La vielle dame britannique, icône historique des médias, a réussi sa transformation, sans DSI, en continuant de miser sur le contenu, mais sans rien sacrifier à la qualité.
Les plénières du Forum de l'Entreprise Numérique ont été marquées par le retour d'expérience de la BBC, représentée par Catherine Smadja-Froguel, Head of Special Projects, Policy and Strategy de la radio-télévision britannique.
Posons tout d'abord la problématique : la BBC, radio et télévision nationale britannique, a été comme tous les médias de première génération exposée à la vague du numérique. Mais pas seulement, car elle affronte sur son marché régional une concurrence féroce, et politique, celle du groupe (australien) News Corp de Rupert Murdoch. Comme ses pairs, si elle se doit de prendre le virage du numérique, elle se heurte à son historique qui sépare les médias (radio, télévision, web, chacun avec ses propres équipes), sa culture, et le vieillissement de ses hommes.
La décision est prise de se transformer, tout en conservant ses acquis, sa culture reconnue de la qualité, et ses médias traditionnels. Car il ne faut pas oublier qu'en 2020 une partie de son audience, soit 7 millions de britanniques, ne seront toujours pas connectés, mais un média public en partie financé par les citoyens se doit de continier de les satisfaire ! La démarche est douloureuse mais acceptée, car la vieille dame joue sa survie. Cinq ans après, l'objectif est atteint. Les budgets opérationnels ont été réduits de 25 %, et ils sont à 7 % de charges, de quoi faire pâlir les gestionnaires de Radio France et de France Télévision.
L'échec précède la transformation
« Nous nous sommes posées les questions quoi utiliser et quoi mutualiser ? », explique Catherine Smadja-Froguel. Pourtant au départ l'échec est au rendez-vous, en partie par des retards et des problèmes volontairement cachés. « Nous avons appris qu'agile ne veut pas dire faire n'importe quoi ! ». De même, si la BBC avait une vision, elle n'a au départ pas souhaité travailler avec le marché, prenant seule le virage du numérique. Mais… « Une transformation numérique ne se gère pas tout seul ».
La transformation digitale de la BBC aura reposé sur quatre axes :
- Le tout-en-un
Les médias ont été rapprochés. Pourquoi une équipe de chaque division couvrirait-elle les mêmes évènements ?
- La standardisation
Les outils numériques sont standardisés.
- Une organisation repensée
Avec pragmatisme, la BBC a adopté une réflexion sur l'humain, revalorisé dans sa démarche. « On ne peut pas compter uniquement sur les algorithmes ».
- La fin des métiers
Les métiers de la BBC évoluent, voire changent. Humainement, cela se traduit par la fin du métier 'à vie' et une évolution sensible du cycle de vie des métiers, avec la nécessité de s'adapter aux attentes de l'auditorat. Les recrutements ont été maintenus, « Nous aurons toujours besoin de gens qui ont des idées, et sont à même de comprendre les besoins des clients ». De même, la BBC mise désormais sur la formation évolutive de ses équipes, pour anticiper la réponse à ses besoins.
Pas de DSI à la BBC
La BBC ne dispose pas d'un DSI ! La transformation s'appuyant sur l'unification de ses architectures, cette mission revient à un architecte en chef (Chief Architect), garant de l'intégrité et de la transversalité du système d'information, des services et de la gouvernance, à qui revient la décision finale.
Etonnamment, le bilan humain a trouvé son équilibre : si avec le 'tout-en-un' 1.100 journalistes ont quitté la rédaction, le numérique a entrainé le recrutement de plus de 800 personnes au profil de développeurs logiciels.
Continuer d'investir
Une des réflexions liée à la transformation digitale de la BBC a porté sur l'investissement. Si les budgets de fonctionnement ont été réduits de 25 %, nous l'avons évoqué, la conclusion des réflexions a été qu'il faut continuer d'investir. C'est ainsi que la moitié des gains de productions sont réinvestis.
Mais le principal objectif est demeuré de conserver la force de la marque et de son audience. Cela se traduit par la priorité donnée au contenu, à la connaissance, et à la marque. « Ce qui marche toujours, c'est la qualité », conclut Catherine Smadja-Froguel.