La singularité, c’est ce moment où la machine intelligente dépassera l’intelligence humaine. Selon notre état d’esprit, ce moment est proche, ou alors il est éloigné. Une autre façon de présenter la singularité, c’est de se demander si l’Intelligence Artificielle va mettre fin à l’homme, ou simplement résoudre tous ses problèmes. Si l’on veut aller jusqu’au bout de cette vision, on peut également se demander si la fin des problèmes humains ne sera pas atteinte lorsque l’homme disparaitra de l’équation !
Pour le moment, les regards se tournent moins sur l’IA que vers les robots. Pour l’économiste Richard Freeman, les robots peuvent aujourd’hui se substituer aux travailleurs, même les plus qualifiés. Un point de vue auquel adhèrent Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, professeurs au MIT, qui suggèrent que, comme les ordinateurs deviennent plus puissants, les entreprises ont moins besoin de certains types de travailleurs.
L’automatisation, l’axe principal de la robotisation, offre de nombreux avantages : elle réduit le facteur humain, accélère la production et la sécurité, réduit les coûts (sauf dans les pays à très bas salaire), elle éloigne du offshoring et rend les pays aux revenus les plus élevés plus autonomes. Mais quels décideurs se préoccupent de l’impact de l’automatisation ?
Il est un phénomène qui touche plus fortement notre domaine IT, car il invite à accélérer l’automatisation : les compétences technologiques. C’est un paradoxe, les compétences rendent les travailleurs aptes au travail, mais le défi est qu’au moment où la demande de nouvelles compétences augmente, les systèmes de formation et d’éducation se font lents à changer et à s’adapter à ces demandes nouvelles. Le gouffre entre l’offre et la demande ne cesse de se creuser, au rythme de l’écart qui se creuse entre l’éducation et les compétences recherchées sur les technologies !
Il y deux façons de répondre à ce défi. La première consiste à miser sur ce que nos amis anglo-saxons nomment STEM, à savoir les compétences en « science, technology, engineering, and mathematics », auxquelles nous ajouterons le codage pour les développements, qui théoriquement doivent permettre de travailler avec les technologies. C’est certes vrai, mais cette vision ne fait qu’élever la discussion vers des niveaux technologiques qui restent réservés à une ‘élite’, et encore une fois elle se prête au déploiement de l’IA.
La seconde réponse repose sur une approche des vulnérabilités non plus technologiques, mais humaines et comportementales. Car il est des domaines où la machine ne pourra pas, et pour longtemps encore espérons-le, se mesurer à l’homme : les compétences sociales et la créativité, ainsi que la perception et la manipulation de la complexité. En fait, il s’agit bien ici des compétences cognitives. L’idée derrière cette vision est de protéger l’homme de l’automatisation en l’aidant à développer le rendement de ses compétences cognitives en particulier non courantes.
Figurent parmi ces compétences l’analyse critique pour aider à résoudre les problèmes ; les compétences d’apprentissage pour l’acquisition de nouvelles compétences ; les compétences de communication, comme la lecture et l’écriture ; les compétences personnelles pour l’autogestion et la gestion des risques ; les compétences sociales pour la collaboration, le travail en équipe, la gestion, le leadership, ou encore la résolution des conflits.
Vous en conviendrez avec moi, en matière de technologies et de numérique les modèles éducatifs et de formation classiques sont loin d’être efficaces, voire même d’être capables de répondre à nos attentes, à celles de nos organisations et des marchés. Il est pourtant vital pour nous et pour les générations qui nous suivent de nous préparer au futur du monde et de revoir les objectifs de l’apprentissage afin de nous assurer que nous, nos enfants et leurs enfants ne resteront pas sur le bord de la route, éventuellement remplacés par les robots.
Nous ne nous lancerons pas dans le débat de la réforme de l’éducation et de la formation professionnelle. Ce qui ne nous empêchera pas de rappeler l’importance de la culture, du développement de la petite enfance, de la responsabilité et de l’autonomie, sans oublier le rôle essentiel des enseignants dans l’apport de valeur aux processus d’apprentissage. C’est dans ces conditions que la transformation digitale, l’IA et les robots profiteront à l’homme, et non le contraire, n’en déplaise à ceux qui entendent porter l’automatisation au-delà des intérêts de l’humanité.
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