrait son cours cahotant avec quelques soubresauts et coups de pouce par-ci par-là. Selon le consensus généralement admis alors, l’avenir du travail serait façonné par deux facteurs : l’adoption croissante de l’intelligence artificielle et des outils numériques, et la mobilité, avec le télétravail comme mode de travail alternatif, mais à doses homéopathiques. Las, les prévisions les plus rassurantes ont été pulvérisées par les circonstances exceptionnelles qui ont précipité les décisions des entreprises et fait évoluer les mentalités. L’accélération a été radicale, généralisée et sans états d’âme, un véritable saut quantique.
Elle a donné à la virtualité sous toutes ses formes une réalité, que les entreprises, même les plus réticentes, acceptent et même souhaitent. De l’espace de travail virtualisé, aux réunions virtualisées, et bientôt aux équipes virtualisées, les concepts basés sur la présence physique ont volé en éclat. « La priorité des organisations a été la réponse à la crise. Aujourd’hui, alors que les organisations commencent à sortir de cette phase de réponse, les dirigeants se concentrent sur la prochaine série de défis à relever en matière de main-d’œuvre pour planifier la reprise », expliquait Deloitte dans un rapport intitulé Workforce strategies for post Covid-19 recovery.
Organiser l’ubiquité des employés et des équipes
Bien entendu, la virtualisation de l’espace de travail, en somme l’ubiquité des employés et des équipes, occupe tout un chapitre dans ce rapport. Tout comme dans celui de Cisco, intitulé A new perspective on the modern workplace, qui constate : « Le débat sur la transformation du lieu de travail a évolué de manière spectaculaire au cours du premier semestre 2020. Beaucoup ont commencé l’année avec des plans à moyen et long terme visant à exploiter les progrès technologiques et les meilleures pratiques pour créer des environnements de travail modernes et flexibles de manière mesurée et rythmée. En quelques jours, ils ont été contraints de mettre en œuvre rapidement et à grande échelle le travail à domicile comme impératif découlant de la pandémie Covid-19 ».
Dans cette étude, menée entre mai et juin 2020, 62 % des répondants estiment qu’il y aura plus de choix concernant le télétravail et la flexibilité. Ils sont 38 % à anticiper la création d’équipes virtuelles travaillant sur différents sites
ou départements, des équipes agiles qui se forment autour d’activités ou de projets spécifiques.
La mécanisation de l’économie qui repose sur la présence d’une multitude de petites mains, et initiée par la révolution industrielle, serait-elle arrivée à son terme ? Serions-nous en train de pénétrer, contraints et forcés par un minuscule germe, dans l’ère de la virtualisation, celle de l’espace de travail et des équipes ?