Le datacenter moderne est le cœur battant du système économique mondial et les données n’ont jamais été aussi nombreuses ni aussi importantes. Sa consommation énergétique est un point essentiel pour l’inscrire dans un monde durable, mais les prochaines générations de datacenters devront prendre en compte bien plus de facteurs pour satisfaire les nouvelles exigences.

La manière dont les nouveaux centres de données sont conçus et construits évolue, notamment en raison de la prise de conscience croissante de l'impact de l'infrastructure numérique sur le changement climatique sur nos modes de vie. Fort heureusement, l’industrie de l’hébergement de données s'est montrée déterminé à améliorer l'impact social et environnemental de ses activités au cours des dernières années. Les opérateurs ont pris des mesures en faveur de l'efficacité énergétique en installant des processus de refroidissement innovants, en mettant davantage l'accent sur la préservation des ressources naturelles, en s'efforçant de mieux contrôler leurs émissions et en obtenant de l'énergie à partir de sources renouvelables. Alors que la demande de réduction des émissions au sein de nos chaînes d'approvisionnement augmente, nous devons regarder au-delà de la seule question de l'énergie pour que chaque nouvelle installation soit optimisée pour un avenir décarbonisé et interconnecté dès le départ.

La durabilité comme critère de conception

La construction de toute nouvelle installation doit commencer par répondre aux critères définis par un organisme de certification écologique tels que BREEAM ou HQE, afin de s'assurer qu'elle est construite de manière appropriée pour un avenir à zéro émission de carbone et qu'elle offre le PUE (Power Usage Effectiveness) le plus bas possible. L'obtention de la certification est difficile, mais elle garantit que les normes de conception sont à l'épreuve du temps et que toute efficacité supplémentaire pouvant être mise en œuvre est facilement identifiée. Les programmes de certification incluent une vision globale du projet, depuis la sélection du site jusqu'aux opérations quotidiennes, longtemps après la fin de la construction.

Les techniques de construction modernes permettent désormais aux opérateurs de réutiliser les matériaux existants et le contenu recyclable, comme l'acier ou les agrégats des fondations du bâtiment d'origine, afin de réduire les déchets liés à la construction. Il est également essentiel de choisir des matériaux d'origine durable pour toutes les constructions et de les acheter auprès de fournisseurs locaux afin de réduire l'empreinte carbone de l'entreprise. La logistique inversée, qui consiste à charger les véhicules de livraison à l'aller et au retour pour faciliter le recyclage des matériaux d'emballage et réduire les émissions des véhicules, peut également être utilisée de manière efficace. En axant la conception non seulement sur l'efficacité énergétique, mais aussi sur la qualité des matériaux de construction utilisés et sur la gestion des ressources naturelles, il est finalement assez aisé de concevoir une installation en tenant compte de l'environnement au sens large.

La réduction de la consommation d'eau est essentielle pour créer la nouvelle génération de centre de données. Les systèmes en circuit fermé ont permis de réduire considérablement la quantité d'eau douce consommée dans les centres de données en permettant de traiter et de recycler l'eau en permanence à des fins de refroidissement. Connaitre et utiliser les cartographies météorologiques locales aident les opérateurs à surveiller plus attentivement leurs systèmes afin de réduire autant que possible le refroidissement par évaporation, ainsi qu'à récolter l'eau de pluie du vaste toit du centre de données pour la traiter et l'utiliser. Il n'y a désormais plus aucune raison pour que les centres de données modernes aient besoin de s'approvisionner continuellement en eau fraîche comme c'était le cas auparavant, ce qui est d'autant plus important à mesure que la pénurie d'eau devient un problème mondial de plus en plus pressant.

Le contrôle de la température est un autre domaine crucial, d’autant que les centres de données sont aujourd'hui plus souvent maintenus à une température tropicale d'environ
26 degrés, alors qu'ils étaient auparavant dans des conditions proches de celles d'un réfrigérateur. Comme tout opérateur le sait, la gestion de l'air dans les salles de données est un art et un élément essentiel du maintien d'un PUE correct. Le confinement des allées chaudes et froides permet de canaliser et de contrôler la chaleur au sein du centre de données de manière beaucoup plus efficace. Par ailleurs, plus les baies sont denses, plus le refroidissement dans les baies sera efficace par rapport au refroidissement de l'espace autour de chaque serveur.

La montée de l'activisme dans les centres de données  

L'espace étant limité et convoité, en particulier dans les centres-villes, un mouvement commence à se former. Les gouvernements d'Irlande, de Singapour et des Pays-Bas sont parmi ceux qui ont récemment demandé ou imposé des moratoires sur la construction de nouveaux centres de données ou des limites à leur consommation d'énergie, afin de prendre en compte et de répondre à l'impact que la poursuite du développement a sur les communautés locales. En France également, des projets de Digital Realty à La Courneuve (Ile-de France) ou celui d’AWS à Wissou suscitent des revendications de la part des citoyens.

Il est évident que nous sommes devenus dépendants des produits et services numériques instantanés, qui facilitent nos achats, la prise de rendez-vous médicaux et le travail hybride, et que cela ne va faire que continuer. De fait, le besoin d'infrastructures physiques pour permettre ce vaste transfert de données devra également augmenter. Cela ne doit pourtant pas être une raison suffisante pour ne pas rechercher une implantation judicieuse. Le réaménagement de sites existants et de friches industrielles doit ainsi être privilégié et réaliser par des opérateurs capable de gérer le centre de données de manière responsable, de s’assurer que tous les anciens actifs et équipements sont correctement éliminés et que tout impact environnemental est surveillé de manière appropriée. Dans cette approche, le développement de tels centres de données peut avoir un impact positif net en remédiant aux problèmes existants tout en créant de nouveaux emplois.

Bien sûr, il y aura toujours un besoin pour ces installations en centre-ville, mais les opérateurs peuvent prendre l'initiative dès maintenant et réduire leur impact tout en réalisant une utilisation maximale de l'espace qu'ils possèdent.  Les centres de données conçus pour soutenir les technologies à faible latence, telles que les appareils IoT industriels et les véhicules autonomes, sont souvent beaucoup plus petits et ont peu d'impact involontaire sur la communauté locale. Ils peuvent par ailleurs être combinés avec d'autres services, tels que la gestion du cycle de vie des actifs (ALM), offrant ainsi un moyen de remplir l'espace redondant avec un service complémentaire nécessaire.

Mutualiser les infrastructures et les ressources

Les opérateurs peuvent concevoir et construire le centre de données le plus efficace qui soit, il sera de peu d’utilité si les organisations continuent d’utiliser des infrastructures d’anciennes désuètes. Heureusement, les entreprises sont aujourd'hui beaucoup plus sensibilisées au développement durable et ont établi leurs propres objectifs environnementaux, les conduisant à s'assurer qu'elles utilisent les serveurs et les équipements les plus efficientes possible. En collaborant avec les opérateurs, elles peuvent limiter la quantité d'énergie utilisée et maintenir des coûts gérables en mutualisant l’espace avec d’autres clients, tandis que l’opérateur du centre de données pourra surveiller et analyser les paramètres de performance de son installation pour s’assurer qu’elle fonctionne conformément à l'intention de conception. Dans le cas des opérateurs proposant une offre ALM, les entreprises peuvent souvent trouver d'importants avantages en termes de coûts pour les encourager à recycler les anciens équipements ; les remplacements plus écologiques ayant souvent des coûts d'exploitation bien inférieurs grâce à une meilleure efficacité et en étant en partie financés par la revente de technologies plus anciennes.

Au fur et à mesure que la technologie progressera, les centres de données deviendront totalement durables et autosuffisants. Le datacenter du futur sera neutre en carbone et alimenté par toutes sortes de sources d'énergie naturelle, notamment éolienne, solaire, marémotrice ; au lieu de continuer à dépendre du diesel. Des salles de données autodiagnostiquées anticiperont les besoins de maintenance et signaleront la date d'expiration des équipements, ce qui réduira la nécessité d'une ingénierie de maintenance préventive.  Les opérateurs seront en mesure de prédire et de projeter avec précision les besoins en énergie, ce qui permettra aux salles de données d'être conçues en fonction des besoins réels plutôt que d'être surchargées avec des quantités importantes d'énergie inutilisées.

Enfin, les centres de données apporteront beaucoup plus de valeur à leurs communautés locales, par exemple en récupérant les sources de chaleur pour améliorer la résilience du réseau local ou même réduire les coûts locaux de l'électricité. Aujourd'hui, la chaleur latente générée peut être acheminée vers des écoles, des hôpitaux, des bibliothèques, des installations de loisirs et même des fermes verticales, afin de s'assurer que cette ressource précieuse n'est pas gaspillée. La chaleur résiduelle est déjà utilisée de manière intensive dans les réseaux de chauffage urbain en Suède, ce qui laisse penser que le centre de données du futur n'est pas aussi éloigné que nous le pensions.

Par Chris Pennington, directeur de l'énergie et de la durabilité chez Iron Mountain