Si l’IA promet de bouleverser durablement les pratiques professionnelles, sa pleine intégration au travail reste un chantier ouvert. Alors que certains métiers en entreprise l’ont adopté sans hésitation, le digital par exemple, pour de nombreux salariés, ses bénéfices concrets tardent encore à se matérialiser dans leur quotidien. À mesure que les technologies évoluent, la clé résidera dans l’accompagnement des collaborateurs, en investissant dans leurs compétences et en répondant à leurs préoccupations. L’IA, loin de se substituer à l’humain, est une assistance, une augmentation, pour relever les défis d’un monde du travail en mutation.
Par conséquent, l’intégration de l’intelligence artificielle, et notamment de l’IA générative, dans divers secteurs suscite à la fois enthousiasme et inquiétudes au sein des actifs dans le monde. L’enquête « People at Work 2024 : l’étude Workforce View » menée par ADP Research, met en lumière les perceptions contrastées des salariés quant à l’impact de l’IA sur leur travail.
En Europe, 18 % des salariés affirment que l’IA n’aura pas d’impact sur leur travail dans les deux ou trois prochaines années, un chiffre qui dépasse plus du double la moyenne mondiale (8 %). La Pologne (22 %), les Pays-Bas (20 %), l’Allemagne (19 %), le Royaume-Uni (18 %) et l’Italie (18 %) comptent le plus grand nombre d’actifs estimant que l’IA n’aura pas d’impact majeur sur leur travail. En France, ils sont 16 % à partager cette opinion. Parmi les travailleurs qui s’attendent à bénéficier régulièrement du soutien de l’IA, 70 % sont convaincus de disposer des compétences nécessaires pour progresser dans leur carrière au cours des trois prochaines années. Pour ceux qui pensent que l’IA les aidera de manière occasionnelle, 65 % jugent posséder les compétences requises.
Epouvantail ou alliée, c’est selon…
Les chiffres révélés par l'étude montrent une dichotomie frappante dans la perception des salariés à l'égard de l'intelligence artificielle dans le milieu professionnel. Un quart des salariés (25 %) voit dans l’IA une opportunité d’automatiser certaines tâches, ce qui leur permettrait de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée ou d’alléger leur charge de travail, principalement les travaux routinier répétitifs. Par exemple, dans des secteurs tels que les ressources humaines, l’IA peut automatiser des processus comme le tri des CV ou la planification d’entretiens, laissant plus de temps aux responsables pour travailler sur la stratégie et l’engagement des équipes.En parallèle, 19 % des salariés perçoivent un bénéfice direct en termes de gain de temps. Cela inclut des tâches quotidiennes telles que la rédaction de rapports ou la gestion de la messagerie, où l'IA générative peut produire des résumés ou des brouillons en quelques secondes. Dans les services clients, des solutions comme les chatbots alimentés par l’IA permettent de traiter les demandes, réduisant le temps passé sur des tâches redondantes. Ce gain de temps peut être réinvesti dans l’amélioration de l’expérience client ou le traitement de cas complexes.
Des craintes importantes, souvent infondées
Cependant, ce regard optimiste cohabite avec des craintes importantes, dont une part paraît infondée, selon le secteur et le métier. Ces craintes sont majoritaires, avec 42 % des salariés redoutant que l’IA remplace tout ou partie de leurs fonctions. Ce sentiment est particulièrement répandu dans les secteurs où l’automatisation est déjà bien implantée, comme la logistique, la fabrication ou même certaines fonctions administratives. Il est vrai que dans ces domaines, l’IA, couplée à la robotique ou à l’automatisation logicielle, peut menacer directement des postes en optimisant la productivité et en réduisant les besoins en main-d’œuvre.Ce paradoxe – l’enthousiasme pour l’IA comme outil d’amélioration et la peur du remplacement – reflète une transition technologique encore incomplète, estime le rapport. Les salariés qui pensent que l’IA peut les aider dans certaines tâches ou leur faire gagner du temps sont, en général, ceux qui perçoivent déjà des applications concrètes et utiles dans leur travail. À l’inverse, ceux qui redoutent un remplacement de leurs fonctions sont souvent confrontés à un manque de visibilité sur l’impact réel de l’IA ou sur les opportunités de requalification professionnelle.
Un enjeu de communication et de formation
Ces perceptions contrastées mettent en évidence l’importance cruciale de la communication et de l’accompagnement dans l’introduction de l’IA au travail. Pour les organisations, le défi réside dans la capacité à démontrer aux salariés que l’IA peut agir comme un allié, et non comme un concurrent. Cela passe par des investissements dans la formation continue pour permettre aux collaborateurs de développer de nouvelles compétences et s’adapter à des rôles évolutifs.Une étude menée par le Forum économique mondial en 2023 indiquait que d’ici 2027, près de 50 % des employés mondiaux devraient acquérir de nouvelles compétences pour répondre aux besoins technologiques émergents. Les entreprises qui intègrent des programmes de requalification (upskilling) et de développement des compétences sont mieux positionnées pour apaiser les inquiétudes des salariés et favoriser une adoption harmonieuse de l’IA.
Une perception hétérogène selon les secteurs
L’impact de l’IA varie également selon les secteurs d’activité. Dans les professions créatives ou techniques, comme la conception graphique ou la programmation, l’IA peut agir comme un accélérateur de productivité, permettant aux professionnels de prototyper plus rapidement ou d’analyser des volumes massifs de données. En revanche, dans des fonctions plus standardisées, comme la comptabilité de base ou la gestion de stocks, l’IA peut remplacer une part importante des tâches, alimentant les craintes des salariés.Les conclusions de l’étude d’ADP soulignent une double réalité : si une proportion significative des travailleurs voit dans l’IA une opportunité d’optimisation, une frange presque équivalente redoute un potentiel destructeur, imaginé ou réel. Pour les entreprises, il est impératif de jouer un rôle actif dans cette transition en clarifiant les bénéfices de l’IA, en renforçant les compétences des salariés et en garantissant un équilibre entre technologie et humain.
De leur côté, les salariés doivent prendre une part active dans cette transition en adoptant une posture proactive face aux évolutions technologiques. Cela implique de développer une compréhension de base des technologies d’IA. Il est essentiel que les salariés s’informent sur les fondamentaux de l’IA afin de mieux comprendre son fonctionnement, ses applications et ses limites. Cette connaissance permet non seulement de réduire les peurs souvent alimentées par des idées reçues, mais aussi de mieux identifier les opportunités qu’elle peut offrir. Par exemple, suivre des webinaires, des formations en ligne ou lire des études de cas sur l’usage de l’IA dans son secteur peut aider à démythifier la technologie.