Le dernier rapport de Capgemini Research Institute consacre l’an 2025 comme une année de rupture pour les directions marketing. L’étude révèle une fonction fragilisée par la complexité de ses outils logiciels et par des attentes internes de plus en plus élevées. Elle décrit également un virage stratégique où l’IA générative et l’IA agentique reconfigurent l’ensemble de la chaîne de valeur du marketing, tout en laissant apparaître des écarts importants entre investissements et productivité réelle.

La fonction marketing subit une pression interne qui s’intensifie alors que sa légitimité demeure discutée dans les comités exécutifs. Selon les résultats du Capgemini Research Institute, les directeurs marketing portent désormais la responsabilité d’un pilotage transversal complexe qui englobe la construction des parcours numériques, l’optimisation de la donnée, la maîtrise des coûts et la coordination entre équipes. Cette extension des responsabilités s’accompagne d’une régression de leur pouvoir réel dans les instances de décision. De nombreuses organisations confient progressivement le pilotage opérationnel au tandem formé par la direction des systèmes d’information et les équipes produit, ce qui fragmente les arbitrages au détriment d’une vision unifiée. Cette tension de gouvernance nourrit un sentiment d’incertitude stratégique, en particulier dans les entreprises où les directions marketing considèrent que la valeur du marketing numérique est encore insuffisamment reconnue.

La complexité croissante des piles logicielles marketing explique en partie cette fragilisation. Une majorité des entreprises interrogées déploient plus de quarante solutions différentes pour gérer la donnée, administrer les campagnes, automatiser les parcours ou produire les contenus. La plupart de ces outils demeurent sous-utilisés, ce qui révèle un décalage structurel entre les ambitions affichées et les capacités réelles de mise en œuvre. Le rapport insiste sur un paradoxe récurrent. Les organisations investissent massivement dans l’IA générative pour produire du contenu, automatiser l’analyse ou accélérer la segmentation, mais elles constatent peu d’avantages mesurables dans la durée. Les applications se multiplient sans que la consolidation du socle de données et la cohérence des flux ne soient véritablement maîtrisées. Cette situation crée une inertie au moment d’industrialiser l’automatisation ou de généraliser les cas d’usage.

L’IA générative revisite la chaîne de contenu

Le rapport montre que l’adoption de l’IA générative a progressé rapidement au sein des directions marketing. Une large majorité des entreprises interrogées déclare l’utiliser pour produire des variantes de contenus, créer des scénarios, automatiser la recherche documentaire ou préparer des propositions de valeur. Cette diffusion rapide s’explique par la facilité de prise en main et par la capacité des outils à générer de grands volumes de contenus spécialisés à faible coût marginal. Pourtant, le Capgemini Research Institute observe un écart important entre les efforts fournis et les bénéfices réels sur la performance commerciale. De nombreuses organisations estiment que la rapidité de production masque une homogénéité croissante des messages. Cette homogénéité réduit l’impact des campagnes et limite la différenciation. Le rapport souligne aussi que la plupart des contenus générés manquent de fiabilité lorsqu’ils mobilisent des données propriétaires ou des connaissances spécifiques au secteur.

La conséquence directe est un ralentissement de l’industrialisation. La plupart des directions marketing ne parviennent pas à généraliser les flux de production ou à intégrer ces outils dans des chaînes de valeur plus structurées. Les équipes éditoriales se concentrent encore sur la vérification, la réécriture ou la contextualisation humaine, ce qui réduit l’impact productif attendu de l’IA générative. Les entreprises interrogées identifient plusieurs obstacles persistants. La qualité insuffisante des données, l’absence de gouvernance éditoriale et la fragmentation des outils limitent fortement la possibilité de bâtir une chaîne unifiée de création, d’orchestration et d’activation des contenus. Cette fragmentation alourdit les coûts d’intégration et crée un environnement où les gains se dispersent au lieu de se cumuler.

L’IA agentique, une transformation progressive du marketing

Le rapport décrit une inflexion nette. Les directions marketing considèrent l’IA agentique comme un levier de transformation plus durable que l’IA générative. Cette dernière s’est développée de manière opportuniste, alors que l’IA agentique repose sur une automatisation orchestrée, disposant d’une logique d’enchaînement des tâches, de prise en compte du contexte et d’intégration avec les systèmes existants. Plusieurs entreprises pilotes utilisent déjà ces agents pour classer des tickets clients, personnaliser des parcours, analyser des signaux faibles ou recommander des actions commerciales. Le Capgemini Research Institute observe toutefois un frein majeur. Le déploiement des agents nécessite un socle robuste de données unifiées et une automatisation préalable des processus. Or la majorité des organisations ne disposent pas encore de cette fondation.

Cette transition agentique redéfinit simultanément la répartition des compétences. Les directions marketing déjà engagées dans cette évolution augmentent leurs recrutements de spécialistes de la donnée, d’experts en orchestration de flux et de responsables de gouvernance. Les profils créatifs restent indispensables, mais ils interviennent désormais dans un environnement où les productions initiales des agents nécessitent un cadrage narratif, graphique et stratégique. Ce glissement renforce l’importance de compétences hybrides combinant savoir-faire marketing et compréhension des modèles d’IA. Pour les entreprises qui investissent dans des plateformes d’agents, les équipes marketing acquièrent progressivement une culture technique qui réduit leur dépendance aux prestataires.

Gouvernance des données, colonne vertébrale du marketing numérique

Un enseignement majeur du rapport établit que la gouvernance des données constitue le premier facteur de performance durable. Une grande part des entreprises interrogées exploite encore une faible proportion de leurs données internes, ce qui les prive d’une compréhension approfondie de leurs clients. L’étude souligne que les investissements dans l’IA agentique ne produisent des résultats tangibles que lorsque les organisations maîtrisent la qualité, la fraîcheur et la cohérence des données. Ce constat s’impose dans tous les secteurs étudiés. Les entreprises agiles unifient progressivement leurs bases clients, harmonisent leurs taxonomies et automatisent la préparation des données en amont. Les auteurs du rapport insistent sur la nécessité de déployer des environnements contrôlés où les agents peuvent travailler sur des données validées et contextualisées. Cette approche réduit les risques de dérives, de biais et d’erreurs opérationnelles.

L’absence de gouvernance claire ralentit la diffusion des agents dans les activités marketing. Les directions marketing interrogées reconnaissent qu’une part importante des données demeure inaccessible ou impropre à l’automatisation. Certaines organisations tentent de contourner cette limite en multipliant les connecteurs point à point, mais cette solution accroît la complexité et fragilise la maintenance. Le rapport recommande une stratégie progressive. Consolidation du socle, clarification des responsabilités, mise en place d’indicateurs de qualité et définition d’un cycle complet allant de la production des données à leur activation. Une fois cette base stabilisée, les agents deviennent capables de gérer des tâches plus stratégiques, comme la qualification dynamique des opportunités ou la priorisation des campagnes.

Directions marketing : une recomposition organisationnelle durable

Le Capgemini Research Institute décrit une recomposition profonde du rôle du directeur marketing. Cette fonction devient un pivot entre la technologie, la donnée, la création et la stratégie d’entreprise. Les auteurs observent que de plus en plus de directions marketing co-pilotent désormais des feuilles de route technologiques, participent à la définition des architectures et interviennent dans les arbitrages budgétaires liés à la donnée. Ce repositionnement s’accompagne d’une demande accrue de transparence sur les indicateurs de performance. Les entreprises étudiées souhaitent une mesure plus précise de l’impact de chaque action marketing, ce qui pousse les équipes à adopter une logique de pilotage plus analytique.

Cette recomposition s’amplifie avec l’émergence des agents. Les organisations les plus avancées réorientent une partie de leurs activités quotidiennes vers des processus automatisés qui couvrent la veille, la segmentation et la recommandation. Le rôle humain se renforce dans l’interprétation, la validation et la décision. Le rapport signale que les directions marketing les plus performantes affirment leur influence stratégique lorsqu’elles démontrent leur capacité à intégrer les outils dans un écosystème cohérent. Elles renforcent ainsi la confiance des directions générales. Cette confiance structure les arbitrages futurs, notamment dans les secteurs où la concurrence impose une personnalisation plus fine et une réduction drastique des délais de mise sur le marché.

Vers un marketing orchestré par des agents spécialisés

L’étude ouvre une perspective qui dépasse largement la production de contenu automatisée. Les entreprises convergent vers des modèles d’orchestration où des agents spécialisés pilotent des segments entiers du cycle marketing, depuis la génération des idées jusqu’à l’activation sur les canaux. Ce modèle repose sur la capacité des agents à interagir avec les systèmes humains, à mobiliser des savoirs internes et à opérer dans des environnements contrôlés. Les premières expérimentations montrent que ces agents améliorent la précision des recommandations et accélèrent la transformation des signaux en actions concrètes.

Cette généralisation reste conditionnée à plusieurs facteurs structurants. La consolidation des piles logicielles, l’unification des modèles de données et la création de référentiels communs occupent une place centrale. Les directions marketing qui réussissent cette transition déploient progressivement des environnements expérimentaux où les équipes testent des agents sur des tâches à faible risque. Les auteurs du rapport observent que les organisations les plus avancées instaurent une collaboration plus étroite avec les directions techniques pour bâtir des cadres sécurisés permettant aux agents de manipuler des données sensibles. Cette approche assure une montée en fiabilité qui rend possible l’automatisation de processus plus complexes.

Au terme de l’analyse, ce rapport du Capgemini Research Institute confirme que l’avenir du marketing repose sur une articulation entre gouvernance, culture de la donnée, automatisation orchestrée et capacité à déployer des agents spécialisés. La trajectoire décrite s’accomplit de manière progressive, mais elle reconfigure profondément les équilibres internes. Les directions marketing capables de structurer leurs données, de simplifier leurs environnements et de renforcer leur lecture analytique obtiendraient un avantage compétitif durable. Leur capacité à orchestrer des agents fiables devient un vecteur de productivité mesurable qui crée un lien plus direct entre la stratégie marketing et la création de valeur.

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