Ce choix n’est pas marginal ni naïf. Il s’impose désormais comme un levier stratégique pour construire une intelligence artificielle plus souveraine, plus agile et mieux alignée avec les réalités des entreprises européennes.
Une réponse concrète aux défis de souveraineté et d’agilité
Trop souvent, l’open source est encore perçu comme une solution gratuite ou communautaire. En réalité, il s’agit d’un véritable atout industriel. Adopter des modèles ouverts permet de garder le contrôle sur ses déploiements, d’adapter les modèles à ses besoins métier, et surtout d’assurer une transparence sur leur fonctionnement.À l’inverse, les modèles propriétaires exposent les organisations à une instabilité permanente : modifications tarifaires, restrictions d’usage, dépendance à des API commerciales, absence de visibilité sur l’évolution des modèles. Une entreprise qui investit massivement sur un seul fournisseur prend le risque de devoir réajuster toute sa stratégie à la moindre modification.
À l’heure où les innovations en IA s’enchaînent, il devient indispensable de développer une véritable autonomie technologique. Cela passe par des plateformes modèle-agnostiques, capables de faciliter la transition entre différents modèles, qu’ils soient ouverts ou propriétaires" n'a pas tout à fait la même puissance et signification que "permettant de facilement passer d'un modèle propriétaire à un modèle ouvert et d'un fournisseur
à un autre.
Performance, maîtrise des coûts et confidentialité
Les modèles de langage open source ont progressé à grande vitesse ces derniers mois, au point que leurs performances convergent avec les solutions propriétaires sur de nombreux cas d’usage. Surtout, ils permettent aux entreprises de faire un choix éclairé sur leurs arbitrages techniques : héberger un petit modèle en local ou dans un cloud de confiance, accéder ponctuellement à un modèle plus puissant via API. Cette hybridation ouvre un nouveau champ de possibilités.Elle permet aussi de répondre à un enjeu central : la protection des données. Construire une application basée sur des modèles open source déployés en interne garantit la confidentialité des données sensibles, sans dépendance à un tiers. Cela répond à la fois aux exigences réglementaires et aux attentes croissantes en matière d’éthique et de cybersécurité.
Autre avantage clé : le pilotage économique. Contrairement aux solutions API qui fonctionnent à la requête ou au token, un modèle open source permet de passer d’un coût variable à un coût fixe maîtrisé, particulièrement avantageux à grande échelle.
L’open source, levier d’une IA frugale et ciblée
Dans un contexte de tension énergétique et de sobriété numérique, il n’est plus envisageable de mobiliser des modèles massifs pour des tâches simples. L’open source favorise le recours à des modèles plus compacts, spécialisés, et bien entraînés sur des jeux de données métiers, réduisant à la fois l’empreinte carbone et la dette technique.Ces modèles de petites tailles (les SLM - « small language model ») permettent de construire des agents IA plus sobres et plus ciblés permettant d'automatiser de nombreuses tâches : génération d'un document, récupération d'une information dans une base de données, envoi d'un email. Leur faible consommation de ressources facilite leur déploiement sur des environnements diversifiés et permet également une utilisation sur des objets embarqués.
Construire une alternative européenne crédible
L’Europe dispose des talents, des ressources, des régulations et de l’écosystème pour bâtir sa propre voie dans l’IA. Mais encore faut-il faire de l’open source un projet politique et économique prioritaire. Car derrière la souveraineté, c’est aussi la capacité d’innovation à long terme qui est en jeu.En soutenant les initiatives open source, en investissant dans des plateformes de développement d’agents IA et en misant sur des infrastructures de confiance, l’Europe peut reprendre la main dans la course mondiale à l’IA. Elle peut le faire à ses conditions : avec transparence, maîtrise et engagement éthique.
L’intelligence artificielle de demain ne devra pas être surpuissante. Elle devra être efficace, adaptée, frugale, lisible, modulaire et interopérable, en phase directe avec les besoins concrets des entreprises et des utilisateurs.
Par Xavier Trigano, VP Product chez Craft AI