L’innovation technologique est aujourd’hui un moteur indispensable de la compétitivité et du développement économique. En Europe, la France s’impose comme un acteur clé dans ce domaine, se positionnant au deuxième rang des investissements technologiques, juste derrière le Royaume-Uni et devant l’Allemagne. Une étude récente de l’Office Européen des Brevets (OEB) met en lumière cette dynamique tout en soulignant les défis financiers qui freinent le développement des startups.
L’un des constats majeurs de cette étude est le déficit de financement privé en Europe. Contrairement aux États-Unis, où l’investissement public dans les premières phases est relayé par un fort soutien privé lors de la croissance avancée, l’Europe reste largement dépendante des programmes publics et des investisseurs spécialisés. Il est vrai que le modèle américain est soutenu par des politiques publiques favorables, ainsi qu’un écosystème riche et dynamique. Ceci sans compter les milliards injectés par les particuliers épargnant, via des fonds de pension ou des plans de retraite privés, pour leur retraite.
Le manque de capitaux privés freine les startups européennes
Le manque de capitaux privés limite la capacité des startups européennes à se développer et à atteindre une échelle internationale. António Campinos, président de l’OEB, insiste sur la nécessité de combler ce fossé afin d’éviter que de nombreux entrepreneurs européens cherchent des financements à l’étranger, ralentissant ainsi l’émergence de champions technologiques sur le continent.Dans ce contexte, la France parvient à tirer son épingle du jeu. Entre 2000 et 2023, la France a enregistré 17 169 transactions, représentant un financement total de
82,3 milliards d’euros. Ce positionnement lui permet de figurer parmi les principaux pays européens en matière d’investissements technologiques, derrière le Royaume-Uni et devant l’Allemagne. Ces trois nations totalisent ensemble 75 800 transactions, pour un montant global de 392 milliards d’euros. D’autres pays européens comme les Pays-Bas, la Suisse, la Norvège, la Suède et la Belgique affichent également des niveaux élevés d’investissements liés à des innovations brevetées, avec 24 400 transactions et 88,5 milliards d’euros investis sur la même période.
Bpifrance, le financeur institutionnel
L’un des acteurs majeurs du financement en France est Bpifrance, qui figure parmi les cinq premiers investisseurs technologiques en Europe, aux côtés de l’EIC (Conseil européen de l’innovation), d’Innovate UK, du programme Eurostars pour les PME et de l’EIT (Institut européen d’innovation et de technologie). En France, Bpifrance a réalisé 1 339 transactions, tandis que l’EIC en compte 420, Kima Ventures 387 et Eurazeo 296. Cette forte implication des investisseurs institutionnels témoigne d’un engagement public important en faveur du financement des startups technologiques.L’étude de l’OEB introduit également un indicateur inédit, le Technology Investor Score (TIS), qui mesure le pourcentage d’entreprises d’un portefeuille ayant déposé une demande de brevet. Il en ressort que 88 % des investisseurs européens détiennent des entreprises brevetées, et que 8 % possèdent des portefeuilles où plus de la moitié des entreprises détiennent des brevets. Cet indicateur traduit l’engagement de nombreux investisseurs spécialisés dans des technologies de pointe, souvent concentrés sur des secteurs bien définis. Parmi les structures affichant les meilleurs scores figurent l’Inserm Transfert Initiative en France, Oxford University Innovation au Royaume-Uni et Fraunhofer Venture en Allemagne.
Les financements manquent pour les phases de croissance
Malgré ces points positifs, un problème structurel persiste en Europe : le manque de financements privés pour les phases de croissance avancée des startups. L’étude révèle que 62 % des investisseurs privés européens se concentrent sur la phase initiale de financement, tandis que seulement 22 % soutiennent les entreprises en phase avancée de développement. Cette situation contraste fortement avec les États-Unis, où 98 des 100 principaux investisseurs privés participent activement au financement des startups en croissance avancée. Aux États-Unis, plus de la moitié des investisseurs privés sont spécialisés dans cette étape critique.Pour pallier ces difficultés et faciliter l’accès aux investisseurs, l’OEB a récemment mis à jour son Deep Tech Finder, un outil gratuit permettant aux startups d’identifier les investisseurs les plus adaptés en fonction de plusieurs critères, tels que le type de levée de fonds, le pays ou le domaine technologique. Grâce à cette plateforme, les jeunes entreprises innovantes peuvent mieux cibler leurs partenaires financiers et optimiser leurs chances de croissance. Cet outil référence déjà plus de 10 000 startups européennes ayant déposé des brevets auprès de l’OEB, leur offrant une visibilité accrue auprès
d’investisseurs potentiels.
La France se positionne ainsi comme un acteur incontournable du financement technologique en Europe. Son dynamisme, soutenu par des institutions publiques comme Bpifrance, contribue à faire émerger des innovations de rupture et à encourager la création de startups prometteuses. Toutefois, le manque de financements privés dans les phases avancées de croissance constitue encore un frein majeur au développement des entreprises technologiques européennes. Pour assurer un avenir prospère à l’innovation, il est indispensable de renforcer les synergies entre investisseurs publics et privés et d’attirer davantage de capitaux pour accompagner les startups dans leur passage à l’échelle, estiment les rédacteurs de l’étude.