Après la frénésie survivaliste de 2020, la dynamique de la transformation numérique génère des interrogations quant à ses inconvénients pour les entreprises. L’une des questions qui taraudent les spécialistes consiste à se demander si les entreprises peuvent soutenir un tel rythme et comment celui-ci peut être maintenu.
Après le skill gap, l’acceleration gap est la nouvelle afflictionnée de la transformation numérique accélérée pendant la pandémie. Les organisations du monde entier se trouvent à un moment crucial de leur transformation numérique. Après avoir recalibré leurs stratégies à la suite du déclenchement de la pandémie, nombre d’entre elles adoptent désormais une approche plus réfléchie du changement, qu’il s’agit d’accélérer ou de ralentir.
Alors que les exigences d’un environnement commercial, social, économique, réglementaire (…) sont en mutation et continuent d’évoluer, la culture, la technologie, les structures, les processus et même la psychologie (acceptation du changement et modifications des modes de travail et des processus) ont du mal à suivre le même rythme dans les entreprises. « Un fossé s’est creusé entre le rythme du changement induit par de nouvelles opportunités et la capacité d’une organisation à en tirer parti. Le combler sera impératif pour la survie de l’entreprise », estime Workday dans un rapport d’étude intitulé Closing the Acceleration Gap : TowardSustainable Digital Transformation.
L’enquête, menée auprès de 1 150 cadres supérieurs et des entretiens qualitatifs approfondis avec dix dirigeants et experts en transformation, démontre que les entreprises s’attendent à un ralentissement du rythme de la transformation : 58 % des chefs d’entreprise déclarent que la transformation numérique a déjà ralenti par rapport au rythme frénétique de 2020, ou qu’ils s’attendent à ce qu’elle ralentisse à l’avenir. Ceci, même si l’entreprise n’a pas atteint tous ses objectifs de transformation, car 52 % des répondants affirment qu’il y a un écart croissant entre la situation de leur entreprise et ce qu’elle doit être pour être compétitive.
Désillusion ou ambitions numériques raisonnées ?
Est-ce l’âge de raison ou une désillusion par rapport aux promesses de la transformation ? L’étude opte plutôt pour la première hypothèse, car, selon ses conclusions, les entreprises ont beaucoup appris au cours des deux dernières années. De fait, elles adoptent une attitude plus « raisonnable » quant aux retours attendus de la transformation numérique qu’il y a un an ou deux. En 2020, plus d’un tiers des entreprises (36 %) attendaient du numérique qu’il représente 75 % ou plus de leurs revenus dans les 3 ans. En 2021, seulement 13 % des organisations ont répondu la même chose. Un chiffre qui s’aligne sur les aspirations numériques prépandémiques (12 % en 2019).
Une des conséquences de cette évolution des mentalités montre que les entreprises adoptent une approche plus raisonnée, au lieu de l’esprit d’expérimentation — certes forcé — qui a été constaté pendant la pandémie. L’étude démontre que 77 % des décideurs étaient prêts à expérimenter en 2020.Il est vrai que lorsque la survie de l’entreprise, ou du moins la continuité de son activité sont en jeu, le bon sens commande une prise de risque plus aventureuse. En 2021, ils ne sont plus que 53 % à être dans un état d’esprit « fail fast », soit une baisse de 14 % en un an.
Certains ont déjà ralenti leur rythme de transformation
La culture de l’expérimentation qui s’est accélérée pendant la pandémie semble donc avoir perdu de son élan. Tant et si bien que les dirigeants commencent à se demander si le rythme des changements pendant la pandémie est viable à long terme. Près de 6 dirigeants sur 10 (58 %) déclarent que leur transformation numérique a déjà ralenti ou qu’ils s’attendent à ce qu’elle ralentisse à l’avenir. Cela veut-il dire que le marché de la transformation va inexorablement ralentir ? Ce n’est pas si sûr, car les facteurs qui stimulent la demande en technologies transformatrices n’ont pas cessé d’exister. Affirmer qu’il y a ralentissement global du marché « équivaudrait à ignorer les besoins des entreprises », estime l’étude.
Des besoins qui ne montrent aucun signe d’affaiblissement en termes de portée ou de complexité, ce qui explique pourquoi, malgré des attentes plus raisonnables, les dirigeants mesurent avec lucidité le fossé qui les sépare d’une situation idéale. Plus de la moitié des dirigeants (52 %) affirme qu’il existe un fossé grandissant entre la situation actuelle de leur entreprise et celle qu’elle doit atteindre pour être compétitive. En somme, le chemin est encore long.
Pour combler ce fossé ou du moins l’empêcher de se creuser davantage, les décideurs parient sur deux facteurs qu’ils considèrent comme transformateurs : adopter une approche proactive de la collecte et de l’analyse des données et adapter ou transformer leur culture d’entreprise.« La transformation numérique n’est plus un choix, commente Pete Schlampp, chief strategy officer chez Workday. Elle est essentielle pour garder le rythme dans un monde qui change. Pourtant, comme le démontre l’étude, l’accélération n’est pas similaire pour tous, et les entreprises doivent combler l’écart pour s’assurer que leurs parcours digitaux suivent l’évolution des demandes croissantes et changeantes du business ».