Avec son algorithme propriétaire, la startup AdsWizard entend imposer un nouveau standard d’analyse de la publicité digitale. Exploitant les données rendues publiques par le DSA européen, le règlement européen sur les services numériques, sa plateforme SaaS aspire à devenir un référent en matière de transparence publicitaire.Son PDG et fondateurs, Basile Coyo, nous décrit l’architecture technique, les cas d’usage, la promesse d’exhaustivité, et les perspectives d’un marché en pleine reconfiguration.
Entre explosion des formats, fragmentation des canaux et course à la différenciation, les marques peinent à cartographier leurs propres campagnes, a fortiori celles de leurs concurrents. AdsWizard entend répondre à ce déficit d’intelligence en combinant la collecte massive de données issues des Ads Libraries, l’IA propriétaires et une interfaçage multimodal. À la clé, une analyse inédite des parts de voix numériques, des stratégies créatives et des dynamiques sectorielles. Entretien avec son fondateur et PDG, Basile Coyo.
Vous présentez AdsWizard comme une solution SaaS d’analyse exhaustive de la publicité digitale. D’où vient l’idée ?
Depuis vingt ans, je travaille dans la publicité digitale. Dès mes débuts en agence, j’ai ressenti une frustration récurrente : l’impossibilité de visualiser ce que faisaient vraiment les concurrents des marques que j’accompagnais. Les outils manquaient. On échangeait des captures d’écran par WhatsApp, on constituait des panels d’utilisateurs pour détecter quelques campagnes… mais sans jamais atteindre l’exhaustivité. Aujourd’hui, cette visibilité est devenue techniquement envisageable grâce aux obligations de transparence imposées par le DSA européen. C’est ce tournant réglementaire qui a permis l’émergence d’AdsWizard.
Votre plateforme se connecte donc aux Ads Libraries des grandes plateformes. Quelles sont vos sources de données et comment garantissez-vous leur couverture ?
Le DSA impose à dix plateformes majeures – Meta, Google, TikTok, Amazon, Apple, LinkedIn, Snapchat, X, Pinterest, Bing – de publier un inventaire des publicités diffusées. Chaque plateforme expose ces données via ses propres API, plus ou moins bien documentées. Nous avons mis deux ans à développer un moteur d’orchestration capable de s’y connecter en temps réel, malgré l’hétérogénéité des formats et des rythmes de mise à jour. Notre promesse est de permettre à nos clients de collecter toutes les publicités diffusées en Europe sur ces plateformes, de les stocker, de les normaliser et de les analyser chaque jour. À notre connaissance, aucun autre acteur ne vise ce niveau d’exhaustivité.
Sur quoi repose l’architecture technique d’AdsWizard ?
Notre socle combine plusieurs couches. D’abord un moteur de collecte avancé, et c’est bien plus qu’un simple crawler, qui orchestre les appels API, les visites simulées et les scrutateurs de contenu. Ensuite, trois modèles d’intelligence artificielle propriétaires traitent les données : une IA d’identification et de classification (pour attribuer correctement une publicité à une marque ou un réseau), une IA d’indexation (pour extraire le contenu des images, vidéos, textes, URL), et une IA de compréhension stratégique (pour interpréter l’intention marketing ou le registre utilisé). Ces IA sont entraînées sur nos propres jeux de données à partir de LLM open source hébergés sur AWS Bedrock, avec des capacités multimodales et vectorielles.
Concrètement, quels types d’analyses vos clients réalisent-ils avec AdsWizard ?
Les usages évoluent très vite. Au départ, l’alerte sur le lancement d’une campagne concurrente était la première demande. Puis sont venues les analyses de part de voix et les estimations budgétaires. Une marque peut aujourd’hui comparer ses investissements publicitaires à ceux de ses concurrents, plateforme par plateforme, typologie par typologie. Nos clients nous demandent aussi de générer des synthèses sectorielles, de suivre l’évolution d’une stratégie créative, voire d’éviter de reproduire une campagne déjà diffusée ailleurs. Certains explorent également le volet brand safety ou la détection de comportements frauduleux.
À quel modèle économique et à quelle typologie de clientèle répondez-vous ?
Nous fonctionnons sur abonnement mensuel par marque ou par secteur analysé, avec une tarification ajustée selon le volume d’annonces et la complexité des analyses demandées. Nos clients sont principalement des marques, mais de plus en plus d’agences médias testent nos services pour les intégrer à leur offre. Nous avons déjà collaboré avec Publicis, Havas et Mediabrands. Des régies ou des plateformes comme YouTube pourraient aussi s’intéresser à nos données pour comprendre qui communique où, et avec quelle intensité. Notre priorité reste de valider l’usage avec les premiers partenaires, avant de généraliser des formules plus industrialisées.
Comment traitez-vous la question de la souveraineté des données et de la conformité réglementaire ?
Nous ne collectons aucune donnée personnelle. Toutes les informations que nous utilisons sont publiques, accessibles légalement via les Ads Libraries. Les serveurs sont hébergés en Europe, mais la collecte peut transiter par des serveurs aux États-Unis pour des raisons de performance, surtout si les données sont générées localement. Ce point est souvent soulevé par les DSI, mais il faut bien comprendre que nous analysons uniquement des créations publicitaires déjà rendues publiques. La conformité au RGPD n’est donc pas un problème dans notre cas d’usage.
Vous évoquez un rôle possible de tiers de confiance. Cela vous rapproche-t-il d’une mission d’intérêt général ?
C’est un sujet que nous avons en tête. Fournir un service aux marques d’un côté, garantir la transparence du marché de l’autre… cela soulève des questions d’équilibre. Pour l’instant, nous jouons un double rôle, sans prétendre à une neutralité institutionnelle. Mais si un jour une autorité souhaite s’appuyer sur notre infrastructure pour mesurer la transparence d’une plateforme, nous serons prêts. Et s’il faut séparer les deux fonctions, on trouvera la bonne structure juridique. L’important est de construire une référence solide sur ce marché.
À moyen terme, quelles sont les prochaines étapes pour AdsWizard ?
Notre priorité immédiate est d’ouvrir l’analyse aux données organiques et à l’influence. Cela nous permettra d’avoir une vision encore plus exhaustive de l’activité digitale d’une marque, en allant au-delà de la seule publicité payante. Nous travaillons aussi à rendre notre interface totalement promptable, avec des requêtes en langage naturel pour interroger les données. L’objectif est de pouvoir dire à l’IA « Donne-moi toutes les pubs de ce concurrent en 2024 ciblant les 18–25 ans » ou « Retrouve-moi cette campagne avec une planche de surf sur fond de piscine »… et d’avoir une réponse instantanée. Ce sera un tournant décisif.
Êtes-vous ouverts à un rachat ou à un partenariat industriel ?
Oui, tant que l’indépendance de la mission est préservée. Il serait difficile pour moi d’imaginer AdsWizard absorbé par une plateforme qui elle-même diffuse de la publicité. Mais si un acteur, public ou privé, partage notre vision de transparence et peut nous aider à changer d’échelle, nous écouterons. Pour l’heure, nous restons concentrés sur la consolidation de notre technologie et sur notre première levée de fonds. Ce marché va très vite, et nous savons que tout peut s’accélérer d’un moment à l’autre.























































